Aujourd’hui, mercredi des cendres, ce jour consacre l’entrée en carême pour les fidèles catholiques. Le père Jean-Paul Sagadou qui s’est engagé avec L’Observateur paalga à accompagner le lectorat chrétien dans cet acte de foi à travers Intelligence de la foi, sacrifie à la tradition cette année encore dans sa rubrique qui devient désormais Intelligence africaine de la foi.
Depuis cinq ans, chaque année, au temps du carême, temps de préparation de la fête de Pâques chez les catholiques, j’anime une rubrique intitulée « Intelligence de la foi » dans les colonnes du journal L’Observateur Paalga. J’ai accepté de poursuivre cette aventure avec et pour les lecteurs de L’Obs, avec, cette année, une modification significative dans le titre de la rubrique : de « l’intelligence de la foi », la rubrique s’appellera désormais « intelligence africaine de la foi ». Pourquoi cette modification ? En quoi la terminologie « africaine » change-t-elle quelque chose à ce que j’essaie de faire pour éclairer, par l’écriture, la foi des catholiques et le désir des hommes et femmes assoiffés de connaître la foi des autres ? La raison est en fait d’une importance capitale. Lors de la clôture du Symposium des évêques africains à Kampala, le 31 juillet 1969, le pape Paul VI avait donné une expression nouvelle aux possibilités qu’offrait le Concile Vatican II aux jeunes églises dans le domaine du pluralisme liturgique et théologique. Selon le Pape, « l’expression, c’est-à-dire le langage, la façon de manifester la foi, peut être multiple et par conséquent originale, conforme à la langue, au style, au tempérament, au génie, à la culture de qui professe cette unique foi ». Le pluralisme, dont il est question ici, est non seulement légitime, mais il est souhaitable. Il est rendu possible par l’Eglise elle-même, raison pour laquelle le pape dira aux évêques : « vous pouvez et devez avoir un christianisme africain ». Mais, s’interroge le théologien Anselme Titianma Sanon, qu’est-ce qu’être chrétien quand on est Africain ? A quelles conditions un discours sur Dieu en terre africaine peut être appelé chrétien ? Selon quels signes d’appartenance une communauté, comme ensemble socio-culturel et religieux, peut être reconnue chrétienne et africaine ? Bref, qu’est-ce qu’un christianisme africain ? Selon quelles exigences, « notre être propre ne doit pas nous être conféré du dehors » (Cardinal Paul Zoungrana) ? Pour répondre véritablement à ces questions, il faut commencer par refuser tous les discours qui ont été alignés sur l’Afrique, sur et pour les Africains, mais sans les Africains. Si le mouvement de la foi est à la fois spirituel et culturel, alors, le christianisme africain ne peut se contenter de son habillage culturel occidental. Il nous faut, pour reprendre les termes du pape Paul VI, trouver la façon de manifester la foi, de telle manière que cela se conforme à la langue, au style, au tempérament, au génie, à la culture de qui professe cette unique foi. Pour ce faire, un travail d’articulation de la tradition chrétienne et de la tradition africaine est incontournable. C’est ce que je vais essayer de faire. Depuis les propos du pape Paul VI, un immense travail a été fait dans ce sens. Indigénisation, acculturation, inculturation, libération : tous ces termes ont été appliqués au christianisme en Afrique. Peut-être oserions-nous même parler de « décolonisation du christianisme » ! En tout cas, il y a beaucoup à découvrir de ce que les Africains ont pu produire comme pensée pour faire naître un « christianisme africain ». C’est cette aventure de la découverte que je propose.
P. Jean-Paul Sagadou
Assomptionniste