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Sécurité islamique à Pouytenga : les dessous d’une unité

Publié le vendredi 30 mars 2018  |  Sidwaya
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Au conseil des ministres du mercredi 28 mars 2018, l’Association islamique Nachroul islam de Pouytenga a été dissoute à la suite de la polémique sur sa sécurité islamique. Au moment où cette décision se prenait, une équipe de Sidwaya était à Pouytenga dans la province du Kourittenga, région du Centre-Est, pour comprendre les contours de cette unité tant décriée.

Près d’une semaine après la polémique autour de la sécurité islamique de l’Association islamique Nachroul islam sur les réseaux sociaux, la vie continue son cours normal à Pouytenga, ce mercredi 28 mars 2018. Pendant ce temps, le sort de cette association islamique était en débat au conseil des ministres à Ouagadougou, qui a décidé en définitive de sa dissolution. Dans cette ville fortement islamisée dont l’activité principale est le commerce, les langues se délient difficilement sur la question. Du côté des Forces de défense et de sécurité, difficile d’arracher un mot à un responsable depuis même Koupèla, le chef-lieu de la province jusqu’à Pouytenga. Mais selon certaines sources proches de la sécurité, ce sont les réseaux sociaux qui ont amplifié l’affaire, sinon il n’y a pas de feu dans la maison. « Ça se fait dans plusieurs religions, allez dans les églises catholiques et protestantes, elles ont des services d’ordre. A ma connaissance, ce n’est que ça. Maintenant je reconnais qu’ils ont péché dans leur manière de faire », indique cette source sécuritaire. Cependant, l’affaire est perçue autrement par certains dans cette petite localité de plus 100 000 âmes. Le maire de la commune de Pouytenga, Prosper Yaméogo, dit avoir découvert cette affaire sur les réseaux sociaux comme tout le monde. Ce qu’il sait, c’est que ses services ont reçu une demande d’autorisation d’un prêche de cette association pour le 20 mars 2018 dans sa commune. Une demande qu’il a accordée tout en indiquant à la structure que l’initiative de prendre attache avec la police ou la gendarmerie pour la sécurité de la manifestation lui revenait.

Des signes avant-coureurs

Mais le bourgmestre dit ne pas être surpris de ce qui est arrivé car il y avait des signes avant-coureurs depuis la création de l’Association islamique Nachroul islam à Pouytenga en 2013 ; « Il y a des pratiques ici depuis pratiquement 4 à 5 ans qui étaient des signes annonciateurs et nous avons rendu compte à qui de droit à savoir le haut-commissaire, le gouverneur, la police nationale et la gendarmerie. Ces choses concernent les risques de certaines pratiques dans des écoles islamiques à savoir des entraînements qui se font hors de la ville, qui prennent un caractère militaire, au lieu du simple sport à l’école », soutient le maire. A en croire d’autres sources, l’association dispose d’une école islamique au secteur n°3 de Pouytenga, qui, au-delà de l’enseignement, donne une formation commando aux élèves. Selon Jacques Yaméogo, conseiller municipal à Pouytenga, lors des exercices des recrues de cette école, ils font des pompes, rampent et s’exercent avec des pneus. Ils font aussi des arts martiaux comme le judo et le karaté. « Nous avons trouvé cela curieux parce que le sport que nous avons connu à l’école n’intègre pas tous ces éléments. Voilà pourquoi nous avons anticipé, en rendant compte à qui de droit », ajoute le maire.
Approchés pour mieux comprendre les objectifs de l’association et les motifs de la mise en place de cette unité de sécurité, les responsables préfèrent ne plus s’exprimer sur le sujet qui se trouve, selon eux, désormais en discussion à Ouagadougou. Pour celui qu’on présente comme le responsable de la section sécurité de l’association, Saïdou Sana, l’affaire est maintenant entre les mains de la fédération islamique qui discute directement avec les autorités. Cependant, il était loin de s’attendre que dans la soirée de ce mercredi, le couperet du gouvernement allait s’abattre sur sa structure. Toutes nos tentatives pour avoir des informations sur les sources de financement de l’association, l’origine de l’initiative de coudre une tenue pour les membres de leur unité de sécurité islamique et la situation actuelle desdites tenues, se sont heurtées à une résistance de la part de M. Sana et ses camarades. « Excusez-nous, mais nous ne pouvons plus rien dire, allez voir nos patrons à Ouagadougou. Je vous remercie », nous lance Saïdou Sana.

« L’argent a circulé dans cette affaire »

De l’avis de plusieurs sources, cette sécurité islamique n’est que le « bras armé » de l’association islamique Nachroul islam qu’elles disent être proche du mouvement sunnite. A écouter El hadj Harouna Balma, l’un des responsables dans la gestion de la grande mosquée de Pouytenga, l’initiative de cette sécurité islamique remonte depuis près de deux ans, lors de la mise en place du nouveau bureau de la communauté musulmane de Pouytenga. En effet, se souvient-il, l’ancien bureau de la communauté dirigé par El hadj Kassoum Sini, a été débarqué sans consensus au sein des fidèles musulmans de la ville et même sans l’aval du bureau provincial du Kourittenga. Ce qui, en son temps, a entraîné, selon lui, un affrontement entre les partisans de l’ancien bureau sous la conduite des mouvements chiites ou musulmans modérés et ceux du nouveau bureau sous la conduite de l’Association islamique Nachroul islam. De son avis, c’est dans sa volonté d’imposer son leadership et mieux implanter sa doctrine à Pouytenga que la structure a activé la mise en place de sa sécurité. En plus des jeunes recrues de l’école islamique et de ceux de son service d’ordre chargés de la sécurité des engins lors des manifestations, des jeunes sont recrutés et formés. Pendant que l’affaire du bureau de la communauté musulmane de Pouytenga est en justice, l’association va jeter son dévolu sur la grande mosquée où elle veut imposer son imam, toujours selon El hadj Balma. Le vendredi 2 février 2018, tandis que les fidèles s’attendaient à être dirigés par l’ancien imam, un autre s’est présenté sous prétexte que la prière du vendredi doit désormais être dirigée à tour de rôle. Deux imams soutenus par deux camps s’affrontent ce jour et la grande mosquée de Pouytenga qui fait partie des vieilles du Burkina Faso a été fermée. Pour El hadj Balma, ce jour 2 février 2018, la sécurité islamique était déjà opérationnelle et a semé le désordre dans cet affrontement. Dans sa stratégie de bien s’implanter à Pouytenga, l’association a fait «circuler l’argent pour mieux recruter ses fidèles» et motiver les jeunes, nous souffle le conseiller Jacques Yaméogo. Des motos de marque «Sirus» ont été achetées et distribuées à la plupart des jeunes qui sont fidèles à la doctrine, et de l’argent a circulé dans les quartiers pour «acheter» les personnes âgées, affirme El hadj Harouna Balma. Il se demande quelles sont les sources de financement de cette association et les desseins de ses « bailleurs ».
Les prêches se sont radicalisés Selon un ancien membre de l’association qui a gardé l’anonymat pour une question de sécurité, depuis la naissance de l’association à Pouytenga, le ton du prêche musulman a pris une autre tournure dans plusieurs mosquées contrôlées par ses membres. « Les prêches sont devenus radicaux et l’association a une position extrémiste. Quand elle pose un acte qui est contre la loi, si tu veux donner ton point de vue, on te taxe de cafre donc un adversaire de la religion. Depuis que j’ai quitté, ils me considèrent comme un ennemi à abattre. Selon leur philosophie, le pays est dirigé par des cafres et les musulmans doivent prendre le pouvoir pour gérer selon leur règle », soutient cet ancien membre. Pour cette association, poursuit-il, un musulman ne doit pas fréquenter un chrétien ou un animiste encore moins, goutter sa nourriture, au risque d’aller en enfer. Si la dissolution de l’association est saluée par certains, d’autres par contre estiment que le travail n’est pas encore terminé. En effet, relèvent ces personnes, la graine semée reste et l’école islamique de cette structure constitue une pépinière. De l’avis du maire, Pouytenga est une commune particulière parce qu’elle est une ville moyenne où vivent plus d’une dizaine de nationalités, au regard de l’activité commerciale qui est très développée. Par conséquent, l’infiltration et la récupération de certains jeunes par les terroristes sont possibles.

Lassané Osée OUEDRAOGO
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