L’ombre de l’ex- junte plane-t-elle sur les résultats du scrutin présidentiel au Mali? La sortie du ministre de l’Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, faisant état d’une large avance de Ibrahim Boubakar keïta (IBK) sur ses challengers et la possibilité d’un takokelen (victoire dès le premier tour) suscite bien des interrogations. Cet autre artisan du coup d’Etat contre Amadou Toumani Touré, en plus du capitaine Amadou Haya Sanogo, n’inspire pas confiance à certains Maliens. Pour ses détracteurs, le scénario est tout tracé. L’ex-junte est parvenue à l’imposer à ce poste clé avec des arrières –pensées : exercer un contrôle sur le scrutin présidentiel, voire favoriser l’élection d’un président à la solde du capitaine. Ce personnage falot ne serait autre que IBK jugé très proche de l’ex-junte et ennemi juré du président qu’elle a renversé. Aujourd’hui, après la présidentielle, le doute n’est plus permis, en tout cas pour le challenger de IBK, Soumaila Cissé dit Soumi, sur la partialité du ministre de l’Administration territoriale. Il ne faut en effet pas sous-estimer la prépondérance de l’ex-junte dans le déroulement du processus en cours au Mali. Malgré la présence d’une Commission électorale nationale indépendante, l’organisation pratique du scrutin incombe au ministère de l’Administration territoriale. La CENI malienne a un rôle bien moindre que celles des autres pays de la sous-région. Dans ces conditions, et ayant la haute main sur l’organisation du scrutin, l’ex-junte qui a en charge le ministère chargé des élections peut peser sur la balance pour avoir le président élu le moins intransigeant avec elle. Or entre IBK et Soumi, le choix est vite fait.
Mais les ex-putschistes peuvent-ils pour autant influencer réellement le verdict des urnes ? En principe non. Il y a d’abord la CENI qui a tout de même un pouvoir de contrôle des résultats, puisqu’elle dispose de ses propres chiffres. Si elle est vraiment indépendante, il n’y a pas de raison qu’elle laisse passer un hold-up électoral. Ensuite, il y a toute la colonie des observateurs. Même s’ils ne voient pas grand-chose, tant la sophistication de la fraude est parfois élaborée, ils sont tout de même un moyen de pression et de dissuasion. Les observateurs de l’Union européenne sont, en la matière, les plus redoutés, leur avis pouvant jouer sur l’aide européenne au pays. Dans le cas malien, l’UE a donné son quitus à l’organisation du scrutin. Il lui reste cependant à surveiller de près la compilation des voix, la transmission des données et la proclamation des résultats. Il appartient aussi à l’ensemble des acteurs présents aux côtés du Mali dans cette phase délicate de l’élection, à faire preuve d’une extrême rigueur. Car comme on le sait, en Afrique, le tout n’est pas d’organiser une élection. Encore faut-il pouvoir gérer sans encombre la période du décompte des voix et de la proclamation des résultats. C’est une phase hautement sensible. La communauté internationale a donc une double mission : tenir à l’œil l’ex-junte pour qu’elle ne soit pas tentée de manipuler les résultats issus des urnes, et veiller à un comportement responsable des candidats et de leurs électeurs. Elle doit interpeller chacun sur son rôle dans la préservation de la paix chèrement acquise. En effet, il n’y aura pas d’excuses pour les fauteurs de troubles dans un pays en train de panser ses plaies. Mais on ne pourra contenir les débordements que si le scrutin est sans reproche. C’est du reste la condition pour une véritable réconciliation inter-malienne. Les Maliens doivent vaincre le signe indien qui veut qu’en Afrique élections riment avec chaos. Ce scrutin doit donc rapprocher les Maliens et non les diviser. C’est la seule victoire qui vaille .
La Rédaction