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Ddaouda Sigue, gynécologue, á propos de la fécondation in vitro : « la fertilité est en baisse au Burkina»
Publié le jeudi 18 janvier 2018  |  Le Pays




On le sait, il arrive que le désir de procréer hante des couples, à cause des problèmes de fertilité du conjoint ou de la conjointe ou les deux. Nul besoin de dire que ce souci de se voir incapable de procréer, crée souvent des conflits conjugaux. Si des spécialistes parlent même d’une baisse inquiétante de la fertilité au Burkina Faso, il faut noter que de plus en plus, bon nombre de couples décident de recourir à la fécondation in-vitro (FIV) ; une technique de procréation médicalement assistée et de transfert d’embryon. Dans cette interview, le gynécologue obstétricien, Dr Daouda Sigué, par ailleurs directeur général de la clinique Saint Jérémie qui vient de se doter d’un plateau médico-technique de dernière génération pour la fécondation in-vitro, évoque l’ampleur de l’infertilité au Burkina Faso tout en expliquant ce qu’est la FIV. Lisez plutôt !

Qu’est-ce que la fécondation in-vitro (FIV)?

La fécondation classique habituelle, qui se fait par voie naturelle, se passe à l’intérieur de l’organisme de la femme lors des rapports sexuels. Mais la fécondation in vitro (FIV) est une fécondation qui se fait à l’extérieur de l’organisme de la femme, c’est-à-dire au laboratoire. C’est un mécanisme assez complexe, qui nécessite d’abord une sélection des patientes selon des critères cliniques et biologiques. Pour qu’une femme puisse faire la FIV, il faut qu’elle soit éligible. Il y a des critères cliniques biologiques. L’âge de femme est un facteur clé. Les critères biologiques répondent principalement au bilant hormonal. Ce bilan hormonal est réalisé chez la femme avant qu’elle ne rentre dans un cycle de fécondation. C’est un mécanisme complexe, parce qu’après avoir sélectionné les dames qui vont entrer dans un cycle de fécondation après des examens biologiques, on les soumet à des traitements hormonaux qui sont assez lourds et coûteux. A l’issue de ces traitements hormonaux, on fait un suivi échographique de la croissance des différents follicules. Cela s’appelle le monitorage de l’ovulation. Pratiquement tous les deux jours, on fera une échographie pour mesurer la taille des follicules. Mais lorsque la croissance de ces follicules atteint un seuil raisonnable, on amène la patiente au bloc opératoire pour faire la ponction des follicules et après cette ponction, on recherche à l’intérieur dans le liquide folliculaire ce qu’on appelle l’ovocyte; en même temps le sperme est donné le jour de la ponction. Ce sperme subit un certain nombre de procédures au laboratoire : centrifugation, lavage avant d’être utilise pour la fiv. C’est à l’issue de cela qu’a lieu la fécondation qui peut être une fécondation classique ou une icsi qui est une injection intra cytoplasmique de gametes. Mais la différence entre les deux fécondations (classique et icsi) est qu’au niveau de la fécondation classique, ce sont les spermatozoïdes qui vont féconder eux-mêmes les ovocytes. Pour le cas de l’icsi, c’est le gynécologue ou l’embryologiste qui utilise un gros microscope pour faire l’injection des spermatozoïdes sélectionnés sans l’ovocyte.

Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un homme ou une femme à avoir recours à la FIV ?

Les raisons sont multiples. Je dirai que toute anomalie de la fécondation ou de l’implantation, fait qu’on peut inclure une patiente dans un cycle de FIV. Ce qu’on rencontre le plus souvent sont les troubles de l’ovulation. Il s’agit des femmes qui n’ovulent pas. On les regroupe dans le syndrome des ovaires poly- kystiques, les troubles endocriniens tel que, l’hyperprolatinemie, les dysfonctionnements de la thyroïde. Il y a aussi les anomalies tubopéritoneales tel que les trompes qui sont bouchées. Ces obstructions tubaires sont parfois causées par des infections telles que les MST, le chlamydias, les gonocoques, les avortements clandestins et les adhérences pelviennes. A cela s’ajoute les séquelles de chirurgie pelviennes, les pelvi péritonites et les endométrioses qui représentent à peu près 4 à 5% des femmes stériles. Mais ces causes sont difficiles à diagnostiquer. Il y a aussi les causes inexpliquées qui sont appelées causes idiopathiques. En général, ce sont ces deux grands groupes de facteurs qui font que les femmes viennent en FIV. Mais en dehors de cela, il y a des troubles utérins qui sont des fibromes et des endo métrites. Chez l’homme, les raisons peuvent être liées à des anomalies spermatiques, car il y a des hommes dont le sperme n’est pas de bonne qualité.

Y a-t-il une différence entre un enfant né in-vitro et celui né de façon normale ?

La fécondation in-vitro est une technique nouvelle dans nos contrées, mais ailleurs les gens y recourent depuis plus d’une trentaine d’années. La première date de 1978 et selon une étude, les enfants nés in vitro représentent 1 à 4% de la population mondiale. Et jusque-là, aucune étude n’a trouvé de différences significatives entre un enfant né par technique de fécondation in vitro et celui né par fécondation naturelle.

Quelle est l’ampleur de l’infertilité au Burkina Faso ?

La fertilité en général est en baisse au Burkina Faso et quand on regarde le nombre de jeunes garçons nouvellement mariés qui viennent en consultation et chez qui on trouve des anomalies spermatiques telles que les azoospermies et oligoasténospermies, on a le droit de s’inquiéter. Cette baisse est probablement liée à des problèmes environnementaux ou alimentaires et c’est souvent pathétique de voir un jeune de moins de 30 ans qui n’a pas de spermatozoïdes dans son éjaculat ? Chez beaucoup de jeunes filles aussi, on constate que la plupart d’entre elles ont des trompes bouchées. Le problème d’ovulation est aussi fréquent chez les jeunes filles. En globalité, un couple sur trois qui vient en consultation, c’est pour des problèmes de fécondité.

Votre clinique offre-t-elle des soins de fécondité in-vitro (FIV) ?

Oui, nous nous sommes dotés de matériel de pointe. Nous disposons des appareils qui composent tout bon labo de FIV. Il s’agit du matériel de pointe de dernière génération, provenant du Japon, de l’Allemagne et de la France de l’inde. C’est un laboratoire moderne complet pour une bonne procédure de FIV. Désormais, les Burkinabè qui désirent peuvent recourir à la fécondation in-vitro à la clinique Saint Jérémie.

Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre une telle initiative ?

Il faut dire que la demande existe et c’est depuis 2010 que nous avons essayé de rentrer dans l’assistance médicale à la procréation, en commençant par l’insémination intra utérine et nous avons obtenu des résultats très satisfaisants. Mais il arrive que des couples fassent au moins 3 tentatives d’insémination intra utérine sans succès. Dans ce cas, il faut passer à l’étape supérieure qui est la FIV et cela explique une de nos motivations. Il y a le fait aussi que des couples partent à l’étranger pour la FIV et déboursent des sommes faramineuses, sans compter les frais de transport, d’hébergement et de restauration. Donc nous nous sommes dit que ce sera un challenge pour nous de pouvoir faire la FIV au Burkina Faso.

Combien peut coûter une telle opération ?

Le coût dépend de l’âge. Pour les jeunes couples, lorsque le bilan hormonal indique que la patiente va bien répondre au traitement, le coût est moindre par rapport à une patiente âgée dont le bilan hormonal dit qu’elle est une mauvaise répondante. Pour une jeune patiente avec un bilan hormonal la classant en bonne répondeuse au traitement, le coût des médicaments varie entre 600 000 et 750 000 F CFA. Mais pour les mauvaises répondantes, il faut une somme allant de 900 000 à 1 million de F CFA en médicaments. Il faut signifier qu’on ne peut pas donner un prix exact par patient. Puisqu’il y a le côté médicamenteux de la chose, à savoir les ordonnances qui sont prescrites et c’est aux patients d’acheter leurs médicaments. Quant aux techniques de FIV classique, quand on inclut les frais de laboratoire, de ponction et de transfert, on se retrouve autour de 1 800 000 F CFA pour la procédure et pour une fiv icsi environ 2 100 000. En gros il faut avoir entre 2 800 000 F CFA à 3 000 000 F CFA en moyenne pour un cycle complet.

Et c’est pour quand les premières prises en charge des patients ?

Nous avons commencé en début du mois de janvier et nos premières interventions ont été un succès. Et ce matin (14 janvier ndlr), nous avons reçu deux patientes que nous allons consulter. Pour quelqu’un qui désire faire la FIV, il faut d’abord qu’il se fasse consulter par un gynécologue qui lui fera un examen clinique et aussi des examens biologiques qui vont établir le bilan hormonal et infectieux. Et selon que le bilan indique que la patiente est une bonne ou mauvaise répondante au traitement, on prescrit des médicaments selon les protocoles de fécondation, étant donné qu’il y en a plusieurs, ensuite il y a les injections déclenchant l’ovulation. Lorsque cela est fait, avant la 36e heure, la patiente rentre au bloc pour la ponction. Le conjoint doit être présent le jour de la ponction, car on prendra son sperme qui va être techniqué et on le mettra en contact avec des ovocytes pour la fécondation. Trois jours après, la patiente est convoquée si on obtient les embryons pour un transfert embryonnaire dans l’utérus

Arrive-t-il parfois que la procédure échoue ?

De façon naturelle, chez un couple jeune qui n’a aucun problème de fertilité, il y a une chance sur 4, soit un taux de 25% par cycle, de tomber enceinte. vu ainsi en pourcentage on a l’impression que ce n’est pas élevé mais pour un couple qui passe de 00% à ce taux, cela est considérable. Pour ces couples qui font recours au processus d’assistance à la procréation, n’ayant aucune chance de concevoir par voie naturelle, ces techniques vont permettre de revenir au taux de 25% prévu par la nature. Et lorsque cela échoue et si on cumule les tentatives, on arrive pratiquement à un taux de 75%, c’est à dire 3 à 4 tentatives. Mais le plus difficile, c’est le coût qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Quelle assurance donnez-vous aux patients ?

C’est une question de vie. On ne peut pas donner d’assurance, de garantie ou de succès, parce que nous ne donnons pas la vie. Et seul Dieu est capable de donner la vie. Voilà pourquoi on appelle la FIV, assistance médicale à la procréation, et non une garantie médicale à la procréation. On explique les chances de succès aux patients. Donc c’est à eux de s’engager ou de ne pas s’engager. Mais il arrive qu’on refuse des patients, car nous savons d’emblée que la procédure ne marchera pas. C’est pour dire que tout le monde n’est pas éligible pour une fécondation in-vitro. Et la meilleure alternative pour les couples non éligibles, c’est l’adoption.

Avez-vous l’expertise nécessaire ?

L’expertise existe, car nous avons été formés aux différentes techniques. On ne doit pas s’inquiéter pour cela, car au Burkina Faso, en matière de ressources humaines dans le secteur de la santé, l’expertise existe et ce sont les équipements qui font souvent défaut. Les gens vont à l’extérieur se former et ne peuvent malheureusement pas pratiquer ce qu’ils ont appris, par manque de matériel. Et grâce à Dieu, nous, nous avons désormais l’expertise et le matériel.

Autre chose ?

Je remercie les Editions Le Pays pour cette opportunité de pouvoir m’exprimer sur la FIV que nous faisons maintenant dans notre clinique. Il faut noter que la clinique Saint Jérémie est la 2e clinique au Burkina Faso où l’on fait la procédure de la FIV. C’est vraiment une chance que l’on puisse faire certaines choses sur le plan médical désormais au Burkina Faso. Il faut que les populations continuent de faire confiance à leur médecin au lieu de sortir hors du pays pour aller dépenser des sommes faramineuses pour des résultats qui sont identiques. Et c’est à nous médecins aussi de mettre en place les équipements nécessaires qui vont avec cela.

Propos recueillis et retranscrits par Valérie TIANHOUN
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