La promotion de la démocratie fait généralement recette au Burkina Faso, au niveau des acteurs non étatiques. Dans ce champ, le Mouvement burkinabè pour la Promotion des valeurs démocratiques (MB-PVD), qui regroupe des compétences réparties dans tous les secteurs, s’est inscrit depuis deux ans. Selon son président, Dr Romuald Yaro, le mouvement compte mettre les citoyens au cœur de la démocratie, par des alertes et des critiques pour construire le Faso.
« Le Pays » : M. le président du MB-PVD, pouvez-vous présenter votre mouvement et nous dire sa spécificité ?
Dr Romuald Yaro : Avant tout propos, permettez-moi de vous traduire toute ma gratitude pour cette opportunité que vous nous offrez de parler du Mouvement burkinabè pour la Promotion des valeurs démocratiques (MB-PVD), mais aussi de nous exprimer sur la situation nationale.Pour revenir à votre question, il faut dire que le MB-PVD est une organisation de la société civile burkinabè qui bénéficie d’un récépissé datant du 30 mai 2016. Il est né de la volonté de Burkinabè, de contribuer activement à l’appropriation des grands axes du concept démocratique, lesquels axes doivent avoir pour socle des valeurs sociales en phase avec nos réalités socio-culturelles, mais aussi avec le contexte du moment et ce, autour d’un certain nombre de principes. Il s’agit évidemment des principes d’intégrité, d’honnêteté, de redevabilité, de respect du bien public, etc.La spécificité du mouvement est de développer l’approche participative dans la mise en œuvre de certains axes de développement, tout en mettant l’accent sur la veille citoyenne en vue d’un ancrage démocratique véritable. Il s’agira, pour nous, de jouer notre rôle d’organisation de la société civile et ne pas le confondre avec celui d’un parti politique. Le mouvement accorde un intérêt particulier à la préservation de ces valeurs dites déterminantes du concept démocratique par des actions d’alerte, des critiques et la formulation de solutions objectives qui prennent en compte les préoccupations sociales des masses. Il faut noter que nous essayons également de faire en sorte que ces solutions puissent être prises en compte par l’autorité gouvernante. Voici présentée, succinctement, la spécificité du mouvement.
Comment le mouvement compte-t-il s’y prendre pour agir autrement, quand on sait que la société civile s’est quelque peu discréditée ces dernières années ?
Permettez-moi de relever d’abord que le discrédit auquel vous faites allusion, justifié à tort ou à raison sur certaines organisations de la société civile, peut s’expliquer d’abord par le contexte politique du moment. Cela a pu amener certaines Organisations de la société civile (OSC) à dévier de leurs objectifs et ce, dans la ferveur de l’ambiance politique. A cela, il faudrait ajouter le déficit de communication ou le manque de sensibilisation des masses et des sympathisants de ces associations sur leurs orientations vis-à-vis des actions politiques de façon générale et de façon spécifique, vis-à-vis de celles des acteurs de la gestion du pouvoir d’Etat du moment. Ce qui pose, de toute évidence, la problématique des sources de financement de ces associations souvent liées à des objectifs politiques de leurs leaders. Je voudrais tout simplement dire qu’il y a des OSC qui sont effectivement créées pour accompagner le politique sans que cela ne soit clairement dit aux masses et perçu par leurs sympathisants, posant ainsi des incompréhensions sur certaines sources de financement ou sur certaines prises de positions.Pour ce qui est du MB-PVD, nous n’excluons pas le financement et l’appui d’institutions étatiques dans le cadre de notre approche participative pour trouver des solutions aux préoccupations des Burkinabè, tout en privilégiant les dispositions à envisager pour avoir des partenaires fiables, au regard de la pertinence du programme d’activités. Cependant, bénéficier de ces appuis institutionnels ne nous oblige, en rien, à un quelconque sentiment de redevabilité vis-à-vis de responsables de ces institutions, lorsque des préoccupations de mal gouvernance sont observées dans leurs structures respectives. Autrement dit, le mouvement soutiendra des actions gouvernementales qui tendraient à trouver des solutions appropriées à certaines préoccupations sociales. Mais, il se réserve aussi le devoir d’aller à la vérification d’une information, de critiquer certaines décisions et de surtout proposer des solutions lorsque se présentent des situations qui tendent à garantir des privilèges individuels ou sectaires au détriment de ceux collectifs et ce, au mépris du respect des valeurs qui nous sont essentielles dans tout processus de démocratisation d’un pays.
Quel rôle les jeunes doivent-ils jouer dans la promotion des valeurs démocratiques ?
Il faut dire qu’au niveau du mouvement, la notion de valeurs démocratiques est fortement ancrée à des principes qui doivent constituer une sorte de référentiel pour promouvoir l’Etat de droit et la bonne gouvernance. Il s’agit, comme initialement dit, des principes d’intégrité, d’honnêteté, de redevabilité, de respect du bien public, etc. Nous insistons sur le fait que ces valeurs doivent être en phase avec nos réalités socio-culturelles et doivent s’adapter au contexte du moment, gage de l’appropriation par les masses, des grandes orientations de développement à travers une vision et un mode d’opérationnalisation qui seraient compris de tous.Le rôle de la jeunesse est capital et reste déterminant dans les orientations que s’est données le MB-PVD. Ce rôle doit consister tout d’abord à l’appropriation par la jeunesse de ces valeurs, à leur vulgarisation en vue de leur pérennisation pour que les jeunes soient les principaux acteurs au cœur de cet objectif que s’est fixé le mouvement. Ceci pourra se faire à travers une de nos stratégies qui est celles de la mise en place des cellules d’animation au niveau scolaire et universitaire, mais aussi au niveau des grandes écoles et des instituts de formation.
Concernant la situation nationale, pouvez-vous nous dire un mot sur le processus de remise à plat des rémunérations engagé par le Gouvernement ?
Merci d’aborder cette question qui entérine un des axes d’orientation de notre Mouvement. Il s’agit de celui d’adapter les questions de développement actuel au contexte du moment, afin d’éviter d’être des éternels assistés. Ce qui nous permettra d’aborder avec courage et sérénité, certaines réformes fondamentales et nécessaires, au regard de l’évolution démographique et des conséquences du concept de la mondialisation. Il faut noter que tout Etat soucieux des questions de développement, a des obligations vis-à-vis des populations dans la pérennisation de certaines actions dites essentiels et devrait alors se donner les moyens appropriés pour remplir ses obligations. A ce titre, certaines réformes sont indispensables dans un contexte d’insécurité grandissante et inquiétante, avec des ressources limitées et des attentes sociales énormes.Nous supposons que de tels engagements forts se fondent sur des indicateurs qui illustrent une iniquité et un déphasage dans le traitement salarial actuel et la rémunération des agents de l’Etat afin de centrer les actions de développement sur des ressources humaines valorisées en toute objectivité. Nous n’occultons pas non plus que les obligations de coopération imposent des normes au niveau régional et international, qui se doivent d’être respectées au mieux pour répondre à certains impératifs de coopération. Nous encourageons alors ces réformes et félicitons le gouvernement pour le cadre de concertation initié à cet effet et dont les résultats seront le fruit d’un consensus des différents acteurs et partenaires de cette problématique, surtout quand il s’agit de remettre en cause certains acquis qui, malheureusement, ne sont plus en phase avec le contexte de la mondialisation, aux conséquences souvent difficiles à maîtriser.
Le gouvernement dispose-t-il d’une légitimité suffisante pour aborder sereinement ces questions au regard des critiques qui sont faites sur sa gouvernance ?
Tel que vous posez votre question, c’est comme si les critiques ôtaient au gouvernement toute sa légitimité. Non ! Le gouvernement dispose de toute la légitimité pour aborder en toute sérénité ces questions, puisqu’il est chargé de la mise en œuvre de la politique d’un pouvoir issu d’une élection transparente. Pour des soucis de gouvernance, il est de notre devoir, en tant que structure d’alerte et de veille, de jouer pleinement notre rôle sans nous substituer au rôle d’un parti politique dont les actions tendent à la conquête du pouvoir d’Etat.Cependant, en tant qu’organisation œuvrant pour des solutions appropriées à certaines préoccupations sociales, nous ne pouvons que souhaiter la prise en compte de certaines critiques sur la gouvernance par le gouvernement qui doit opérer des recadrages pour une issue satisfaisante. Je voudrais terminer en disant que notre mouvement veut rester dans la lignée de la critique constructive. Nous sommes profondément convaincus que les citoyens doivent prendre toute leur place dans l’enracinement de la démocratie. Et c’est pourquoi leurs alertes doivent être permanentes, pour que les gouvernants prennent en compte, de façon régulière, leurs préoccupations. Notre mouvement compte y veiller, dans toutes les actions qu’il mènera.