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Lettre ouverte : Des ressortissants de l’Ouest au président du Faso

Publié le vendredi 23 mars 2018  |  L`Observateur Paalga
Discours
© Présidence par DR
Discours de SEM Roch Marc Christian Kaboré au parlement Africain
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l’avis de Mamadou Sanou, les populations de l’Ouest sont frustrées. L’entêtement des « koglweogo » à vouloir s’installer de force à l’ouest du Burkina Faso, l’implantation à Ouagadougou d’une nouvelle usine de transformation de coton, la formation du gouvernement Paul Kaba Thiéba III, ce sont là, pour le signataire de la déclaration ci-après, les éléments explicatifs des frustrations des populations de cette partie du Burkina.


Objet : Frustration des populations de l’ouest du Burkina Faso

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Nous, ressortissants de l’ouest du Burkina Faso, sommes extrêmement frustrés par une série d’évènements dont :

1) l’entêtement des «Koglweogo» à vouloir s’installer de force à l’ouest du Burkina Faso ;

2) l’implantation à Ouagadougou d’une nouvelle usine de transformation de coton ;

3) la formation du gouvernement Paul Kaba Thiéba III.

Notre lettre plaide pour une prise en compte de l’unité nationale, du respect de nos valeurs morales, traditionnelles et coutumières.

Elle vise à relever la bonne réputation de la cohésion sociale, de l’hospitalité et du cosmopolitisme de la région ouest du pays.

Elle prône la valorisation des zones de production des matières premières du Burkina Faso source de développement économique rationnel.

Elle insiste sur la géopolitique, l’élan de décentralisation et de valorisation des compétences des filles et fils du Burkina Faso sur toute l’étendue du pays.

1) De l’entêtement des «Koglweogo» à vouloir s’installer de force dans l’ouest du Burkina Faso

Nous, ressortissants de l’ouest du Burkina Faso, exprimons notre indignation de l’implantation forcée et forcenée des «Koglweogo» dans la région ouest de notre pays.

En rappel, une première tentative en novembre 2016 avait été condamnée par le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure.

Cette tentative avait été jugée inopportune du fait de la présence des « Dozos », structures similaires autochtones dans toute la région ouest du Burkina Faso.

L’insistance et la persistance des « Koglweogo » à s’installer et à opérer sur cette espace ayant sa propre culture, ses propres structures et ses organisations d’autodéfense constituent une véritable insulte des populations de cette région et de ses structures d’autodéfense.

Notre vive désapprobation de cet acte d’endocolonisation des « Koglweogo » ne doit nullement être considérée comme un repli régionaliste.

Nous affirmons que nous sommes résolument engagés pour l’unité et la solidarité nationale ; et que cette unité et cette solidarité nationale passent d’abord par le respect des différentes cultures.

C’est bien ce que le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure disait en 2016, à savoir que « chaque région a ses spécificités et ce n’est pas à l’Etat de créer des Dozos ou des Koglweogo ».

Il est de notoriété publique que la région de l’ouest du Burkina Faso jouit d’une bonne réputation d’hospitalité et de cosmopolitisme.

Elle entend conserver et renforcer cette réputation.

Elle la défendra bec et ongles contre les forces centrifuges et belliqueuses des «Koglweogo».

Donc halte à cette entreprise néocolonialiste !

2) De L’implantation à Ouagadougou d’une nouvelle usine de transformation du coton

Le vendredi 02 février 2018, un communiqué gouvernemental annonçait la création d’une société ayant pour objet, l’implantation d’une usine de textile à Ouagadougou. Certainement conscient des protestations que soulèverait une telle initiative au sein des populations des régions déjà impliquées dans cette activité, notamment celles de Koudougou abritant Faso Fani et de Bobo-Dioulasso abritant la SOFITEX et faisant partie des quatre régions les plus productrices de coton au Burkina Faso, le gouvernement, bien que détenteur de 45% des actions dans cette société, a rejeté le choix de la localité d’implantation de l’usine, à Ouagadougou sur l’investisseur et sur le climat des affaires.

Nous ignorons les vrais motifs du choix de la capitale Ouagadougou par cet investisseur turc (AYKA Textile Investment), mais nous ne comprenons pas du tout les motifs de l’acceptation de ce choix par le gouvernement, une acceptation qui serait liée à un souci de délocalisation des investissements.

Aussi, nous invitons nos plus hautes autorités à revenir sur leur décision d’installer cette usine à Ouagadougou.

Des raisons véritablement objectives et stratégiques militent plus pour l’implantation de cette usine dans l’une des régions de l’Ouest. Il s’agit, entre autres, du fait que cette zone soit la plus grande productrice de la matière première qu’est le coton.

Cette nouvelle usine de transformation du coton, si elle était implantée à l’ouest du pays, constituerait une véritable opportunité de soulager la souffrance de nos producteurs de coton, et redonnerait un nouveau souffle économique à tout l’ouest du Burkina Faso.

Hélas ! Mille fois hélas ! Curieusement, le gouvernement penche pour l’implantation de cette nouvelle usine à Ouagadougou, ville très loin de la source de la matière première qu’est le coton, également loin de la ressource en eau, outre tous les surcoûts.

La raison avancée par nos décideurs est que c’est l’investisseur qui a choisi Ouagadougou. Cet argument est bien faible de notre point de vue car, dans les faits, l’Etat burkinabè, détenteur de 45% des actions, doit être souverain dans le choix des investissements et leur localisation rationnelle selon un programme socio-économique de bonne gouvernance.

Il y a aussi la prise en compte des pôles de croissance dont la logique est d’orienter les investissements en fonction des potentialités des zones choisies.

Vu que l’usine de délitage du coton est à l’Ouest d’une part, d’autre part, vu que l’usine de filature de coton est également à l’Ouest, vu enfin que l’Ouest est la zone où 90% de la production de coton est réalisée, il nous paraît évident, pour une cohérence des investissements et d’intégration des usines de même nature, que l’Ouest est la zone la mieux indiquée pour l’implantation de la nouvelle usine dont il est question.

Dans le cas contraire, si la nouvelle usine était implantée à Ouagadougou, les balles de coton de la SOFITEX en provenance de l’Ouest vont parcourir de longues distances avant d’atteindre l’usine de transformation.

Au vu de ces constats ;

Nous, ressortissants de l’ouest du pays, affirmons que les usines de l’ouest sont depuis fort longtemps délocalisées ou enterrées et recréées dans la région du Centre. Ce sont les cas de :

• la SAVANA avec son équivalent d’usine de tomate de Loumbila à environ 20 kilomètres de Ouagadougou ;

• la tentative de délocalisation de la Société DAFANI, productrice de jus de fruits, actuellement sous administration provisoire de l’Etat ;

• le projet à Bobo-Dioulasso d’un hôpital de cardiologie, initié par le professeur André Ouezzin Coulibaly qui n’a tout simplement pas eu l’autorisation de l’Etat pour le réaliser à Bobo-Dioulasso, mais qui a refusé, sous la pression du politique, sa construction à Ouagadougou ;

• le projet d’aménagement de l’aéroport de Bobo-Dioulasso en une unité de maintenance des avions pour toute la région Ouest de l’Afrique, et qui jusqu’à présent a du mal à prendre forme du fait de la position ambiguë de nos plus hautes autorités ;

• Nous avons encore en mémoire le vif souvenir de l’entreprise Médicament du Faso (MEDIFA) qui était initialement prévue pour être installée à Bobo-Dioulasso et l’Etat a préféré l’installer à Ouagadougou. La nécessité de retraiter l’eau, matière première essentielle de l’entreprise, a entraîné la disparition de cette unité. Son installation à Bobo-Dioulasso ne nécessitait pas ce retraitement de l’eau. Cette entreprise a donc disparu à cause des surcoûts.

Il résulte de tout ce qui précède que toute l’économie de l’Ouest se rétrécit comme peau de chagrin et conséquemment, la misère de son peuple ne peut que s’accroître dès lors, tout l’Ouest ne peut que se mourir au vu et au su de nos gouvernants.

3) De la formation du gouvernement Paul Kaba Thiéba III

Nous, ressortissants de l’ouest du Burkina Faso, constatons de plus en plus l’écartement de nos cadres des grandes sphères de décisions.

Cet état de fait qui était déjà présent s’est accentué ces derniers temps avec le gouvernement Paul Kaba Thiéba III et a engendré une grande frustration au sein des populations de l’Ouest. Dans le souci d’œuvrer au respect de l’équilibre entre les filles et les fils du Burkina Faso, il est grand temps que cette grande partie de l’Ouest sente la présence de ses cadres dans les cercles de décisions du Burkina Faso.

En effet, la géopolitique, élan de décentralisation et de valorisation des compétences des filles et fils du Burkina Faso, longtemps prônée, n’a jamais été aussi mise à rude épreuve si on en juge par la formation du gouvernement Paul Kaba Thiéba III.

Considérant tout ce qui précède,

Nous, ressortissants de l’Ouest, lançons un vibrant appel à vous, Excellence Monsieur Roch Marc Christian Kaboré, Président du Faso, pour :

- l’interdiction d’implantation forcée des «Koglweogo» dans l’ouest du pays ;

- l’implantation rationnelle et opportune de la nouvelle usine de transformation du coton dans une des régions de l’Ouest en tant que première région cotonnière du Burkina Faso ;

- la prise en compte de la géopolitique dans le choix des cadres au niveau des sphères décisionnelles (présidents d’institutions, ministres, secrétaires généraux, directeurs généraux…).

Si rien n’est fait, tous les nuages qui s’amoncellent à l’Ouest sont des signes avant-coureurs des lendemains qui déchantent.

Vive l’union et l’équité entre les filles et fils du Burkina Faso !



Ouagadougou le 19 mars 2018

Pour les ressortissants de l’ouest du Burkina Faso,

Mamadou Sanou

Chevalier de l’Ordre de mérite
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