Le 1er conseil d’administration de l’année du secteur ministériel ( CASEM) des Mines et des Carrières se tient
ce 15 février 2018 autour du thème : « Les substances de carrières, une source de diversification de l’exploitation des ressources minérales au Burkina Faso ». Dans l’entretien qui suit, le secrétaire général du ministère en charge des mines, Maboulaye Nombré, économiste planificateur, démontre l’importance des substances de carrières, méconnues, bien que couramment utilisées au Burkina Faso.
Sidwaya (S.) : A quoi servent les substances de carrières quelquefois appelées substances utiles ?
Maboulaye Nombré (M.N.) : Les substances utiles sont des substances non métalliques dont font partie les substances de carrières. Ces substances mises en évidence au Burkina Faso sont utilisées dans plusieurs domaines notamment dans l’industrie, l’agriculture, la céramique et les infrastructures routières et du bâtiment. Dans le domaine de l’industrie par exemple, les calcaires dolomitiques sont utilisés comme ajouts dans la fabrication du ciment. Après décomposition thermique, les calcaires dolomitiques donnent de la chaux, utilisée dans plusieurs autres domaines de l’industrie notamment dans l’industrie minière. La chaux est beaucoup utilisée dans l’extraction de l’or par cyanuration. Elle permet de maintenir le PH aux alentours de 9 et d’éviter ainsi la libération de cyanure d’hydrogène qui est un gaz mortel. La chaux est aussi utilisée dans l’industrie textile pour obtenir un meilleur rendement dans la teinture des fibres cellulosiques en indigo. Dans l’industrie pharmaceutique et chimique, la chaux est utilisée pour la fabrication de différents produits comme les pâtes dentifrices pour son apport en calcium, mais également pour ses propriétés désinfectantes et cicatrisantes. Elle entre également dans la composition de nombreux médicaments. C’est aussi un produit basique assez économique et couramment utilisé dans les industries chimiques pour la production de différents produits chimiques (bicarbonate de soude et de la soude caustique, etc.).
Les argiles y compris le kaolin sont utilisés dans différentes industries telles que l’industrie de la céramique et du réfractaire, l’industrie de la papeterie, de la peinture, du plastique et du caoutchouc. Ils servent également de produits additifs mineurs dans le domaine de la cosmétique, de la pharmacie et autres produits agroalimentaires. Ils constituent une source de devise économique importante dans les pays développés mais reste cependant une richesse insoupçonnée dans les autres parties du monde dont le Burkina Faso. Exception faite de leurs utilisations millénaires dans la céramique potière, leur valorisation industrielle demeure à l’état embryonnaire.
Dans le domaine de l’agriculture, les calcaires dolomitiques crus ou calcinés notamment les phosphates, entrent dans la composition des amendements simples ou composés. Ils favorisent la neutralisation de l’acidité des sols et leur fertilisation. La vulgarisation de l’utilisation massive de ces ressources naturelles dans les champs va beaucoup contribuer à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire dans notre pays.
Dans le domaine de l’habitat, des infrastructures routières et du bâtiment, certaines substances de carrières encore appelées matériaux de construction comme le granite, le sable et la latérite constituent des matières premières indispensables à la réalisation de ces infrastructures de développement.
L’utilisation de certains matériaux locaux de construction comme la latérite (bloc latéritique taillée-BLT) dont notre pays dispose en abondance et qui présente des qualités intrinsèques (écologique, durable et adaptée aux caractéristiques climatiques de notre pays) et plus accessible en termes de coût, est à encourager dans la construction des habitations privées et dans la réalisation des édifices de l’Etat.
S.: Pourquoi plancher sur les substances de carrières quand on sait que ce sont les mines qui apportent plus au budget de l’Etat ?
(M. N.) : La mise en œuvre des politiques et stratégies dans le domaine des mines et des carrières a permis de hisser l’or au premier rang des produits d’exportation du Burkina Faso depuis 2009. Passant de moins d’1 tonne en 2007 à 45, 582 tonnes en 2017, l’or a rapporté 226,026 milliards CFA en 2017. On note aussi ces dernières années, un regain d’activités industrielles dans l’exploitation des substances de carrières avec une production qui a atteint 389 221 m3 en 2016 pour une contribution d’environ 600 000 000 FCFA au budget de l’Etat. En effet, les substances de carrières possèdent une haute valeur économique de par leurs utilisations dans divers domaines dont l’industrie, l´agriculture, la construction et les infrastructures, etc. En dépit de ces progrès constatés, le caractère quasi monominéral de l’exploitation minière au Burkina Faso, basée essentiellement sur l’or, constitue un risque majeur pour ce secteur si l’on tient compte éventuellement de la fluctuation des cours des métaux. C’est pourquoi, au regard du caractère utile des substances de carrières et de leur potentiel de contribution au développement socioéconomique dans l’atteinte des objectifs du Plan national de développement économique et Social (PNDES) le ministère a décidé, à l’occasion de son premier CASEM de l’année 2018, de réfléchir au thème : «Les substances de carrières, une source de diversification de l’exploitation des ressources minérales au Burkina Faso».
S. : Quelles sont les potentialités du Burkina Faso en substances de carrières ?
M.N. : Entre 1999-2001, le Burkina Faso a mis en place un projet intitulé « Mise en valeur des substances utiles et des matériaux de construction », financé par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). Ce projet a permis de faire un travail d’envergure qui a abouti à la mise en place d’une banque de données sur les substances utiles et les matériaux de construction. Ainsi, on dénombre plus de 500 sites de granite et autant de sites d’argile. Quant au feldspath, 56 sites ont été répertoriés. Le kaolin se retrouve sur au moins 45 sites, les calcaires dolomitiques sur 20 sites et le grès sur 12 sites. Des sites de tufs, de sable, de latérite, et de pierres ornementales ont également été localisés. Pour ce qui est de la répartition sur le territoire national, les réserves de calcaires dolomitiques mises en évidence sont assez importantes et sont localisées dans la partie Ouest du pays. Les roches argileuses (argiles communes et kaolin), la latérite et le granite sont des substances qui se rencontrent un peu partout dans le pays, bien que les caractéristiques physico-chimiques puissent varier d’un site à l’autre. Du reste, le Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB) continue de faire la recherche des substances de carrières afin d’améliorer la connaissance de ces substances et de mettre à la disposition des différents acteurs du développement, des cartes régionales.
S. :Quelle est la stratégie mise en place pour valoriser au mieux les substances de carrières ?
M.N. : L’engagement ferme de M. le ministre des Mines et des Carrières à dynamiser ce secteur porteur pour en faire un des leviers de développement socioéconomique durable de notre pays s’est traduit au niveau institutionnel par la création d’une direction générale des carrières. Cela constitue un acte assez symbolique et majeur dans la promotion de l’exploitation et la valorisation des substances de carrières. Outre l’élaboration d’un plan stratégique décennal de développement de l’exploitation des substances de carrières, des dispositions ont été également prises au niveau législatif et réglementaire pour assurer une meilleure organisation du secteur. Aussi, la loi n°036-2015/CNT du 26 juin 2015 portant code minier du Burkina Faso prévoit en plus de l’exploitation industrielle, l’exploitation semi-mécanisée et l’exploitation artisanale des substances de carrières. Dans le domaine de la promotion, des supports de données et d’informations utiles ont été conçus et sont disponibles à l’intention des investisseurs. Il s’agit notamment de cartes répertoriant les principaux sites de substances de carrières par nature de substances (granite, argile, calcaire dolomitique…), d’une notice descriptive qui indique les utilisations possibles de ces substances, y compris les caractéristiques physico-chimiques de certains gîtes et d’un catalogue promotionnel de ces substances en version française et anglaise. Des journées de promotion sont également organisées chaque année dans le cadre de la Semaine des activités minières d’Afrique de l’ouest (SAMAO).
Propos recueillis par Nadège YE