Dans un article publié dans le numéro 6566 du lundi 9 avril 2018 du journal « Le Pays », nous faisions cas d’une manifestation initiée par les habitants du quartier Napamboumbou en vue de faire arrêter les travaux débutés sur un terrain que la population estime être la propriété du quartier. Du point de vue des habitants du quartier, il n’est pas question de laisser « la dame » construire sur le terrain parce qu’elle n’a pas acquis légalement ladite parcelle. Nous avons rencontré « la dame » en question. Elle se nomme Hadja Mariam Sanou. Elle nous donne sa version des faits.
« Elle ne veut pas céder, nous non plus nous ne céderons pas ». Ce sont les propos tenus par l’un des habitants du quartier Napamboumbou où se trouve le terrain litigieux jouxtant le mur de l’aéroport à l’intersection de l’avenue des arts et de l’avenue des Tansoba, le samedi 7 avril 2018, date à laquelle les jeunes ont procédé à la destruction partielle de la clôture. Selon Hadja Mariam Sanou, une sexagénaire, elle a acquis le terrain avec « le domaine Kadiogo 3 à 77 606 972 F CFA plus les droits d’enregistrement ». Pour quelles fins ? « Je voulais construire un hôtel moins cher et j’ai demandé un terrain à côté de la gare routière. Mais on m’a dit que le terrain que je veux est occupé et qu’ils vont me donner là où il y a le trou. Quand je suis allée voir le terrain en question, j’ai trouvé que la superficie du terrain était trop grande pour moi, parce que je ne voulais qu’une petite superficie. Mais on m’a dit de tout prendre. Ils m’ont dit qu’ils vont me vendre le terrain à crédit et que je devais payer le crédit pendant cinq ans. J’ai accepté. C’est là qu’ils m’ont dit de monter le dossier pour l’acquisition du terrain. Comme c’était un trou, l’Etat m’avait proposé de prendre 200 millions de F CFA pour remplir le trou afin de pouvoir investir sur le terrain et après, je rembourserais les 200 millions de F CFA sur 5 ans. Comme j’avais un peu d’argent, j’ai voulu faire la fondation avant d’aller chercher les 200 millions de F CFA pour finir le travail avant le début de la CAN 98 afin de loger moins cher ceux qui venaient pour l’évènement footballistique. C’est là qu’entre-temps, Simon Compaoré, maire de la ville de Ouagadougou en son temps, m’a dit que la parcelle est trop grande. Et Simon Compaoré m’a dit qu’il va échanger la parcelle contre une autre. Je n’y ai pas trouvé d’inconvénient. Mais on ne s’est pas entendu sur la parcelle de rechange jusqu’à ce que la CAN 98 passe. Comme il n’y avait pas d’issue, j’ai cherché un avocat. Mon avocat a alors demandé au maire Simon Compaoré que s’il n’a pas de parcelle de rechange, qu’il me rembourse les plus de 300 millions de F CFA que j’ai mis dans la parcelle. Mais Simon Compaoré n’a rien dit. Nous sommes allés en justice et Simon Compaoré n’a pas gagné le procès. Notre avocat nous a demandé d’aller construire parce que selon la décision de justice, la parcelle m’appartient. Mais Simon Compaoré, en son temps, a dit que si l’on construit, ça sera détruit. Donc, je me suis abstenue d’investir sur le terrain. Et c’est mon avocat qui m’a dit d’aller investir ».
Des plaintes à la gendarmerie, des interpellations de jeunes du quartier
C’est alors que Hadja Mariam Sanou a commencé les travaux de construction sur la parcelle en 2012 et avec le bitumage de l’avenue des arts, les tuyaux qui nous approvisionnaient en eau ont été sectionnés. C’est alors que la propriétaire des lieux a demandé un forage. « Mais les jeunes qui jouent au ballon sur les lieux se sont opposés à la construction du forage en ramassant le matériel de l’entreprise commise à la tâche. Et c’est là que les querelles avec les jeunes du quartier ont commencé ». Mais avec la médiation des chefs coutumiers du quartier Napamboumbou, Hadja Mariam Sanou a pu réaliser le forage. Les travaux ont encore repris. Mais en 2016, ils ont été arrêtés plusieurs fois par les jeunes du quartier. S’en est suivi des plaintes à la gendarmerie, des interpellations de jeunes du quartier et un ping-pong entre le commissariat de police et la Justice. « Au finish, le juge nous a dit d’aller investir sur le terrain tout en souhaitant qu’on aille informer d’abord les chefs coutumiers avant de recommencer à construire », nous a confié la propriétaire de la parcelle. Selon les explications de Hadja, c’est avec la bénédiction des chefs coutumiers qu’ils ont recommencé les travaux. « Et même que l’un des chefs coutumiers nous a dit de nous faire accompagner par les services de sécurité parce qu’eux-mêmes n’arrivent pas à maîtriser les jeunes », a déclaré Hadja Mariam Sanou. C’est là que les travaux ont repris en mars 2018, mais les maçons ont fui le chantier parce qu’ils étaient menacés. Ils sont encore repartis chez les chefs coutumiers du quartier qui leur ont dit d’arrêter les travaux sur le chantier. Ce qui a été fait. Et c’est au cours de l’une des rencontres avec les chefs coutumiers qu’un habitant « nous a fait savoir que le quartier a été loti par leurs grands-parents et que la parcelle litigieuse est destinée à construire une maternité, une école ou toute autre infrastructure au profit de tous les habitants du quartier », explique dame Sanou. Elle poursuit en disant qu’elle est allée expliquer la situation au juge qui leur a dit de construire parce qu’il ne voit pas à quel titre les habitants peuvent s’opposer à l’exécution des travaux sur le terrain en question. Et Hadja de noter : « Donc, nous avons continué et les menaces aussi allaient crescendo jusqu’à ce que les jeunes du quartier viennent détruire les constructions, le 7 avril dernier ». Par ailleurs, selon les documents qui nous ont été présentés, il s’avère que Hadja Mariam Sanou a un permis de construire en règle datant du 23 avril 2015 et qu’elle dispose de papiers qui démontrent qu’elle est la propriétaire de la parcelle en question.