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Santé : «Il faut venir au CHU/ Yalgado pour connaitre les réalités du Burkina»

Publié le samedi 19 mai 2018  |  FasoZine
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© Autre presse par DR
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Le droit à la santé est reconnu pour tous les Burkinabè et il est de la responsabilité de l’Etat de le promouvoir, nous dit la Constitution. Malgré tout, se soigner convenablement reste une équation pour bon nombre de citoyens burkinabè. Ouagadougou, la capitale dispose du plus grand plateau technique du pays avec des hôpitaux de référence comme les Centres hospitaliers universitaires Yalgado Ouédraogo (CHU-YO) et Blaise Compaoré (CHU-BC) et pédiatrique Charles De Gaule. Cependant, ces centres de santé publics rencontrent d’énormes difficultés dans l’accomplissement de leur mission publique d’offre de soins. Capacités d’accueils insuffisantes, pannes récurrentes des appareils biomédicaux et ruptures de réactifs sont, entre autres, les difficultés qu’ils rencontrent. Qu’en est-il exactement ? Nous avons pu constater les conditions périlleuses dans lesquelles les malades sont pris en charge au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo ce mardi 15 mai 2018 et le constat suivant s’impose…

Notre périple commence par le service stomatologie et chirurgie maxillo-faciale du CHU/YO. Ici dans le bureau du chef de service, on aurait même préféré un studio de fortune. Climatisation en panne, le ventilateur à peine fonctionnel nous plonge déjà dans l’univers réel du dernier hôpital de référence de tout le Burkina. Le manque de climatisation dans les services n’est pas l’apanage du service stomatologie. En effet, depuis plus d’une année, Blaise Somé surveillant d’unités de soins, est obligé de se patienter par rapport au manque de besoins. «Chaque fois, on me dit d’attendre et vous voyez bien qu’il fait très chaud. Et le malade n’est pas du tout en sécurité. Parce que dans les normes, il faut que le malade soit en sécurité avant qu’on lui administre les soins. Et lorsqu’il fait chaud, le malade est paniqué et cela peut causer un choc», explique M. Somé.

A deux pas de ce bureau, un malade est hospitalisé dans une chambre sans toilettes. «Je me débrouille avec les vases pour mes besoins naturels», nous confie l’infortuné. «Je ne souhaite pas que l’un de vos parents viennent dans ce service parce que les toilettes sont fermées et barrées par des dalles depuis belle lurette», nous confie une source interne. «Il faut venir au CHU/ Yalgado pour connaitre les vraies réalités du Burkina», tels sont les propos de Aminata Ouédraogo, accompagnante de malade au service stomatologie et chirurgie maxillo-faciale du CHU/YO. Problème de sanitaire et de scialytique (système d'éclairage utilisé dans les salles opératoires), insuffisance de moniteurs de surveillance générale et des signaux vitaux, insuffisances de masques et lunettes à oxygène et panne récurrente des aspirateurs médicaux. Matériels utilisés pour dégager les voies aériennes en cas d’encombrements ou d’obstruction …

Ce qui reste de la salle de reéducation au service de la kinésie-thérapie
Tel est le triste constat au sein du « plus grand hôpital » du pays. Et comme pour nous prendre à témoin, alors que la patiente accompagnée par dame Ouédraogo est déjà anesthésiée, pas de scialytique pour procéder à son opération. Il a fallu faire recourt au chirurgien pour trouver de la lumière de fortune. André Pouya est attaché de santé en odontostomatologie au bloc opératoire du service chirurgie maxillo-faciale du CHU/YO. «Lorsque nous parlons de conditions de travail difficile et que nous manquons du minimum, les gens pensent que nous exagérons. Comment un bloc opératoire peut manquer de scialytique. Et n’eut été le matériel du chirurgien ce matin, on ne pouvait pas opérer la patiente. Il n’y a même pas de climatisation dans le bloc opératoire. C’est extrêmement grave et on ne peut pas continuer ainsi. Est-il normale que ce soit le chirurgien qui parte acheter le matériel avec son argent pour venir opérer le malade ? C’est parce que c’est nous qui sommes en contact avec les malades et c’est un sacerdoce pour nous de faire tout ce qui possible pour sauver leur vie», confie M. Pouya. L’agent conclut d’ailleurs que c’est un manque de volonté de la part des autorités.

Tout comme Mme Ouédraogo, Lanssané Bangré a accompagné son frère accidenté en provenance de Koupéla. Si M. Bangré avoue avoir eu la chance que son frère soit pris en charge, il déplore néanmoins le fait de faire recourt à l’hôpital Saint Camille chaque fois qu’il doit faire des examens. Dans le même couloir, est couché Karim Guira à même le sol, avec un bandage à l’œil droit. «Moi je suis arrivé ici inconscient. Je suis des traitements en attendant d’être opéré mais j’avoue que ça traine. Et je me rends compte que c’est parce qu’il n’y a pas de matériel. J’espère seulement qu’on va s’occuper de moi pour que je quitte ce calvaire. Vous voyez vous-même l’endroit où je suis couché. Je suis obligé de sortir me coucher dehors la nuit à cause de la chaleur», témoigne M. Guira qui est venu lui, de la Côte d’Ivoire.

Mais dans ce service, ce n’est pas seulement le plateau technique qui est en souffrance. Un tour dans la salle de pansement et le secrétariat révèle la vétusté du mobilier de bureau. Dans la salle de pansement, une pile de dossiers des malades enfouille dans la poussière comme si nous étions dans un grenier de maïs. Au secrétariat, les vitres brisées ont fait place à des anciens calendriers.

La kinésie-thérapie est aux arrêts depuis 2005

Au CHU/YO, la kinésie-thérapie est aux arrêts depuis 2005 et le personnel passe le claire de son temps à se tourner les pouces. «Même le strict minimum n’y ait pas et nous essayons de faire avec. Vous voyez bien que nous sommes assis», déplore une source interne. Pourtant, l’électrothérapie qui sert de rééducation ne coûte que cinq millions de francs CFA. «Même pour des infrarouges qui servent à redynamiser la circulation sanguine, il faut référer les patients à d’autres centres de santé. Alors qu’un infrarouge ne coûte que 20.000 FCFA», poursuit notre interlocuteur.

D’un service à un autre, nous n’avons que nos yeux pour constater le pitoyable état des soins offerts aux Burkinabè au CHU/YO. Mais avant de faire le tour de certains services, il est encore mieux de protéger ses yeux au risque de les perdre à la sortie. A l’ophtalmologie où l’une des parties les plus sensibles de l’être humain est traitée, les locaux laissent à désirer. La salle d’accueil de ce service est l’exemple typique de vétusté du matériel avec des fauteuils usés. Les lits d’hospitalisation sont disposés comme-ci, comme ça. Et même la salle de dernière catégorie qui est censée avoir le minimum de confort et de commodité, dispose à peine de toilettes dignes du nom. Et pourtant, il est toujours imposé aux patients de payer les frais liés à cette catégorie. Tout comme à la chirurgie maxillo-faciale, pas de scialytique fonctionnelle au bloc opératoire ici également. Les maitres des lieux doivent se débrouiller comme ils peuvent pour opérer les patients. Si le service ophtalmologique est quant à lui fonctionnel même si c’est au minima, la chirurgie viscérale quant à elle, n’opère plus les programmes depuis le 1er mars 2018. A notre passage, il était en chantier pour sa réfection. Et ceci grâce à la marche du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale du 8 mars dernier nous confie une source syndicale.

L’on se rappelle pourtant que lors de la visite du Premier ministre Paul Kaba Thiéba, le 6 juin 2016, l’ancien directeur général de l’hôpital, Robert Sangaré, avait indiqué que la résolution des problèmes de Yalgado devrait venir de son redéploiement sur deux pôles. Cependant a-t-il précisé, cette option a été abandonnée au profit de la mise en place du nouveau hôpital du district sanitaire de Bogodogo : «la solution qui consistait au redéploiement de l’hôpital sur deux pôles, nous y avons travaillé mais il y a eu une autre option qui a été prise par les autorités. Ce qui a rendu intact les problèmes qui existaient puisque le redéploiement sur deux pôles avait pour mission de résoudre les problèmes d’infrastructures et d’équipements de Yalgado. Nous ne sommes plus responsables de la remise en question de cette option qui avait été acceptée et travaillée depuis quatre ans. (…) Maintenant la conséquence de cette option, il faut que le gouvernement assume cette conséquence en donnant les moyens à l’hôpital Yalgado sur son site actuel pour se rééquiper et réhabiliter ses infrastructures.»

Mais de l’avis du Syntsha de Yalgado Ouédraogo, la création de ce nouvel hôpital n’est pas mal en soi mais il revient plutôt à l’Etat de mettre tout en œuvre pour équiper conséquemment les hôpitaux publics tout en ne délaissant pas l’un au profit de l’autre. In fine, au vu de ce constat, il urge donc de trouver des solutions idoines afin de rendre disponible en continuité les services de soins pour les patients. Soulignons qu’après notre constat, nous avons tenté de rentrer en contact avec les premiers responsables mais ceux-ci étaient en réunion nous a-t-on dit.
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