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Le Quotidien N° 837 du 9/8/2013

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Crise dans les cités universitaires : du malheur d’être enfant de pauvre
Publié le vendredi 9 aout 2013   |  Le Quotidien




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C’est une curieuse situation que nous donnent à voir les autorités du Burkina. Après avoir expulsé les étudiants des cités universitaires, le même gouvernement leur offre ses services, comme des refugiés. En général, les sinistrés assistés par l’Etat sont victimes de catastrophes naturelles ou de conflits. Mais pour une fois, l’Etat accourt au chevet de personnes avec qui il est en conflit. Ce paradoxe met à nu la problématique des crises récurrentes au sein de nos universités. La passion, les préjugés et le subjectivisme l’emportent le plus souvent sur la sagesse. Du côté du gouvernement, les étudiants sont perçus comme d’éternels perturbateurs, voire des bras armés de l’opposition. Même s’ils sont dans leurs droits, ils sont frappés de préjugés défavorables. D’où le lien que certains ont vite fait entre cette décision brusque de fermeture des cités et la participation, très remarquée, des étudiants à la manifestation de l’opposition. Ainsi, les étudiants auraient été punis pour leur engagement politique, à travers des mesures de rétorsion. « Puisque vous êtes avec l’opposition, allez-y dormir et manger chez elle ». Les étudiants, pour leur part, ne sont pas loin de lire ainsi les pensées du gouvernement. En tout état de cause, cette nouvelle crise intervient dans un contexte de tensions sociopolitiques liées à la mise en place controversée du Sénat. En général, le pouls de l’université de Ouagadougou bat au rythme de la situation nationale. On ne peut donc pas déconnecter la mesure gouvernementale du contexte national.
Mais en proposant de prendre en charge les étudiants sous un autre format, le gouvernement ne se tire-t-il pas une balle dans la patte ? Visiblement, l’opération est un fiasco, pour plusieurs raisons. Des bonnes volontés avaient déjà entendu les complaintes des étudiants en offrant qui un gîte, qui un couvert aux parias de nos universités. Cette solidarité agissante a réglé bien des problèmes des étudiants et mis en évidence la cruauté de leur sort. Ce ne sont plus les étudiants les fautifs, pour ceux qui croyaient en cette thèse, pour avoir refusé de quitter les cités et avoir incendié des véhicules, mais l’Etat, qui a mis à la rue ses propres enfants. Qui est la victime, qui est le bourreau ? Beaucoup de citoyens, aujourd’hui, n’hésitent pas à mettre à l’index l’Etat. Oubliés les actes de vandalisme commis sur les biens publics, seule compte l’attitude du pouvoir d’avoir osé jeter dehors des étudiants. Et ô désaveu suprême, les étudiants refusent de se mettre sous l’aile du ministère de l’Action sociale. Au décompte final, à part le fait d’avoir réussi à expulser les étudiants et d’avoir montré qu’il est le plus fort, de quelle victoire peut se prévaloir l’Etat dans cette affaire ? Car les étudiants sont en train de démontrer que même sans le CENOU, ils pourront vivre avec une certaine dignité pendant ces vacances à Ouagadougou.
Au-delà de cette crise conjoncturelle, se pose le problème structurel de la gestion des étudiants au Burkina. L’Etat fait comme si c’était déjà un privilège d’avoir une place à l’université, le reste (qualité des infrastructures et des services) n’étant plus une priorité. C’est le malheur d’être enfant de pauvre et de ne pouvoir aller étudier à l’extérieur. Car on imagine mal que des gosses de riches ou de barons du pouvoir puissent être parmi les étudiants expulsés à coups de gaz lacrymogène. Tous sont dans les universités privées du Burkina (pour les parents moins nantis) et à l’extérieur (pour les plus riches). L’université publique est désormais délaissée aux pauvres. C’est sans doute ce qui explique, entre autres, le traitement infligé à ses pensionnaires. Quand les évêques, dans leur lettre pastorale, dénoncent une « fracture sociale profonde », c’est aussi cela. Et leur conclusion est cinglante : « Cette situation conduit à des attitudes de rejet ou de défiance, surtout de la part de la jeunesse, qui ne croit plus aux discours populistes et électoralistes et à l’égalité de chances, parce qu’estimant vivre dans l’impasse, sans avenir, sans perspectives, et en qui s’accroit le sentiment de l’injustice ». L’Etat doit donc vite se ressaisir. Il doit montrer qu’il est au service de tous les Burkinabè. Il est urgent de prouver aux yeux du monde qu’il n’y a pas des Burkinabè de première et de seconde zone. Les étudiants ne doivent plus être classés en catégories, selon leur appartenance sociale, mais selon leur mérite : ceux qui sont bons pour l’université « frelatée » de Ouagadougou et ceux qui sont destinés d’office aux prestigieuses universités occidentales. Les remous au sein de l’université posent donc un problème plus large de malgouvernance .

La Rédaction

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