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Décès de Winnie Mandela : L’Humanité perd une «mère courage», selon l’ancien ministre Philippe Savadogo

Publié le samedi 7 avril 2018  |  AIB
Winnie
© Autre presse par DR
Winnie Mandela
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Ouagadougou - Winnie Mandela est décédée le 2 avril 2018 à l’âge de 81 ans. Dans une interview accordée à l’AIB le lendemain, l’ex ministre burkinabè de la Communication Phillipe Sawadogo a rendu un vibrant hommage à cette «l’icône de la lutte anti-apartheid» «mère courage». Il a cependant déploré l’attitude qui consiste à ternir ces «mères courages» et à les «mettre dans les tiroirs après les triomphes».

Que retenez-vous de Winnie Madikizela Mandela?

Je dois dire toute la tristesse qui m’anime parce que j’ai eu à la côtoyer mais surtout parce que c’est l’icône de la lutte anti-apartheid qui s’en est allée. Aujourd’hui, nous pouvons retenir d’elle qu’elle a été une militante farouche de l’aile gauche de l’ANC avec comme compagnon Cyril Ramaphosa (l’actuel président sud-africain) et aussi comme héritier, Julius Malema. Pour moi, Winnie Mandela va rester cette mère courage que beaucoup de femmes et d’hommes ont admiré.

Pouvez-vous nous rappeler les raisons qui ont conduit Winnie Mandela en 1995 au Burkina Faso ?

Le FESPACO a toujours soutenu les luttes de libération et principalement celle de l’ANC. Et à cette époque-là, celui qui était le représentant de l’ANC au sein de la Fédération panafricaine des cinéastes, s’appelait Lionel N'Gakane. Il est rentré en Afrique du Sud après la libération de Nelson Mandela. Nous-mêmes en tant que délégué général du FESPACO, nous avons effectué un premier déplacement en Afrique du Sud au cours de l’année 1993. Ensuite, lorsque le gouvernement de l’union a été formé avec Winnie Mandela comme ministre en charge de la Culture, nous avons tout de suite pensé et décidé que nous devrions rendre hommage à cette mère courage, cette femme digne qui a accompagné l’ANC durant toute sa vie. Et l’occasion favorable, c’était donc une édition du FESPACO. C’est ainsi que nous sommes repartis en Afrique du Sud en 1994, soit un an avant le FESPACO, précisément à Soweto où nous sommes restés plusieurs heures avec Winnie Mandela. Nous lui avons expliqué le contenu du FESPACO mais également, la volonté et l’envie des Africains et des hommes de culture de la rencontrer et de la toucher des yeux. C’est ainsi qu’elle a pris la décision courageuse de venir au Burkina Faso. Elle est arrivée au FESPACO 1995 pour la grande cérémonie d’ouverture au stade du 4 Août.

Quel a été l’apport de Winnie Mandela au FESPACO 1995 ?

D’abord, vous savez que le FESPACO est un lieu d’hommes et de femmes de culture de haut niveau et c’est pratiquement à partir de l’arrivée de Winnie Mandela que nous avons aussi instauré le principe des invités d’honneurs du FESPACO qui sont représentatifs de l’Afrique. Après le passage de Winnie Mandela, nous avons bénéficié au cours des éditions qui ont suivi, de la présence de Cheick Modibo Diarra, de Elikia M'Bokolo, de Manu Dibango et de bien d’autres personnalités comme invités d’honneurs parce qu’il faut que l’Afrique célèbre ses icônes. Ensuite, la présence de Winnie Mandela à cette 15ème édition du FESPACO a déclenché une ovation de plusieurs milliers de festivaliers. En même temps, cette présence a été le début de la jonction et de la coopération culturelle entre l’Afrique du Sud et le Burkina Faso. Cette coopération s’est soldée par un protocole d’accord qui a été signé entre les deux pays sur le plan cinématographique et culturel. C’est donc dire que la présence de Winnie Mandela a apporté une plus-value au FESPACO.

Cette «mère courage» comme vous le dites affectueusement, a cependant connu des moments difficiles, marqués notamment d’accusations de toutes sortes ?

Bien souvent, on a jeté l’opprobre sur Winnie Mandela. En réalité, elle avait des épaules frêles et malgré tout, elle a porté le lourd héritage de l’Afrique du Sud, de l’apartheid. Elle était même à un moment plus populaire que Nelson Mandela parce qu’elle a gardé la flamme de la lutte quand ce dernier était en prison. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’à la libération de Mandela, avec le gentlemen’s agreement qui a été trouvé pour renforcer la naissance de la nouvelle Afrique du Sud, il fallait casser les anti-impérialistes comme Winnie Mandela mais aussi les hommes et les femmes de l’aile dure de l’ANC. On lui a porté des accusations qui n’ont jamais été véritablement prouvées parce qu’elle les a toutes niées. On a sali son image ainsi que celles de d’autres pour renforcer une certaine dynamique. Avec l’arrivée de Cyril Ramaphosa à la tête de l’Afrique du Sud, c’est cette aile dure-là qui finalement arrive au pouvoir et est très consciente que la dynamique doit se poursuivre sinon le bateau ANC va prendre de l’eau. Ce qui est déplorable, c’est que chaque fois qu’une femme est leader, on trouvera toujours quelque chose à lui reprocher. Ainsi, on a terni l’image de ces mères courages qui ont joué un rôle important dans l’histoire de l’humanité et elles ont été mises dans les tiroirs après les triomphes.

A-t-ellesuffisamment bénéficié du soutien de celui qui était son époux Nelson Mandela, quand on sait qu’ils se sont finalement séparés ?

Je dois dire qu’au niveau où était le président Mandela, il était représentatif de cette nouvelle Afrique du sud. Quand le devoir de la Nation vous appelle, le sacrifice reste une dynamique qui va au-delà de beaucoup de sentiments et d’émotions. C’est ce que Mandela a fait notamment par le divorce. Cependant, la problématique entre Mandela et Winnie a été finalement bien gérée par les deux au vue des échanges de lettres qui ont eu lieu entre eux et qui étaient des échanges d’une grande profondeur et d’une réelle peinture de la vie humaine et aussi de l’isolement, de la solitude et de tout ce que l’on peut penser que chacun ressentait. La dernière lettre posthume que Winnie a adressée à son mari Nelson Mandela est une lettre révélatrice de ce qu’elle a dit avec ses tripes, de ce qu’elle a voulu expliquer et à la fin ce qu’elle a surtout demandé, c’est le pardon parce que l’homme ou la femme reste un pêcheur. Winnie Mandela en s’en allant tourne une page certes, mais reste une femme populaire, une haute personnalité du continent africain et nous devons nous en inspirer comme ces grandes amazones de l’histoire qui jalonnent le continent et qui ont marqué à un moment ou à un autre, la vie de la Nation. On peut parler de Guimbi Ouattara qui à Bobo-Dioulasso, a été un personnage qui a œuvré à la cohésion sociale et à la paix par son savoir-faire et sa diplomatie culturelle.

Agence d’Information du Burkina

Interview réalisée par

Wurotèda Ibrahima SANOU
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