Entre 90 et 100 migrants ont de nouveau péri en Méditerranée avec leur embarcation de fortune au large des côtes libyennes, plus précisément sur les hauteurs de la ville d’al-Khoms. Les disparus sont pour la plupart d’origine malienne, d’où l’ire du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) qui met un point d’honneur à retrouver les passeurs qui sont, selon lui, à l’origine du drame. Le moins que l’on puisse dire après cette nouvelle tragédie, c’est que rien ne semble en mesure de freiner les ardeurs des migrants : ni les drames successifs en mer, ni les images d’esclavage et de mauvais traitements sur les candidats à l’exil en Libye. Certes, il est certain que l’on ne peut dénier la responsabilité des dirigeants africains dans l’exode massif des jeunes en direction de l’Europe tant la gouvernance politique et socio-économique dans les différents Etats laisse à désirer. Car, aux sources de départ des migrants, l’on note la précarité des conditions de vie des populations, accentuée dans certains Etats par la restriction des libertés individuelles et démocratiques. Mais, l’on ne peut jeter la pierre aux seuls gouvernants. Car, les candidats à l’émigration ont aussi leur part de responsabilité, étant donné que les fonds qu’ils injectent dans l’aventure, sont souvent suffisants pour financer des projets viables dans leurs pays d’origine. En effet, il ne faut pas moins du million de F CFA pour réaliser son rêve d’exil. Enfin, il faut aussi indexer le rôle négatif joué par la minorité qui a réussi à passer entre les mailles du filet pour se retrouver en Occident. Certains développent des clichés péjoratifs sur leurs pays d’origine, en plus d’aiguiser la convoitise de ceux qui sont restés sur place.
L’on peut s’interroger sur le bien-fondé de la colère du président malien
Cela dit, il ne faut pas, dans le débat sur les départs des jeunes Africains vers l’Europe et leurs corrolaires que sont les naufrages en Méditerranée, chercher à tout prix un coupable à guillotiner quand on sait que les mouvements des populations sont malgré tout aussi un phénomène naturel dont les causes sont demeurées invariablement les mêmes au cours de l’histoire : soit ce sont les pays de départ qui chassent les migrants, soit ce sont les pays d’accueil qui exercent de l’attrait sur eux. La nouveauté du phénomène réside dans le sens des migrations et des conditions dans lesquelles elles s’opèrent. Et c’est particulièrement là que la responsabilité des dirigeants doit être indexée ; eux qui devraient définir et mettre en œuvre des politiques migratoires qui ne compromettent pas l’équilibre du monde et qui respectent la dignité humaine. Pour finir, l’on peut s’interroger en particulier sur le bien-fondé de la colère du président malien. L’on peut se demander, en effet, si ce tour de sang n’est pas feint. Car, la responsabilité des dirigeants africains est largement engagée dans le fait que la Méditerranée soit devenue un cimetière à ciel ouvert de migrants africains et l’on aurait mieux compris un sursaut d’orgueil du gouvernement malien à plus d’engagement dans la lutte contre l’exode de ses jeunes compatriotes. Le Mali bénéficie de la part de la communauté internationale de nombreux fonds aux fins de fixer les jeunes sur place, mais leur gestion, la formation des bénéficiaires et le suivi des projets posent problème. IBK gagnerait donc à concentrer plus son regard sur ces dysfonctionnements qu’à vouloir jouer au corsaire en Méditerranée.
SAHO