C’est la salle polyvalente de Dori qui a servi de cadre à la cérémonie de déclaration publique d’abandon du mariage d’enfants et de l’excision. C’était à Dori le 23 janvier dernier et en présence des autorités régionales, administratives, militaires, paramilitaires, coutumières et religieuses. Fortement mobilisés, les représentants des 300 villages engagés et les populations de la région du Sahel ont remis symboliquement le matériel jadis utilisé pour l’excision, à la ministre de la Femme, de la solidarité nationale et de la famille, représentée à la cérémonie par son directeur du cabinet.
Prestations musicales, engagements solennels et publics des communautés, allocutions, telles ont été les différentes articulations de cette cérémonie de déclaration publique de l’abandon du mariage d’enfants et de l’excision à Dori.
«Chers parents, exciser les filles et marier les enfants dès les premiers signes de puberté mènent à une perte de l’éducation, à des grossesses précoces, prématurées et à répétition, à des accouchements difficiles et parfois mortels, à une augmentation du risque de mortalité maternelle, à une exposition à des violences sexuelles et domestiques. Nous, jeunes filles des 300 villages, nous ne voulons plus être mariées très tôt, avant nos 18 ans. Nous refusons ces pratiques pour nous et pour nos petites sœurs. Mieux, permettez-nous d’aller à l’école et poursuivre notre école jusqu’au bout. Nous ne voulons plus vivre dans le risque d’être excisées et d’être mariées très tôt. Nous ne voulons plus du mariage d’enfants, nous ne voulons plus de l’excision». Telle était la supplique des adolescentes et des filles du Sahel, face à la population. Et ce cri de cœur n’est pas vainement sorti des frêles poitrines. En effet, des adolescents et jeunes garçons au grand Imam de Dori, en passant par les femmes, les hommes et les leaders coutumiers et religieux, les représentants des 300 villages de la région du Sahel ont tous contredit ceux et celles qui veulent perpétuer le mariage d’enfants et l’excision. «Nous, les hommes des 300 villages, nous avons retenu que le mariage d’enfants et l’excision ont des conséquences sur le bien-être de nos filles et de nos garçons», ont reconnu les hommes dans leur message. Par conséquent, «nous nous engageons de tout cœur à ne plus les pratiquer et à respecter les droits des enfants. Nous ne voulons plus du mariage d’enfants, nous ne voulons plus de l’excision», ont-ils clamé, en chœur. Pour Mamoudou Yaya Cissé, grand Imam de Dori, «le mariage d’enfants et l’excision compromettent le développement harmonieux de nos enfants». Et désormais «nous, leaders religieux et coutumiers avec nos populations des 300 villages, prenons l’engagement devant le gouvernement, les autorités administratives, les partenaires au développement et aux yeux du monde entier et devant Dieu le Tout-Puissant, de mettre fin à ces pratiques dans nos communautés. Nous nous engageons à veiller au bien-être de nos enfants. Nous implorons Dieu de nous aider à respecter cette parole donnée aujourd’hui, Inch Allah !», a conclu Mamoudou Yaya Cissé, le grand Imam Dori. Et le respect de la parole donnée, c’est ce à quoi a exhorté le chef du bureau de l’UNICEF, zone de Dori. En effet, dans son discours, Bernard Kitambala dira ceci : «J’espère que cette déclaration ne sera pas une déclaration de plus». Tout en précisant qu’un mécanisme de suivi sera mis en place à la suite de cette déclaration, M. Kitambala a rappelé les apports financiers de l’UNICEF au profit de Mwangaza Action. On retiendra un appui de 404 millions de F CFA en 2016 et plus de 247 millions de F CFA en 2017. Et l’UNICEF reste toujours disposée et disponible pour accompagner Mwangaza Action, a-t-il ajouté.
Tous ces efforts n’ont pas laissé indifférent le gouvernement du Burkina Faso qui, tout en traduisant sa gratitude aux partenaires à travers le mot du directeur de cabinet de la Ministre de la Femme, de la solidarité nationale et de la famille, a rappelé que «les mariages d’enfants et l’excision sont des pratiques néfastes et avilissantes». C’est pourquoi, a-t-il soutenu, le Burkina Faso s’est engagé à y faire face à travers des textes nationaux et supranationaux. Et cet engagement a produit des résultats probants, a révélé le directeur de cabinet, représentant la ministre. S’adressant aux représentants des 300 villages, il les a félicités en ces termes : «Vous faites désormais partie des villages modèles et des références pour la promotion et la protection des droits des enfants».
Mais pour aboutir à cette déclaration publique, que de difficultés traversées. Et parmi celles-ci, la non-alphabétisation de certains mentors qui interviennent dans les différents villages comme l’a reconnu Brigitte Yaméogo, chargée de programmes à Mwangaza Action. Dans son mot, Mme Yaméogo a déroulé les réalisations et autres résultats de sa structure. Beaucoup de choses ont été faites, mais beaucoup restent à faire. C’est pourquoi, Brigitte Yaméogo a exhorté les uns et les autres à «maintenir la flamme allumée et à respecter la parole donnée». Le respect de la parole donnée ne doit pas turlupiner Mwangaza Action. Du moins, et à en croire Ahmed Aziz Diallo, le député maire de Dori qui, dans son propos, a traduit toute sa gratitude pour le choix porté sur sa cité pour abriter cette déclaration publique. «Nous sommes disponibles pour toute collaboration», a promis Ahmed Aziz Diallo, le député-maire de Dori qui a remercié et encouragé Mwangaza Action et son partenaire UNICEF.
La remise symbolique des registres de mariage aux imams du Sahel, du matériel de bureau et 10 motos pour 10 services sociaux des départements de la région du Sahel ont été les autres temps forts de cette cérémonie bien animée par le duo féminin Batal Pulaku. Le matériel jadis utilisé pour l’excision a également été symboliquement déposé entre les mains du directeur de cabinet de la ministre, signe du ferme engagement des communautés à abandonner ces pratiques néfastes et avilissantes. Ainsi, on peut dire et ce, sans risque de se tromper, que Mwangaza Action est en train de faciliter l’émergence d’un nouveau paradigme comportemental au Sahel à travers cette déclaration publique d’abandon du mariage d’enfants et de l’excision et ce, par le biais du projet dénommé construction de consensus social en faveur de l’élimination du mariage des enfants et de l’excision appelé SUKAKU ou enfance en langue fulfuldé. Et à cette occasion, Désiré Zagré, coordonnateur-terrain à Dori, et Brigitte Yaméogo, chargée de programmes de Mwangaza Action, n’ont pas caché leur satisfaction, même si «le combat continue», comme ils l’ont reconnu.
Hama Hamidou DICKO