Que le temps passe ! C’était il y a trois ans, la présidentielle ivoirienne, celle que l’on redoutait à juste titre parce que porteuse de germes de fracture sociale profonde. Et il n’en fut pas autrement, car le second tour de cette présidentielle, qui s’est déroulée le 28 novembre 2010 et qui a eu pour acteurs principaux Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, a généré un conflit postélectoral profond avec en prime une guerre civile qui aura fait au bas mot trois mille morts dont la Côte d’Ivoire peine à solder les comptes.
Mais depuis une certaine éclaircie semble de retour et, soutenu par la communauté internationale, Alassane Ouattara tient le gouvernail du bateau battant pavillon Côte d’Ivoire, non sans avoir pris la précaution d’envoyer quelques têtes fortes du camp Gbagbo en taule dans le cadre des enquêtes sur les violences postélectorales. Et le lundi 5 août dernier, à 48 heures de la fête nationale, certains de ces prisonniers ont bénéficié d’une liberté provisoire et ils ont pour nom : Pascal Affi N’Guessan, Justin Koua, Narcisse Téa Kuyo, Aboudramane Sangaré, Alcide Djédjé, Moïse Lida Kouassi, Soukouri Bohui, Alphonse Douaty, Séka Obodji, Henri-Philippe Dakoury Tabley, le colonel Konandi Kouakou, Nomel Djro, Michel Gbagbo et Geneviève Bro Gregbe, la seule femme du groupe. 14 personnalités pro-Gbagbo qui viennent donc d’être provisoirement élargies.
Alors l’acte posé par le pouvoir ivoirien peut–il être interprété comme un simple geste pour amuser la galerie ou est-ce une réelle volonté de mettre à profit l’idoine occasion de la fête nationale du 7 août pour aller à la réconciliation, décrisper une atmosphère bien lourde qui a envahi depuis le quotidien des Ivoiriens, divisés en deux camps et réduits à se regarder en chiens de faïence ? Mais quoi que l’on dise, la mise en liberté provisoire participe d’une volonté d'apaisement pour faciliter la réconciliation afin que l’objectif du président ivoirien de faire entrer son pays dans le cercle restreint des Etats émergents à l’horizon 2025 ne soit pas une vue de l’esprit.
Et la volonté des nouveaux maîtres d’Abidjan de parvenir à une sorte de concorde nationale afin que le pays d’Houphouët puisse jouer de nouveau son rôle de locomotive sous-régionale semble couler de source. C’est certainement dans cette perspective que la justice avait déjà procédé à l’élargissement en 2011 et 2012 de plusieurs proches de Laurent Gbagbo et autorisé Charles Blé Goudé, l'ex-leader des Jeunes Patriotes, à rencontrer ses avocats. Ce qui était loin d’être gagné d’avance, car depuis son extradition d'Accra, le 17 janvier 2013, leurs demandes étaient classées sans suite. Sans négliger le rôle de la justice, il est temps de solder ces comptes posélectoraux pour aller de l’avant.