Membre de la communauté Soufi, le cheik Soufi Moaz est un promoteur de la paix et de la tolérance religieuse au Burkina Faso. Il a sillonné diverses localités du pays pour inviter les citoyens à l’acceptation de leur prochain et au respect de la dignité humaine. Dans cet entretien, le guide spirituel, nous fait le bilan de sa tournée, évoque ses projets pour la paix universelle.
Sidwaya (S.) : Vous avez récemment entrepris une tournée de promotion de la tolérance religieuse. A quelle étape êtes-vous?
Cheik Soufi Moaz(C.S. M.) : Nous remercions Dieu parce que nous avons pu parcourir quelques provinces. Nous avons sillonné quelques provinces telles que le Séno, le Zondoma, le Passoré, le Yatenga, le Gourma, la Tapoa, la Kompienga et la Gnagna pour le moment, jusqu’en fin novembre. Cette période a coïncidé avec la période du Maouloud. Nous avons arrêté la tournée pour fêter le Maouloud qui était prévu dans le mois de décembre. Les mois de décembre, janvier, et début février, il faisait très froid. Mais notre cible, ce sont les jeunes mais aussi les vieillards, nous avons estimé que cela allait être très difficile de les rassembler en cette période de froid. C’est pourquoi, nous avons stoppé la tournée pour la reprendre dans les mois à venir si Dieu le veut.
S. : A toutes ces étapes, aviez-vous senti l’engouement de la population ?
C. S. M. : Oui. C’est ce qui nous a beaucoup encouragés d’ailleurs. C’était comme si la population attendait cet évènement depuis longtemps, comme si elle avait soif de cette initiative. Ce qui nous a étonnés, c’est l’implication des autres communautés religieuses. Nous avons senti que les populations ont beaucoup apprécié. Chaque fois que nous organisons des conférences, ce sont des milliers de personnes qui viennent assister.
S. :Donc, vous avez des motifs de satisfaction ?
C. S. M. : Je suis satisfait, parce que nous avons obtenu des résultats concrets. Des populations de ces localités sont venues nous remercier et nous dire que depuis notre passage, il y a un grand changement de climat qui règne entre eux. Plus précisément à Dori, lors de la fête de Noël, le grand imam de Dori et les musulmans sont allés souhaiter bonne fête à la communauté chrétienne. Nous pensons que notre passage a produit des effets. Lors de notre conférence, le curé, le grand imam, le représentant de l’Emir de Dori…étaient présents. Si après cela, la communauté musulmane est partie souhaiter bonne fête à leurs frères, nous pensons que ce sont de bons résultats. Dans une localité dont je ne citerai pas le nom, un imam a pris la parole en disant qu’il remercie Cheik Moaz parce que dans sa ville, il prêchait pour insulter les autres communautés et ces dernières aussi les insultaient dans leur chorale. Mais, ce que nous sommes venus leur dire à savoir que l’ennemi n’est pas son prochain, montrer le comportement du prophète envers les non- musulmans, leur prouve que le musulman peut collaborer avec un non- musulman. Donc, il remercie Dieu et ils vont commencer à se côtoyer. Partout où nous sommes passés, nous avons appelé à l’acceptation du prochain quelle que soit sa religion ; de l’aimer et le respecter tel qu’il est. Ce n’est pas à nous de les juger, mais à Dieu seul de juger tout un chacun. Nous leur avons expliqué tout cela en tirant des versets du Coran et qui montrent qu’on doit accepter les autres. Car, Dieu aime et enseigne qu’on respecte ce qu’il a honoré. Dieu a honoré l’être humain. Il n’a pas dit qu’il a honoré les musulmans, les chrétiens, bouddhistes, les Juifs… mais, il a dit que l’être humain et nous, sommes tous des êtres humains qui méritent d’être tous honorés quelle que soit la religion, l’ idéologie.
S. : Après ce message de paix que vous avez distillé, pensez-vous que la tolérance religieuse peut-être une réalité au Burkina ?
C.S.M. : Dans toutes les localités, les gens me disent que depuis que nous avons appelé au civisme, la tolérance, montrer les conséquences de l’incivisme dans la religion, les enfants marchent, réclament leur droit sans faire de dégâts. Même au plan national, beaucoup de choses ont changé. Nous croyons en la paix et la stabilité dans ce pays.
S. : Vous serez bientôt en Europe pour partager ce message de paix. Qu’est- ce qui a motivé cette initiative ?
C.S .M. : Lors du lancement de cette tournée de sensibilisation religieuse, nous avons ressorti des vidéos de 2011 à nos jours qui ont prouvé aux participants que ce combat pour la tolérance religieuse, le respect de la dignité humaine, l’acceptation de son prochain, ont commencé depuis des années. Partout dans le monde, j’ai reçu des distinctions. Aux Etats- Unis, j’ai été fait ambassadeur de la paix, au Burkina en 2011, j’ai reçu cette distinction, le 28 janvier 2018, j’en ai reçue une en tant qu’ ambassadeur mondial pour la paix…Pour le voyage sur l’Europe, il commence le 13 février. Ce n’est pas quelqu’un qui me l’a conseillé. C’est mon devoir de travailler pour la paix, d’ œuvrer pour la tolérance religieuse. En tant que guide spirituel, je dois le faire. Je ne vais pas pour leur parler de l’islam, de christianisme, de judaïsme, mais je vais leur parler de paix et de tolérance religieuse, du respect de la dignité humaine. Les Européens, ce sont des gens qui connaissent la valeur de l’être humain, qui luttent pour la paix universelle. C’est ma modeste contribution, ainsi que celle de ma communauté soufi au Burkina Faso. Je serai en Belgique, en Allemagne pour une tournée dans 4 villes, et en Italie. Mes disciples sont mobilisés dans plusieurs localités et m’attendent. Ils sont même en train de prendre un rendez-vous avec le Pape, et nous allons parler de paix. Parce que ce dernier est un grand artisan de la paix universelle. Après l’Italie, je me rendrai en France pour rencontrer mes disciples qui sont dans cette partie de l’Europe. A ces disciples, je demanderai de toujours cultiver la crainte de Dieu, l’amour de leur prochain. Parce que la religion se résume en deux choses : adorer son Seigneur et respecter son prochain. Ils doivent aussi respecter les lois des pays où ils vivent et qu’ils continuent de prôner la paix partout où ils se trouveront.
S. : Un message pour les Burkinabè ?
C .S.M. : Lorsqu’on règlera toujours les problèmes par le dialogue, le Burkina Faso va se porter mieux. Donc, j’appelle les Burkinabè à toujours privilégier le dialogue, de s’accepter, de se respecter, de se tolérer et d’avoir la crainte de Dieu.
Interview réalisée par : Abdel Aziz NABALOUM
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