Les chefs d’Etat du G5 Sahel ont encore ressorti les calculettes hier à Niamey, mais la réalité reste la même : on est encore loin du compte.
C’est le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, qui en a fait lui-même le bilan à ses pairs : sur les 450 millions d’euros nécessaires à l’opérationnalisation de la force commune, seulement 294 ont pu être, pour l’instant, rassemblés. Il en manque donc encore 156 dans la cagnotte pour boucler le budget.
Encore que, pour le moment, il ne s’agisse en réalité que de promesses, fermes sans doute, mais des promesses quand même. C’est le cas avec l’Arabie Saoudite qui a récemment promis un soutien de 100 millions d’euros et les Emirats arabes unis 30 millions. Ces contributions du Golfe s’ajoutent à celles de l’Union européenne qui avait promis 30 millions d’euros, des Etats-Unis, 60 millions de dollars, de la France qui s’était engagée à appuyer l’effort de guerre à hauteur de 8 millions d’euros et des cinq pays de la ligne de front qui doivent casquer chacun 10 millions d’euros.
Dernière chance pour remplir enfin l’imposante gamelle, la conférence des donateurs prévue le 23 février à Bruxelles, dont on espère que le tour de table sera bénéfique, et qui sait, ira peut-être au-delà des espérances. Et c’est au président nigérien, Mahamadou Issoufou, qui vient de prendre la présidence tournante du G5, que revient la lourde mission de conduire les troupes sahéliennes dans la capitale européenne.
Et si ça se trouve, c’est pour convaincre définitivement les derniers sceptiques qu’après le galop d’essai de « Hawbi », « Vache noire », qui avait permis aux états-majors de tirer de nombreux enseignements, une deuxième opération a eu lieu courant janvier entre Boulikessi en territoire malien et Nassoumbou côté burkinabè. Nom de code : « Pagnali », entendez « Tonnerre » en fulfuldé.
Un tonnerre qui a curieusement grondé sans qu’on s’en rende véritablement compte. Car, contrairement à la précédente, qui avait été annoncée, médiatisée et dont on a eu les résultats, cette fois-ci, rien de tel n’a filtré. C’est tout juste si le commandant de la task force, le général de division Didier Dacko, s’est exprimé lors du rendez-vous dans la capitale nigérienne sur les troupes engagées : deux bataillons maliens et un autre, burkinabè. « Je me permettrai de dire, sans ambages, qu’avec l’opération Pagnali, la force conjointe des pays du G5 Sahel s’affirme comme une force sahélienne qui connaît le terrain, ayant une capacité d’adaptation et une bonne coordination avec les armées nationales », a poursuivi l’officier malien.
Mais, en réalité, on se demande si le tableau peint par le général n’est pas un peu trop idyllique. Combien de terroristes ont été neutralisés ou capturés, combien de caches d’armes ont été découvertes, et quel matériel ennemi saisi ? On n’en sait strictement rien.
Secret-défense ou bien il n’y avait vraiment pas de quoi fouetter un chat, l’essentiel étant de présenter quelque chose aux bailleurs avant l’ultime rencontre bruxelloise ?
En tout cas, il faut bien plus que ces mises en jambes pour inquiéter les terroristes et ramener la sérénité au sein des populations, qui ne savent plus à quelles forces de défense et de sécurité se vouer.
Hugues Richard Sama