Le dimanche 28 juillet 2013, le Burkina Faso organise les élections sénatoriales pour la première fois de son histoire politique. Il s’agit donc d’un scrutin exceptionel dont l’organisation est assuré par le ministère de l’Administration teritoriale et de la Sécurité (MATS). A quelques jours de ces élections, Sadou SIDIBE, Sécrétaire général du ministère de l’Administration et de la Sécurité et président du Comité national d’organisation, nous entretient sur le niveau d’organisation de celles-ci tout en évoquant la question de la transparence sans oublier le dispositif de sécurité qui sera mis en place.
Sadou SIDIBE, Secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la SécuritéC’est la première fois que le Burkina Faso organise des élections sénatoriales, quelle est la spécificité de celles-ci ?
Sadou SIDIBE (S.S) : La première spécificité est que ce sont des élections dites indirectes parce que le corps électoral est connu d’avance. Il est constitué des conseillers municipaux. La deuxième spécificité, la circonscription électorale est la région. Chaque région administrative du Burkina doit élire trois sénateurs. Enfin, la troisième, le mode de scrutin est la proportionnelle au plus fort reste et les bureaux de vote sont ouverts de 6 heures à 14 heures. Enfin il s’agit d’une première au Burkina Faso, que d’organiser des élections sénatoriales.
Comment expliquez-vous le fait que c’est le ministère de l’Administration territoriale qui organise ces élections alors qu’il existe une commission électorale nationale indépendante, la CENI ?
S.S : Nous ne faisons qu’appliquer les dispositions de la loi. En ce qui concerne la mise en place des sénateurs représentant les collectivités territoriales, le Code électoral spécifie que c’est le ministère en charge de l’Administration du territoire qui pilote ces élections. Il faut savoir également qu’en terme d’attribution et des prérogatives des ministères, le ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité à compétence sur les questions électorales. Par ailleurs, il ya lieu de rappeler que ce sont les autorités administratives déconcentrées (gouverneurs, hauts commissaires et préfets) qui assurent l’exercice de la tutelle rapprochée sur les collectivités territoriales. Enfin cette élection dans la phase pratique c’est comme si on mettait en place des exécutifs locaux après les élections municipales de décembre 2012. Le ministère ne fait qu’exécuter une disposition légale.
Il y a souvent des appréhensions quand l’administration organise une élection. Qu’en dites-vous ?
S.S : C’est peut-être un débat de fonds mais il faut aussi retenir qu’à l’époque où c’était l’Administration territoriale qui organisait les élections nous avons vécu un cas de ballotages lors d’une élection présidentielle. C’est dire que l’administration en tant que telle n’est pas incapable d’organiser des élections crédibles et transparentes. Toujours est-il que dans le cas présent on n’a pas forcément besoin de mettre en route une grande machine électorale. Il s’agit des élections indirectes à l’image des élections consulaires qui se sont déroulées le 21 juillet 2013 et qui ont été mises en œuvre par l’administration. Quand la Commission nationale électorale indépendante doit organiser une élection, il y a tout un ensemble de dispositifs et de structures à mettre en œuvre et également de procédures à respecter telles que la mise en place des commissions communales et d’arrondissements, des prestations de serment. Compte tenu de la nature de ces élections sénatoriales, et au regard des dispositions légales, l’administration assure la plénitude des actions dans le strict respect des procédures prescrites. Les responsabilités en cas de difficultés sont vite établies et la chaine de transmission de l’information est efficace. Il n’y a donc pas de craintes à se faire quant au professionnalisme des personnels de l’administration engagés dans ce processus d’élections sénatoriales.
Concrètement comment vont se dérouler ces élections ?
S.S : De façon schématique, il y a une commission nationale d’organisation des élections pilotée par le ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité. Elle a ses démembrements au niveau des régions à savoir les commissions régionales. Au niveau des provinces, il y a des comités provinciaux. Les comités ont pour rôle essentiel de recevoir les candidatures, de les valider, de positionner les candidats sur le bulletin unique et de transmettre ces données au niveau central. Ce sont des scrutins de liste et le jour du vote, il y aura un bureau de séance composé du plus âgé et du plus jeune des conseillers municipaux présents qui vont administrer le scrutin. C’est exactement comme on a l’habitude de le faire pour les autres élections sauf que dans le cas présent, le corps électoral est uniquement composé des conseillers municipaux qui font leur choix. Il y a le matériel électoral classique (isoloirs, urnes, PV de dépouillement, enveloppes, cire, encre) et des documents électoraux divers. Le dépouillement est fait sur place et on fait la compilation au niveau de la région. Chaque parti ou formation politique qui participe à la compétition devra avoir son représentant au niveau des bureaux de vote pour surveiller et suivre la régularité du scrutin.
Nous sommes donc à quelques jours de ces élections sénatoriales. Quel est le niveau d’organisation ?
S.S : Nous ne faisons pas, c’est vrai, assez de communication autour de l’organisation de ces élections sénatoriales car pour nous c’est un travail comme un autre et nous rendons compte régulièrement à notre hiérarchie. Je peux vous affirmer que le niveau d’organisation est satisfaisant. Le chronogramme est bien respecté. Nous sommes à la phase de dispatching du matériel et des documents électoraux sur le terrain. Nous sommes entièrement satisfaits de l’exécution des différentes opérations.
Pouvez-vous nous expliquer davantage la composition du Comité d’organisation de ces élections ?
S.S : Il faut d’abord rappeler qu’au niveau du Code électoral, il est précisé que c’est le ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité qui doit mettre en œuvre l’élection des élus qui doivent représenter les collectivités territoriales au Sénat. Par conséquent, le ministère préside le Comité national d’organisation des élections sénatoriales et les vice-présidences sont assurées par le ministère chargé des Relations avec les Institutions et des Réformes politiques et le ministère en charge des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. Au niveau des régions, ce sont les Gouverneurs qui pilotent les comités régionaux et au niveau des provinces les Hauts-commissaires. Vous voyez donc que c’est vraiment l’Administration qui assure le travail conformément à la loi.
Y aura-t-il des observateurs nationaux ou internationaux pour la supervision de ces sénatoriales ?
S.S : Non. Comme je vous l’ai dit, ce ne sont pas des élections générales qu’on a l’habitude de voir comme les législatives, les municipales ou les présidentielles. Nous n’avons donc pas prévu dans le dispositif les observateurs internationaux ou nationaux. Toutefois, s’il y a des observateurs qui sont intéressés, ils peuvent s’adresser au Comité national d’organisation pour obtenir des accréditations. Ce qui est sûr, le jour du vote il y aura sur le terrain les superviseurs du Conseil constitutionnel, les membres des comités d’organisation, les représentants des partis et formations politiques engagés dans la compétition.
Mais jusqu’à présent, aucune structure de la société civile au niveau national ne s’est manifestée pour la supervision ?
S.S : Nous n’avons pas encore reçu de demande d’accréditation quelconque.
Comment travaillez-vous à garantir la transparence de ces élections ?
S.S : En réalité, en termes de garantie d’un scrutin, ce sont les premiers acteurs eux-mêmes qui doivent l’assurer. C’est d’abord le rôle des partis politiques. Nous, notre travail s’arrête à l’organisation matérielle du cadre et à la transmission du matériel et des documents. De façon concrète, au niveau de la collectivité concernée à savoir la commune ou l’arrondissement, le préfet ou le Haut-commissaire ne fait que constater la disponibilité des listes électorales, des isoloirs ,des urnes, des bulletins de vote et il met en place le bureau de séance composé de deux conseillers municipaux. Ce sont les conseillers eux-mêmes qui mettent les scellés sur les urnes. Pour nous, tant que ce sont les acteurs eux-mêmes en compétition on peut s’assurer qu’il y aura la transparence.
Quel est le nombre de bureaux de vote et les lieux de vote ?
S.S : L’estimation est simple. Il y aura un bureau de vote dans les 370 communes rurales et urbaines que compte le Burkina y compris les communes à statut particulier comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso où chaque arrondissement va abriter un bureau de vote. Mais il faut retenir qu’il y a une localité où il n’y a pas eu de conseil municipal. Il s’agit de la localité de Guiaro dans la province du Nahouri. C’est donc la seule collectivité où il n’y aura pas d’élection sénatoriale. On aura alors 369 bureaux de vote à travers le pays. Il est important de souligner que c’est la région qui constitue la circonscription électorale. Les votes se font dans la commune mais le recensement des voix et la détermination des sièges se font au niveau régional.
Mais pourquoi la localité de Guiaro restera-telle en marge ?
S.S : Les élections municipales de 2012 n’ont pas pu se tenir dans cette localité. Cela a fait l’objet d’une délibération en conseil des ministres et une délégation spéciale a été installée.
Quel est le processus de la proclamation des résultats?
S.S : La loi électorale a prévu une proclamation provisoire des résultats de la région. Ensuite, les données sont centralisées au niveau du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité qui fait la proclamation des résultats provisoires de l’ensemble des 13 régions. A l’issue de cela et après les différents recours éventuels, les résultats définitifs sont proclamés par le Conseil constitutionnel. Il faut retenir que le Conseil constitutionnel est destinataire du PV de dépouillement de chaque bureau de vote.
Comment se feront les recours en cas de contestation ?
S.S : Pour ces sénatoriales, les recours se font directement devant le Conseil constitutionnel qui est le juge électoral.
Sadou SIDIBE, Secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la SécuritéL’opposition entend organiser une marche de protestation le jour des élections. Ne faut-il pas craindre des perturbations au niveau des bureaux de vote ?
S.S : Nous sommes dans un Etat de droit et les manifestations sont reconnues par la loi. Cela dit, ceux qui veulent aussi exercer leur droit de vote devraient pouvoir le faire dans la plus grande quiétude. Autant des citoyens ont le droit de manifester, autant d’autres citoyens désireux d’aller accomplir leur devoir citoyen en votant sont en droit de pouvoir le faire aussi. L’un ne doit pas empêcher l’autre. Nous souhaitons que les gens, dans l’exercice de leurs droits, puissent accepter que chacun exerce son devoir. En principe, nous, nous ne rentrons pas dans les polémiques ambiantes. Nous avons un travail technique à faire et nous le faisons avec beaucoup d’entrain.
C’est quand même une situation exceptionnelle que l’on organise une marche de protestation le jour d’une élection. Est-ce qu’il est prévu des mesures de sécurité particulières ?
S.S : Pour toute élection que l’on organise, qu’elle soit générale ou indirecte nous avons toujours veillé à assurer leur bon déroulement. Ces élections sénatoriales ne feront pas l’exception. Il est évident que par rapport au contexte sous régional des mesures conservatoires ont été déjà prises et un dispositif de sécurité est prévu. Non pas parce que des gens vont organiser des marches, mais tout simplement parce que tous les scrutins ont connu par principe, la prise de mesures sécuritaires. Ce qu’il y a lieu d’ajouter, c’est que le même jour du 28 juillet il y a les élections présidentielles du Mali et ici au Burkina il est prévu au moins une cinquantaine de bureaux de vote de nos frères Maliens résidents ou réfugiés au Faso. La question de la sécurité est donc permanente et non circonstancielle. Les jours de vote sont des occasions où les citoyens (nationaux et étrangers) se déplacent, soit pour aller s’exprimer, soit pour aller observer, il est donc normal que l’Etat assure leur sécurité.
Quel appel avez-vous à lancer, à quelques jours du scrutin, à l’endroit des acteurs ?
S.S : A l’endroit des organisateurs, je leur demande de respecter le chronogramme et de faire des efforts pour que tout se passe bien parce que c’est un devoir républicain que nous sommes en train d’accomplir. Quant au corps électoral, c’est de pouvoir s’exprimer à travers les urnes ; et nous souhaitons que tout se passe bien le 28 juillet 2013. Inch Allah.