Comptable de formation, Paripouguini Lompo est l’actuel président du Conseil régional de l’Est. Avant d’occuper cette fonction, ce jeune de 35 ans a fait sa carrière professionnelle, entre autres, à l’ONG Tin-Tua, à Diakonia, à l’ambassade des Pays-Bas et au Fonds mondial. Dans cet entretien qu’il a accordé aux Editions Sidwaya le vendredi 9 mars 2018 à Ouagadougou, le président du conseil régional de l’Est donne les raisons de son entrée en politique, fait le point de ses actions à la tête de ladite institution tout en prodiguant des conseils aux jeunes ayant des ambitions politiques.
Sidwaya (S) : Comment êtes-vous arrivé à la tête du conseil régional ?
Paripouguini Lompo (P.L.) : Il faut dire que mon parcours scolaire ne prédestinait pas à mon actuelle fonction. Mais tout a commencé en 2014 quand nous luttions contre la modification de l’article 37. Après avoir obtenu gain de cause, nous (certains amis et camarades de promotion) avions souhaité poursuivre notre vie professionnelle. Des ainés nous ont suggéré de prendre activement part à la vie politique de notre pays. Nous nous sommes seulement contentés de postes de conseillers municipaux dans nos villages respectives. C’est ainsi je me suis fait élire dans mon village avec deux autres conseillers au titre du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Après les élections, j’ai décidé de reprendre mon travail. J’ai été approché pour prendre la mairie, mais je n’étais pas intéressé. Cependant, je me suis rendu compte qu’il y a un autre niveau de responsabilité, notamment au plan régional où nous pouvions mieux apporter notre contribution. C’est ainsi que nous avons battu campagne pour le poste de président du conseil régional et, j’ai été élu parmi cinq candidats.
S : Quel regard portez-vous sur le conseil régional de l’Est, après près de deux années passées à la tête de cette institution ?
P.L. : J’aurais voulu que cette question soit posée à la population. De plus, il est trop tôt pour dresser un bilan en moins de deux ans. Toutefois, je dois dire que nous avons mené des actions dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité, de la formation professionnelle et dans d’autres secteurs.
S : L’Est du Burkina Faso continue d’être l’une des régions les moins développées en matière de santé et d’éducation par exemple. Que comptez-vous faire pour changer cette donne ?
P.L. : La semaine dernière, j’ai visité l’hôpital de Fada N’Gourma. Le spectacle dans ces lieux est vraiment désolant. Les malades dorment à même le sol. Cela est très choquant. Nous avons pris l’engagement de plaider notre cause auprès du gouvernement pour la construction de l’hôpital qui avait été promis aux régions de l’est, du sud-ouest et de la boucle du Mouhoun. Nous travaillerons à ce que le nôtre soit construit dans les meilleurs délais. A Dédougou, les travaux ont démarré, mais à Fada et Gaoua le gouvernement a opté pour le PPP (Partenariat public-privé), mais les autorités se sont heurtées au refus de la Banque mondiale et du Fonds monétaire internationale (FMI). C’est désormais à l’Etat de prendre ses responsabilités pour doter Fada d’un hôpital moderne. Dans le domaine de de l’éducation, la région de l’est a été au bas du tableau au cours des trois dernières années. De plus, le faible engouement de la plupart des enseignants affectés dans la zone jouaient, à notre sens, sur les résultats scolaires. D’où l’initiative d’organiser un prix de l’Excellence pour galvaniser les élèves et les enseignants. Cette année, nous veillerons à impliquer les meilleures directions du MENA dans l’optique de redorer le blason de la région. Notre ambition est d’aller au-delà des taux de réussite enregistrés lors des années antérieures. Nous avons construit plusieurs écoles en raison des effectifs pléthoriques dans les classes. Le surnombre a un impact négatif certain sur l’apprentissage des élèves. Avec des problèmes de table-bancs dans plusieurs établissements, des élèves assis à même le sol, l’on ne peut s’attendre qu’à des résultats médiocres. C’est pour cela nous avons décidé de doter les CEG et écoles primaires de table-bancs. Nous avons, également normalisé certaines écoles. Mais je pense que l’Etat aussi doit faire un travail notamment dans la formation continue des enseignants.
S : Il y a, de cela une année, des organisations de la société civile organisaient des manifestations pour réclamer le bitumage d’un certain nombre de voies. Trouvez-vous ces manifestations justifiées ?
P.L. : Toutes les marches pour réclamer le bitumage de voies dans la région de l’est étaient légitimes, étant donné que la région s’est, pendant longtemps, considérée comme délaissée. Nous sommes le seul chef-lieu de région auquel il était difficile d’accéder par une voie saine et cette situation était devenue intolérable. Pendant ce temps, les autres régions bénéficiaient de voies de contournement. Ce qui n’est pas, par exemple, le cas de la Gnagna, la Komondjari, et la Tapoa. Les travaux que nous constatons présentement sur les routes sont appréciables. Mais, j’ai exhorté le directeur régional des infrastructures à veiller à la bonne exécution des travaux. A l’heure actuelle, si tout ce qui est promis au niveau de la région en matière d’infrastructures se réalise, je suis sûr que la région sera désenclavée. Notre souhait est que le ministère en charge des infrastructures et ses directions fassent des efforts dans le suivi en vue de permettre aux entreprises sur le terrain de s’exécuter diligemment.
S : La région de l’Est est malheureusement réputée être une zone où règne le grand banditisme. Qu’est-ce qui est entrepris par le conseil régional pour éradiquer ce fléau ?
P.L. : Avant mon arrivée à la tête du Conseil régional, je m’impliquais déjà par mes conseils et interpellais les autorités policières. Le conseil régional joue pleinement son rôle pour juguler ce fléau. A Madjoari par exemple, il y avait des bandits qui sévissaient et la gendarmerie n’avait pas assez de matériels pour intervenir. Nous leur avons doté en moyens de déplacement roulant pour leur permettre d’être opérationnels. Nous avons également réuni plusieurs fois les Kolg-wéogo pour d’abord les féliciter pour le travail abattu tous les jours et les inviter par la même occasion à redoubler d’efforts. Il y avait des querelles entre eux et nous avons travaillé à mettre fin à cette situation et les orienter sur le terrain de travail. C’est le plus important en ce qui concerne les problèmes de leadership. Partout, dans la région, j’invite sans cesse les populations à collaborer avec les forces de défense et de sécurité (FDS) et à signaler tout mouvement suspect. Les bandits vivent au milieu de nous et circulent sans être inquiétés dans les villes et villages. Nous ne pouvons pas venir à bout du phénomène sans communication avec les FDS, les Kolg-weogo et les conseillers municipaux.
S : Vous êtes l’un des plus jeunes présidents de conseil régional du Burkina Faso. Pensez-vous qu’aujourd’hui les jeunes ont une place dans les instances décisionnelles ?
P.L. : Nous travaillons à démontrer aux ainés que la jeunesse a sa place dans les sphères de décisions de notre pays. Il n’est donc plus question de mettre les jeunes de côtés. Je demande aux «grands frères» de céder des portions du terrain politique aux jeunes afin de leur permettre de s’exercer. Aujourd’hui nous avons prouvé que quel que soit son âge, toute fille et fils de la région, peut produire de bons résultats. Je ne travaille pas pour ma propre personne, mais pour défendre la jeunesse burkinabè et amener les aînés à lui faire confiance. Car, elle est capable de beaucoup de choses importantes pour le développement de notre pays. Aucun pays ne peut se développer en mettant de côté sa jeunesse.
S : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaiteraient un jour vous emboîter le pas ?
P.L. : Je leur demande d’être patients. Certains jeunes sont pressés et pensent que ce genre de responsabilités constitue la voie royale pour s’enrichir. Or, nous (notre génération) sommes parvenus à ce stade après avoir fait nos preuves sur le terrain. Autrement, ce sera la désillusion pour ceux qui considèrent la politique comme un moyen d’enrichissement. Il faut également que les jeunes se fassent former. Pour occuper de hautes fonctions, il faut avoir le charisme, le niveau, la compétence et ces qualités manquent souvent à certains jeunes. Mon souhait est que tout jeune qui aura des responsabilités, travaille à défendre la jeunesse.
S : Avez-vous un message particulier à l’endroit de la population de la région de l’est ?
P.L. : Je voudrais dire à la population de continuer à croire. Ma foi en l’avenir est telle que je peux dire sans hésiter qu’on découvrira un jour du pétrole dans la région. Cela a été le cas avec l’Or. Et c’est aujourd’hui une réalité dans la région. J’aimerais également interpeller les autorités sur la situation des prisons dans notre région. Elles sont dépassées avec le nombre de détenus qui dépasse largement les capacités d’accueil. Cela est inconcevable de voir êtres humains vivre comme des animaux. Dans l’est, nous avons aussi de nombreux orphelinats qui n’ont malheureusement pas de moyens. Je souhaite que les filles et fils, les hommes d’affaires de l’Est mais aussi les partenaires techniques et financiers apportent leur contribution dans l’éducation et l’alimentation de ces enfants qui y sont hébergés. Si nous ne le faisons pas personne ne le fera à notre place.