Pensée pour traquer les terroristes qui sévissent dans le Sahel ouest-africain, la force du G5 Sahel qui regroupe les troupes des cinq pays concernés, à savoir le Burkina Faso, le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Tchad, est en proie à d’énormes difficultés pour prendre son envol. En effet, la question de son opérationnalisation est toujours sur la table des discussions, tant le nerf de la guerre semble faire défaut. En effet, les contributions annoncées tardent à tomber conséquemment dans l’escarcelle. Tant et si bien que les soldats qui ont été mobilisés dans le cadre de cette force, sont réduits à ronger leurs rangers dans leurs bases, après les deux opérations d’échauffement qui s’apparentent à autant de séances d’immersion dans cette guerre contre les forces obscurantistes, dans la bande sahélo-saharienne.
L’opérationnalisation de la force du G5-Sahel a du plomb dans l’aile
Aussi, las de voir son calendrier d’entrée en action sans cesse repoussé, le patron de ladite force était, le 23 mai dernier, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, pour réclamer un « mandat renforcé », en vue de permettre à la force de lutter efficacement contre les jihadistes. Et ce ne sont pas les arguments qui manquaient au secrétaire permanent de ladite force militaire. Morceaux choisis : « Nous sommes encore loin d’avoir atteint une bonne vitesse de croisière dans la mise en œuvre concrète de notre réponse sécuritaire à la crise qui menace de totalement déstabiliser le Sahel et ses environs ». « Même si plus de 80% de nos effectifs sont déjà déployés à notre quartier-général de Sévaré et au niveau des trois zones opérationnelles, il n’en demeure pas moins que nos troupes sont encore généralement mal équipées, les bases militaires et plus globalement la logistique nécessaire à une intervention efficace font défaut ». Au vu de cette situation, Maman Sidikou, puisque c’est de lui qu’il s’agit, espérait obtenir de l’ONU « un apport à un niveau plus approprié », qui passe « par des contributions obligatoires » des membres de l’ONU, pour assurer une aide pérenne au G5-Sahel. Mais il se heurtera à un refus catégorique des Etats-Unis qui n’entendent pas aller au-delà des appuis bilatéraux pour « satisfaire les besoins financiers et logistiques de la force », invitant les pays qui se sont engagés pour des contributions financières, à « décaisser les fonds promis ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’opérationnalisation de la force du G5-Sahel a du plomb dans l’aile. Or, vu le tapage médiatique et les nombreuses rencontres qui ont entouré la mise en place de cette force, l’on était enclin à croire que son entrée en action serait imminente. Mais aujourd’hui, force est de constater que les choses ne sont pas ce que l’on croyait, tant et si bien que l’on est porté à se poser des questions par rapport à l’avenir même de cette force. En tout cas, avec ce refus de renforcement du mandat de la force du G5
Sahel, ce sont les terroristes qui peuvent se frotter les mains. Car, un adversaire affaibli est toujours moins à craindre qu’un adversaire en pleine possession de sa capacité opérationnelle. Et c’est l’équation qui se pose aujourd’hui au G5-Sahel dont on se demande finalement si la force ne risque pas d’être, au bout du compte, un pétard mouillé. Le drame est que pendant ce temps, les terroristes gagnent chaque jour un peu plus de terrain avec des attaques devenues quasi quotidiennes, au grand dam des populations qui ne savent plus à quel protecteur se vouer.
L’Afrique est une frontière avancée de l’Occident
En tout état de cause, maintenant qu’il n’a pas eu gain de cause à la tribune des Nations unies, l’on attend de voir comment le G5-Sahel compte s’organiser pour la suite de sa mission, car il est allé trop loin pour reculer. Surtout que sa force est présentée aujourd’hui comme l’une des alternatives les plus crédibles pour réduire considérablement la voilure des fondamentalistes dans la bande sahélo-saharienne. Les chefs d’Etat concernés sont donc interpellés. Car, cette façon pour l’ONU de les mettre devant leurs responsabilités concernant l’opérationnalisation de cette force dont l’importance n’est plus à démontrer, est la preuve que l’Afrique en général, et le G5-Sahel en particulier, doivent apprendre à s’assumer.
Cela dit, l’attitude de la communauté internationale manque quelque peu de lisibilité. Car, il est difficilement compréhensible que face à l’urgence de la situation marquée par une montée en puissance des terroristes dans ladite zone, non seulement les promesses de contributions financières devant permettre à la force d’entrer véritablement en action, tardent à se concrétiser, mais aussi que l’ONU rechigne à tendre une oreille attentive à cette requête de renforcement du mandat de la force conjointe. Quand on veut aider quelqu’un à se sortir d’un problème, on le fait de façon franche et nette. Mais dans le cas d’espèce, on a le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond dans le cas de l’opérationnalisation de la force du G5-Sahel. C’est à se demander s’il n’y a pas, quelque part, des intérêts en jeu. A moins que cela ne relève tout simplement de cette sorte d’égoïsme national qui fait que l’on ne se sent pas concerné par l’incendie qui consume la case du voisin. Si c’était le cas, ce serait une attitude suicidaire car l’Afrique qui se présente aujourd’hui comme le ventre mou de la lutte contre le terrorisme, n’est qu’une frontière avancée de l’Occident qui semble la véritable cible des islamistes. Et si cette frontière tombe, cela ne sera pas sans conséquence pour l’Occident. A bon entendeur…