En juillet 2017, la problématique du déguerpissement des habitants de Kounkoufouanou, village situé à 70 km de Fada N’Gourma a refait surface. Et le président du Faso a pris l’engagement de trouver une solution à ce problème. Plus de six mois après cette décision, la population attend toujours d’être située sur son sort. A entendant, la précarité des conditions de vie demeure leur dénominateur commun. Une visite de presse, le jeudi 1er février 2018 en collaboration avec l’ONG Oxfam, a permis aux journalistes de toucher du doigt leurs réalités.
Le 16 juin 2015 plus de 7 000 habitants de Kounkoufouanou ont été expulsés de leurs terres, suite à un décret du Conseil des ministres du 18 février 2015, réaffirmant que la localité est une zone pastorale. Deux ans après, en juillet 2017, ils ont encore été expulsés. Mais face à l’engagement du Président du Faso, de trouver une solution définitive à la situation, ces personnes sont toujours dans l’attente. Une visite de presse, le jeudi 1er février 2018, a permis de vivre un tant soit peu le quotidien de ces populations. « Pour l’heure, on constate une accalmie, mais notre souci est qu’à chaque fois, le déguerpissement intervient pendant la saison hivernale, une période où, nous avons déjà commencé les travaux champêtres. Présentement, nous vivons toujours la peur au ventre d’être encore menacés de déguerpir pendant la saison prochaine. Alors, nous voulons connaître notre situation», s’interroge Quibga Yarga, un habitant. « On ne sait pas à quel saint se vouer. A chaque fois, on nous chasse du village sans un site d’accueil. Depuis la décision du Chef de l’Etat de trouver une solution à la situation, on ne voit aucune action menée. Cela fait six mois déjà qu’on attend », s’inquiète le vieux Possi Tendano, l’air perdu. Dans ce village d’agriculteurs et d’éleveurs, c’est l’incertitude et l’inquiétude qui se lient sur le visage des populations. Le quotidien de ces personnes se conjugue avec des enfants sans « avenir », parce qu’ils ont été déscolarisés et l’école a été détruite au moment des affrontements en 2015. Aujourd’hui, elle sert d’habitation à la famille Sawadogo, dont la concession a été, elle aussi, détruite.
Pas de structures
éducatives, ni sanitaires
Si pour les filles, il y a peut-être une échappatoire, car elles sont appelées à se marier, pour les garçons, c’est un avenir incertain qui se profile à l’horizon. « Depuis que j’ai été obligé de quitter les bancs, je passe tout mon temps sur les mines d’or artisanales, à la recherche de l’or et du bien-être familial », affirme Yacouba Lalgo. Difficile donc pour les parents de scolariser leurs enfants, car l’école la plus proche est celle de Natiaboani, qui se trouve à 27 km de Kounkoufouanou. Alors que faire ? Que dire de l’accès à la santé ! Pour avoir accès à une structure sanitaire, c’est la croix et la bannière pour les habitants de cette localité et ce sont les femmes qui souffrent le plus. En effet, elles sont obligées de se déplacer à vélo pour se rendre au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Natiaboani. « Ici, les femmes accouchent à la maison, c’est quand la situation devient critique qu’on est obligé de se rendre à Natiaboani », explique la porte-parole des femmes, Limaba Tendano. Tissa Komondi, mère de triplés, soutient : « J’ai donné naissance à mes enfants à Natiaboani, le 31 décembre 2017. J’ai perdu connaissance et j’ai été évacuée d’urgence au centre hospitalier régional de Fada N’Gourma. Actuellement, je fais face à une insuffisance de production de lait maternelle pour nourrir mes bébés. Je dois chaque semaine, me rendre à Fada pour chercher du lait pour le biberon. Grace au soutien d’une structure sociale, j’ai droit à une boite par semaine. Insuffisant, mon mari était obligé d’acheter une chèvre pour qu’on puisse traire son lait pour nourrir les enfants ». Et Yengouba Tendano, mère de jumeaux, de renchérir qu’elle a vécu une situation semblable lors de son accouchement. « En effet, j’ai accouché le 1er enfant à Natiaboani, après j’ai perdu connaissance alors j’ai été évacuée au CHR et finalement j’ai perdu le 2e enfant. J’ai été hospitalisée pendant deux semaines », explique-t-elle. A tout cela, s’ajoute le problème d’accès à l’eau potable. « Nous avions des pompes qui ont été détruites pendant le déguerpissement. On a pu collecter des fonds et réparer deux qui sont actuellement fonctionnelles », indique le porte-parole des déguerpis, Moussa Diagbouga. Cela dénote à quel point la situation des populations est précaire. Cette population, selon lui, sont des Burkinabè, ils ont les mêmes droits. « Par conséquent, je souhaiterais que l’autorité nous vienne en aide avec un centre de santé de proximité ; il en existait avec les agents de santé communautaire. Aussi, qu’on rouvre notre école primaire, car l’absence d’une structure éducative met en péril l’avenir de nos enfants », souligne-t-il.
Fleur BIRBA