Longtemps annoncé par Ouaga la rumeur, le gouvernement Paul Kaba Thiéba (PKT) III est finalement tombé dans la nuit du 31 janvier 2018, mettant ainsi fin aux supputations de toutes sortes qui avaient envahi la ville. De ce gouvernement tant attendu pour donner un souffle nouveau à l’action de l’Exécutif, la plus grosse surprise, pour beaucoup, est venue du maintien du Premier ministre, Paul Kaba Thiéba (PKT), à son poste. Et pour causes. Ouaga la rumeur l’avait donné partant pour rejoindre le douillet confort de la BCEAO d’où il était venu, loin des « emmerdes » de la vie politique burkinabè où ses détracteurs les plus farouches peignent en noir son action à la tête de l’Exécutif.
Tous ceux qui ne vendaient pas cher de la peau du PM, en auront pris pour leur grade
Son départ semblait, pour ainsi dire, tellement acté que les noms de potentiels successeurs avaient même circulé entre-temps sur les réseaux sociaux. Mais finalement, tous ceux qui ne vendaient pas cher de la peau du PM, en auront pris pour leur grade. Le « Rocco » lui a simplement renouvelé sa confiance pour continuer à mener le bateau gouvernemental. Et, c’est bien campé à la barre du navire que l’ancien-nouveau PM a présidé avec le locataire du palais de Kosyam, la rentrée de la nouvelle équipe qui s’est déroulée dans la foulée, le 1er février 2018, à la Présidence du Faso. Une nouvelle équipe qui a vu l’arrivée de neuf nouvelles têtes, en l’occurrence Seyni Ouédraogo à la Fonction publique, Paul Robert Tiendrébéogo à l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur, Harouna Kaboré au Commerce, Abdoul Karim Sango à la Culture, Daouda Azoupiou aux Sports et loisirs, Bachir Ismael Ouédraogo à l’Energie, Stanislas Ouédraogo à l’Education nationale et l’alphabétisation, Vincent Dabilgou aux Transports et Hélène Marie Laurence Ilboudo née Marchal au ministère de la Femme, de la solidarité nationale et de la famille. Si certains ont changé de ministères comme Clément Sawadogo qui est passé de la Fonction publique à la Sécurité ou encore le ministre d’Etat, Simon Compaoré, qui va de la Sécurité à la Présidence du Faso, d’autres ont purement et simplement été remerciés. Il s’agit de Taïrou Bangré, précédemment aux Sports, Alpha Omar Dissa à l’Energie, Laure Zongo/Hien au ministère de la Femme, Stéphane Sanou, ex-Commerce désormais Secrétaire général du gouvernement et du Conseil des ministres, Souleymane Soulama aux Transports, Jean-Martin Coulibaly au MENA et Issouf Sawadogo, le remplaçant du démissionnaire Tahirou Barry à la Culture, qui n’aura eu qu’une expérience de trois mois dans le gouvernement. Cela dit, à la différence des deux premiers remaniements qui s’apparentaient plus à de petits réaménagements techniques, celui du 31 janvier dernier apparaît comme la véritable première recomposition de l’équipe gouvernementale, des deux ans de pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré. On notera que les alliances politiques ont été maintenues, notamment avec l’UNIR/PS où Nestor Bassière conserve le portefeuille de l’Environnement, de l’économie verte et du changement climatique, au moment où Vincent Dabilgou du NTD (soit dit en passant un ancien ministre de Blaise Compaoré) fait son entrée dans le gouvernement aux Transports, de même que Abdoul Karim Sango à la Culture, pour le compte du PAREN.
Le président Roch joue gros
Simon Compaoré qui semblait un peu trop exposé aux critiques et qui a pris beaucoup de coups, est ramené à la Présidence auprès du grand Sachem qui espère peut-être ainsi le mettre un peu à l’abri. Car, après avoir perdu Salifou Diallo, ex-président de l’Assemblée nationale décédé à la mi-août de l’année écoulée, Roch ne peut pas se permettre de perdre un allié de la trempe de Simon Compaoré, même si l’on peut estimer que ce dernier a aussi souvent prêté le flanc. On se rappelle encore ses propos qui avaient provoqué le courroux des transporteurs routiers qui avaient alors, par un mouvement d’humeur, paralysé le pays pendant quelques jours, ou encore de l’affaire « Tranquilos » qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. On notera aussi au passage, la création d’un ministère plein pour les Burkinabè de l’extérieur, qui semble répondre à une promesse de campagne du président Roch. Mais la surprise du chef, pour de nombreux Burkinabè, vient du maintien du Premier ministre à son poste, tant la rumeur était persistante sur l’imminence de son départ. A ce propos, beaucoup s’interrogent. Est-ce à cause de son amitié ou de sa proximité avec le chef de l’Etat que PKT a survécu ? Est-ce par orgueil que le président n’a pas voulu se séparer, dans les conditions actuelles, de son PM, pour ne pas donner l’impression de céder à une quelconque pression ? En tout cas, ils sont nombreux à se demander si le locataire de la primature est en sursis. L’histoire nous le dira. Mais en attendant, l’on peut être porté à croire que PKT doit beaucoup son maintien à la tête du gouvernement à son PNDES (Plan national de développement économique et social) dont il est le principal architecte. Question de ne pas le stopper dans son élan et de le laisser terminer ce qu’il a commencé. Car, contrairement à ce que soutient une certaine opinion, tout n’est pas ombres au tableau de l’action du gouvernement, portée par ce plan qui a certes mis du retard à l’allumage, mais qui n’est pas aujourd’hui sans acquis palpables. Par exemple, la mesure de gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, les réalisations dans les domaines de l’eau, de l’énergie, les chantiers en cours dans le domaine des infrastructures routières, pour ne citer que ceux-là. Il est vrai que le front social est constamment mis en ébullition, mais là aussi, l’on peut dire que l’on a enregistré des avancées, avec la signature de plusieurs protocoles d’accords. Toutefois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. A l’étape actuelle de la situation, le gouvernement est loin d’avoir repondu aux nombreuses attentes des populations dont l’impatience se lit dans la volonté de voir les choses évoluer rapidement, alors que l’Exécutif semble avancer à un rythme insatisfaisant à leurs yeux.
Maintenant qu’il a eu du sang neuf, l’on peut se demander si le gouvernement va passer du diesel au turbo, pour pouvoir répondre au plus vite aux aspirations de la grande masse. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Mais d’ores et déjà, l’on peut être porté à croire que le président Roch joue gros, dans la perspective de 2020. A-t-il fait le bon casting ? On attend de voir.
« Le Pays »