L’opposition politique burkinabè vient d’engranger un important acquis dans sa lutte pour la satisfaction de ses nombreuses revendications. Elle a, en effet, obtenu du gouvernement qu’il engage l’Etat à supporter financièrement les charges des délégués des partis dans les bureaux de vote. Cette prise en charge des représentants des candidats aux élections n’est pas mauvaise en soi. Elle instaure une certaine équité qui offre les mêmes chances aux partis en lice de pouvoir suivre de près et dans toutes les localités du pays le déroulement du scrutin. Les retombées immédiates d’une telle égalité de traitement sont un bon déroulement du processus qui sera sanctionné par des résultats susceptibles d’être acceptés par tous. Toute chose qui contribuera à l’assainissement du climat sociopolitique pendant et après les consultations électorales. Mais, la face rayonnante que présente la médaille de cette mesure pour les opposants politiques burkinabè peut bien en cacher une autre pas très reluisante en termes de dividendes réelles et d’image externe. Les partis politiques bénéficient déjà d’un financement public destiné à les accompagner dans leurs activités. Les prestations de piètre valeur en période électorale et la quasi-hibernation en période morte dont font montre nombre d’entre eux laissent déjà penser qu’ils ne se servent pas de cette manne étatique à bon escient. Avait-on donc vraiment besoin de grever davantage le budget de l’Etat en cette période de soudure pour permettre à certains aventuriers politiques qui font de la politique un business commercial, de s’en mettre davantage plein les poches ? Plus que de moyens financiers, les partis politiques ont plutôt besoin d’institutions et de textes plus favorables à un jeu politique constructif et démocratique. Le principal dans un processus électoral est loin d’être la récolte maximale et par tous les moyens, des voix. Ce qui permet à un pays de sortir grandi d’un scrutin, c’est la capacité de ses acteurs à en faire une occasion d’éducation civique en cherchant plus à conscientiser et instruire les populations qu’à leur tendre des appâts sous formes de présents et sur lesquels elles mordront inconsciemment. La question de la neutralité de l’administration publique qui sera sans doute associée à l’organisation des élections, ainsi que la limitation des budgets de campagne par la réglementation des moyens employés tels que les gadgets et autres supports de propagande sont encore plus préoccupantes. Le gouvernement a, peut-être, mis en place une stratégie qui consiste à satisfaire les petits mais nombreux caprices de l’opposition pour l’empêcher de voir et de soulever les véritables problèmes. L’exécutif dont la plupart des membres sont des candidats aux prochaines élections couplées infantilise ainsi à souhait son adversaire en lui jetant des miettes. Ce dernier semble prêt à s’en contenter, oubliant qu’il existe un robinet occulte qui alimente la caisse du parti au pouvoir dont le poids financier des premiers responsables est déjà très écrasant sur celui de ceux des autres partis. Car, et cela est trop flagrant pour ne pas être perçu, il est indéniable que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) utilise des moyens colossaux (dont certains d’origine étatique peut-être) pour battre sa campagne. L’opposition gagnerait mieux à faire des propositions et à formuler des exigences allant dans le sens de la dissociation des ressources de l’Etat de celles de ses commis, surtout quand ceux-ci sont candidats à des élections. Pourquoi ne demanderait-elle pas que tout responsable public ayant en charge ou pouvant disposer du bien public dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, rende sa démission avant de se porter candidat à un poste électif ? Les partis de l’opposition ont peut-être voulu être un peu réalistes en voulant, à défaut d’empêcher le régime de se servir de l’argent public, en profiter autant que possible. Ils se rendraient alors complices de celui-ci dans le pillage des ressources publiques en exigeant que le contribuable casque davantage. Toutefois, les opposants ne doivent pas croire naïvement qu’ils sont les seuls à profiter de cette nouvelle mesure car, les autres partis aussi, y compris ceux de la mouvance, y ont droit. Et l’opposition qui a toujours accusé le CDP d’abuser des biens publics, doit reconnaître aussi que ce méga parti qui a porté l’actuel président du Faso au pouvoir, bénéficie légitimement des largesses de ce dernier. Le parti au pouvoir est par ailleurs né de la fusion de plusieurs partis. Il tire donc une partie de ses forces de ses origines. L’opposition pourrait au moins s’inspirer de cet exemple de mutualisation des forces pour mener une lutte plus honorable au lieu de se disperser. Il est vrai que pour les consultations locales, chaque parti cherche à renforcer sa représentativité individuelle en recherchant le plus d’élus possible. N’empêche que cette course à la conquête des voix, peut se faire dans un cadre fédérateur pour peu que l’on y aille sur une base claire et consensuelle. Les retombées en auraient été plus juteuses pour l’opposition, surtout dans un contexte où ses acquis en termes d’exigences de conditions de tenue d’élections propres sont considérables. L’enrôlement biométrique et la prise en charge par l’Etat des représentants des partis changeront-ils la couleur des résultats électoraux en leur faveur ? Rien n’est moins sûr car, plus que les revendications, c’est surtout le travail de terrain qui paiera.