Sociologue de formation, elle est à la tête d’une entreprise d’architecture intérieure. Elle est aussi experte en vente, notamment négociatrice en affaires. Entre ses activités professionnelles et sa vie de femme au foyer, elle trouve du temps pour les autres ! Hélène Marie Laurence Ilboudo/ Marchal, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a été élue députée de la 7e législature à la faveur des élections législatives de 2015. Membre du Bureau politique national (BPN) du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti au pouvoir, en sa qualité de secrétaire nationale chargée des femmes, elle dit vouloir se battre pour que la loi sur le quota genre fasse vraiment la promotion de l’autre moitié du ciel au pays des Hommes intègres. Elle est la 2e femme à nous accorder un entretien, dans la cadre de notre rubrique hebdomadaire « Mardi politique ».
« Le Pays » : Quels sont vos vœux en ce début d’année ?
Hélène Marie Laurence Ilboudo/ Marchal: Nous sommes en début d’année et je voudrais souhaiter nos meilleurs vœux à l’ensemble de la population burkinabè, surtout aux hommes et aux femmes vivant avec un handicap. Je voudrais souhaiter une année de santé pour les malades, une année d’actions et d’avancement pour les personnes vulnérables. A l’endroit du peuple burkinabè, mes vœux d’une année de paix et de prospérité. Par ailleurs, je voudrais leur dire que lorsque nous demandions la confiance du peuple burkinabè pour porter Roch Marc Christian Kaboré à la magistrature suprême, nous savions que ce ne serait pas possible sans efforts ou sacrifices. Mais nous croyons qu’avec une solidarité forte, des sacrifices individuels et collectifs, avec beaucoup de travail, nous allons relever tous les défis. Ensemble, nous pourrons mettre le Burkina Faso dans la dynamique du développement et de la prospérité.
Depuis quand vous êtes-vous engagée en politique ?
Je suis engagée en politique il y a longtemps. Mais je suis plus visible depuis 2014, avec l’avènement du MPP où je suis entrée dans le bureau politique national en tant que secrétaire nationale chargée de l’organisation de l’Union des femmes du MPP.
Comment vivez-vous votre militantisme politique ?
Les femmes sont formidables en politique. En plus de ce que nous faisons comme les hommes en politique, nous nous occupons des enfants, de la maison, et bien sûr de nos maris, même s’ils nous laissent faire la politique. Ce n’est pas facile d’être une femme engagée en politique. Pour ma part, il est important de souligner que je le fais par passion. J’aime la politique, j’aime me préoccuper des autres. C’est une chose que je fais avec plaisir, mais je puis vous dire que ce n’est pas facile.
A la lumière des résultats des législatives passées, quelles sont, selon vous, les insuffisances de la loi sur le quota genre ?
Cette loi a fait une discrimination positive pour permettre une meilleure visibilité des femmes en politique. Mais elle a été vue dans le mauvais sens, puisqu’on a dit que les listes de candidatures devraient compter 30% de l’un ou de l’autre sexe. La loi voulait qu’on ait 30% de femmes aux résultats, mais les gens se sont contentés de 30% de femmes sur les listes. Vu le positionnement des femmes et le résultat que nous avons, vous voyez que cette loi a été très mal interprétée.
Votre parti, le MPP, avait promis, lors de la campagne présidentielle de 2015, de faire la promotion des femmes et des jeunes. Pensez-vous que cette promesse a été totalement tenue ?
Non ! Je pense que nous sommes loin de là. C’est vrai que je suis militante du MPP, mais il faut reconnaître que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, mon combat politique au sein du MPP, c’est de faire respecter les engagements pris. Pour les jeunes, je crois que les choses sont un peu plus avancées, mais pour les femmes, beaucoup reste à faire. Mais c’est aux femmes de se battre pour leur positionnement. Quant à la promesse faite pour la promotion des femmes, nous allons travailler au sein du MPP pour qu’elle soit tenue.
Quel commentaire faites-vous de la dissidence au sein du groupe parlementaire de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) ?
C’est une cuisine interne à l’UPC et je n’ai pas de commentaire à faire. Je crois que c’est aux militants de l’UPC de se prononcer sur la question. Ils se sont d’ailleurs assez prononcés sur le sujet. Ce n’est pas un sujet qui m’intéresse en tant que députée à l’Assemblée nationale, encore moins en tant que membre du bureau exécutif du MPP. J’ose espérer qu’ils pourront régler ces problèmes entre eux, pour assainir le climat politique de notre pays.
Le bruit courait que le défunt Salifou Diallo s’apprêtait à débaucher des élus des différents groupes parlementaires pour créer un parti politique, dans la perspective des élections de 2020. Qu’en est-il exactement ?
Nous avons dit aux uns et aux autres de laisser le président Salifou Diallo reposer en paix. Je pense que c’est trop facile d’accuser une personne qui n’est plus là pour se défendre. Ceux qui le disent aujourd’hui, auraient dû nous éclairer quand il était vivant. S’ils savaient qu’il était dans un deal comme ils le disent, ils auraient dû dénoncer cela avant de poursuivre ce combat. Ils se sont tus de son vivant, qu’ils continuent de se taire maintenant qu’il est mort.
Plus d’un an après la table ronde de Paris sur le financement du PNDES, le programme tarde à avoir des résultats concrets sur le terrain. Comment expliquez-vous cette situation ?
De quels résultats parlez-vous ? Je vois que le Burkina Faso est en chantier. Nous avons recruté des médecins, des agents de santé, construit plus de Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) que durant les 7 dernières années. Des routes sont en chantier. Quand vous dites beaucoup de réalisations tardent à se réaliser, c’est une habitude du camp d’en face pour dire ce qui n’existe pas. Pour moi, après la table ronde de Paris, on peut dire que le Burkina Faso est sur le chemin du développement socio- économique. A titre d’exemple, je peux citer le Programme d’urgence pour le Sahel (PUS). Ce programme de plus de 400 milliards de nos francs, permettra d’apporter un certain nombre de réponses aux préoccupations du Sahel et d’une partie du Nord de notre pays.
L’une des mesures phares du gouvernement actuel est la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Beaucoup s’accordent à dire que c’est un leurre parce que les médicaments ne sont souvent pas disponibles. Qu’en dites-vous ?
Ce sont les gens de mauvaise foi qui disent que c’est un leurre. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui refuse de voir. Il y a plus de 6 millions de personnes qui ont bénéficié de soins, dans le cadre de ce programme. Imaginez-vous, dans un contexte aussi difficile que celui dans lequel nous vivons, s’il n’y avait pas cette gratuité des soins. Il y a peut-être des insuffisances, ce qui est juste et normal. C’est une nouvelle mesure qui nécessite beaucoup de logistique, de suivi et surtout de la bonne volonté de la part des uns et des autres. Il faut l’encourager et travailler à pallier les insuffisances. Mais il faut reconnaître que cette mesure a aidé à sauver la vie de plusieurs enfants et mères. Je salue cette mesure et souhaite que nous travaillions à l’améliorer.
La vie au Burkina est rythmée ces derniers temps par beaucoup de grèves. Quelles sont, selon vous, les raisons de tous ces mouvements sociaux ?
Pour moi, la quête du bien- être est normale et légitime. Mais ce que je ne comprends pas, c’est qu’il y a des luttes de 7 ou 10 ans qui n’ont pas eu de satisfaction et que tout le monde se lève d’un coup pour réclamer satisfaction ici et maintenant. Je pense qu’on doit savoir raison garder, pour privilégier l’intérêt commun de ce pays et voir ce qu’il y a lieu de faire. Quelle que soit la volonté d’un gouvernement, il y a une limite à ne pas franchir. Il faut que les uns et les autres sachent que ce pays nous appartient à tous, qu’il appartient à nos enfants et à nos petits-enfants à qui nous devons rendre compte. Nous devons travailler à avoir un pays stable et équilibré pour les générations futures. Personnellement, je trouve très intriguant que tout le monde se mette à revendiquer. Je pense qu’il y a plutôt, en dehors du désir du bien-être, quelque chose de plus important derrière.
Le Burkina fait face à une insécurité grandissante, notamment le terrorisme. Comment expliquez-vous cette situation ?
De même que je ne peux pas expliquer les différentes revendications syndicales tous azimuts, de même je ne peux pas expliquer les attaques terroristes que nous subissons ces derniers temps. Je suis de la commission défense et sécurité à l’Assemblée nationale. Nous avons travaillé à rendre notre armée plus opérationnelle ; ce qui est le cas aujourd’hui. Je peux seulement dire qu’il y a des trafiquants qui ont besoin d’un espace pour leurs trafics et qui luttent pour avoir cet espace. Notre président l’a dit, aucun centimètre de notre territoire ne sera cédé. Ce sont des choses non négociables.
Quelle solution préconisez-vous pour y faire face ?
Au niveau de la stratégie de lutte contre le terrorisme qui émane du radicalisme et de l’extrémisme violent, il y a deux volets importants. Le volet humanitaire ou non militaire qui est de pouvoir autonomiser les femmes et les jeunes afin qu’ils ne soient pas candidats au suicide. Il faut permettre aux femmes de mieux s’occuper de leurs enfants en leur donnant le bien-être. Le plus souvent, ceux qui s’enrôlent, c’est beaucoup plus pour des questions économiques que pour des raisons de frustrations. Nous devons créer les conditions pour que les femmes puissent s’occuper de leurs enfants en leur donnant une bonne éducation et qu’elles puissent avoir accès aux services sociaux de base tout en aidant la jeunesse en quête d’emploi. Le 2e aspect est le volet militaire qui consiste à équiper nos forces de défense et de sécurité, de sorte à pouvoir riposter en cas d’attaques et dissuader toute tentative d’agression extérieure de notre pays. Pour cela, nous allons travailler et le président du Faso a été très clair en disant que nous n’allons pas laisser notre territoire à des envahisseurs. Cela suppose qu’il faut équiper et former nos forces de défense et de sécurité, afin de les rendre opérationnelles.
Pensez-vous que les conclusions du forum sur la sécurité peuvent contribuer à mettre fin aux attaques terroristes que connaît le pays ?
Le Forum national sur la sécurité est une volonté du président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, de pouvoir écouter toutes les couches sociales du Burkina par rapport aux nouvelles formes de sécurité que nous voulons pour ce pays. Il a été bien apprécié des populations, parce qu’il y a eu des fora régionaux où toutes les couches sociales sont allées donner leur vision de la sécurité de notre pays. Ce qui est très bien. Cela a permis d’écouter tous les acteurs, à savoir les acteurs étatiques et non étatiques. Les uns et les autres ont proposé l’offre et le besoin sécuritaire, et tout cela réuni dans le même panier, avec les experts qui accompagnent le président, ils pourront mettre en place la stratégie de sécurité nationale qui sied. Je serais heureuse de pouvoir accompagner, au niveau de l’Assemblée nationale, les initiatives qui nous seront présentées. Ce qui est bien et ce qu’on doit retenir, c’est le vote de la loi de programmation militaire quinquennale 2018-2022 qui devrait rendre notre armée plus opérationnelle et plus efficace. C’est déjà une grande avancée pour notre pays.
En quoi cette loi rendra-t-elle plus opérationnelle l’armée face au phénomène du terrorisme ?
C’est une loi qui permet de programmer les besoins de l’armée sur 5 ans. Cette loi va permettre à l’armée de pouvoir mettre en place son plan stratégique en ce qui concerne les activités et les actions, la formation, les équipements et investissements.
Votre fils, Alban Lafont, est gardien de but à Toulouse en France. Peut-on espérer qu’il vienne défendre les couleurs du Burkina Faso un jour ?
Je ne voudrais pas me mêler de la carrière professionnelle de mon fils. Il a un staff qui s’en occupe. D’ailleurs, il est adulte et c’est à lui de répondre à toutes ces questions. Je dois aussi dire qu’il a bénéficié d’un soutien français. Depuis l’âge de 12 ans, il est au centre de formation de Toulouse en France. C’est la Fédération française de football qui lui a donné cette chance de pouvoir arriver à ce niveau. Je ne pense pas que la Fédération française de football le laissera venir aussi facilement. Les choses ne sont pas aussi simples que cela. On pense qu’il n’y a que le choix de Alban qui doit prévaloir, mais il y a aussi le devoir de gratitude et l’engagement pris dès le départ.
Propos recueillis et retranscrits pas Issa SIGUIRE