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Sexualité des jeunes sur les réseaux sociaux
Publié le jeudi 11 janvier 2018  |  Sidwaya
Les
© Autre presse par DR
Les réseaux sociaux




L’habitude des réseaux sociaux a vu un foisonnement de forums de discussions autour de thématiques variées. Il y en a ainsi une multitude orientée sur le sexe. Une occasion de satisfaire leur curiosité pour certains, une porte ouverte au libertinage pour d’autres. L’enfant de dix ans qui vient d’acquérir son premier smartphone a aussi librement accès à ces plateformes anonymes et discrètes…


Tout utilisateur de WhatsApp peut créer un groupe de discussions, peu importent le sujet et la dénomination. La participation à ces forums est anonyme, seul le numéro de téléphone est affiché. Elle est également libre, à la condition de disposer du lien d’accès et de ne pas se faire exclure par l’administrateur du groupe. Des plateformes de ce type (communément appelées « groupe de discussion ») sont disponibles également sur Viber, Facebook, avec des variantes liées aux spécificités de ces applications web. La liberté, l’anonymat et la grande facilité d’accès aux groupes de discussions sur les réseaux sociaux ont ainsi favorisé une nouvelle habitude de consommation des internautes, surtout au sein de la frange jeune, toujours connectée. Nous avons pu constater l’intérêt des usagers de WhatsApp pour ces cadres de discussions collectifs, notamment pour ce qu’il en est des groupes où le libertinage est permis. En l’espace de deux mois, octobre et novembre 2017, nous avons dénombré 84 plateformes de ce type focalisées sur le sexe : « Partouzes responsables », « Délire et liberté », « Les mougousseurs », « Le piment dans la sauce », « sans tabou », « abattoirs.com »… Des dénominations aussi diversifiées qu’originales, mais avec le même centre d’intérêt: le sexe. C’est dans ce contexte que nous avons figuré dans le groupe de discussion intitulé « club Mougoupan ». Créé le 18 novembre 2017 à 13H12, on y dénombrait 247 adhérents dont 26 numéros avec l’indicatif burkinabè (00226) à 14H30. Toutes les publications (images, sons et vidéos) qui y sont faites, ont trait au sexe. L’animation du groupe est faite par une poignée d’intervenants (toujours les mêmes), qui inondent l’espace de contenus à caractère sexuel. Par jour, une multitude de fichiers y est publiée au grand plaisir des autres participants. Quelquefois, ce sont des liens vers des vidéos de sexe sur le net ou même des sites d’adultes qui sont publiés. Le reste des membres, passifs, se contentent d’être présents et de profiter dans le secret de leurs téléphones des images et vidéos pornographiques qui leur sont gracieusement servies. Les plus audacieux font parfois des commentaires appréciatifs et en redemandent.

Une exposition risquée

Le premier constat dans ce type d’univers est que la qualité des membres n’est pas prise en compte. N’importe qui peut intégrer ce forum, qui conviendrait plus à un public adulte et averti. Ce paramètre est d’autant plus essentiel que les contenus qui sont publiés (et consommés) dans ces groupes ont des influences diverses sur la sexualité et la vie des différents membres. Sur ce dernier aspect, le sociologue Da Sié De Bindouté a eu une analyse évocatrice lors d’une émission radiophonique sur le même sujet en novembre 2016. « Il y a bien un impact : le jeune découvre la nudité de l’autre. Et en même temps, il s’auto découvre. Inconsciemment, il se dit qu’il peut reproduire les scènes qu’il observe », fait-il remarquer. Se référant à la théorie du psychanalyste autrichien Sigmund Freud, le sociologue burkinabè voit un impact sur le subconscient du jeune. « C’est psychologique. Dès que l’œil a perçu l’image, le subconscient va réclamer la même chose au corps. Et la barrière de la société n’existe plus pour la personne concernée ». Da Sié De Bindouté fait un parallèle entre la liberté d’accès à l’information sexuelle sur les plateformes des groupes de discussion et le tabou qui a toujours entouré la question dans la structure de la société burkinabè. L’accès non canalisé laisse libre cours au libertinage. En effet, la désacralisation du sexe, grâce notamment à la libéralisation de la toile, développe une curiosité et l’envie de nouvelles expériences chez les jeunes, observe-t-il. Cette situation les expose à des pratiques sexuelles susceptibles de troubler leur sexualité (masturbation, double partenariat, voyeurisme, addiction sexuelle, faiblesse sexuelle, hyperactivité sexuelle, dépendance pornographique). Selon le spécialiste en santé, Issoufou Belem, les informations sur la santé sexuelle et de la reproduction qui sont véhiculées sur internet ne sont pas toutes bonnes : « Beaucoup sont erronées ». En interrogeant certains parents, c’est tout de suite, la complexité de pouvoir maitriser le phénomène de la sexualité des jeunes à l’heure des réseaux sociaux qui se pose. Certains trouvent que l’outil technologique étant le fruit de l’évolution du monde, il est difficile de le combattre de front. « C’est leur temps, leur époque, on n’y peut rien », capitule M. Ouédraogo, père de trois enfants. D’autres, à l’image de Joseph Zango, 54 ans, père de quatre enfants, reconnaissent la dangerosité et les dérives que l’accès incontrôlé peut créer : « Si vous remarquez, les jeunes ne pensent plus qu’à ça. Ce sont des grossesses partout et leur éducation est même en danger. C’est à cause de l’exposition prématurée au sexe ».

Le quasi-vide
institutionnel

En tous les cas, tous admettent la nécessité d’une éducation sexuelle des jeunes sur les contenus médiatiques. « L’éducation aux médias est très importante, car les programmes diffusés doivent être adaptés à l’âge des enfants », soutient le directeur général de l’observation des médias et des études du Conseil supérieur de la communication (CSC), Jean Paul Toé. Elle permet de susciter un esprit critique chez le consommateur pour plus de responsabilité, précise-t-il. « Depuis 2014, le CSC a adopté une mesure visant la protection de l’enfant contre les programmes néfastes des télévisions en instituant des pictogrammes à apparaître à l’écran pour indiquer à partir de quelle tranche d’âge le programme diffusé est-il indiqué », indique-t-il. Mais Jean Paul Toé reconnaît que dans sa politique d’éducation aux médias le Conseil n’intervient pas spécifiquement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive des jeunes, en ce qui concerne leurs habitudes sur internet. Du côté de la Commission de l’informatique et des libertés (CIL), on parle surtout de protection des données à caractère personnel. Le directeur de l‘expertise technique et du contrôle de la CIL, Maxime Da, est d’avis que la problématique de la sexualité sur la toile fait beaucoup de victimes. C’est d’ailleurs pourquoi, son institution a adopté une attitude pédagogique depuis janvier 2014 pour sensibiliser les internautes à des comportements plus responsables. « Chaque mois, pendant l’année scolaire, nous organisons une séance de sensibilisation dans un lycée ou une université pour informer les jeunes des dangers de s’exposer sur le net et sur les risques qu’ils encourent », explique-t-il. Il reste que ces actions de sensibilisation s’inscrivent davantage dans le domaine de la cybercriminalité, de la protection du droit à l’image et des données à caractère personnel. La question de la santé de la reproduction n’est pas prise en compte à titre principal dans les actions de l’institution. Un constat qui désole le jeune Aimé Konskiré, un bénévole de l’Association Songui-manegré d’aide au développement endogène (ASMADE). « La problématique de la Santé reproductive des adolescents et des jeunes(SRAJ) est tellement profonde qu’elle devrait faire partie des priorités autant que les actions de sensibilisation au civisme et à la citoyenneté », lâche-t-il. Le jeune volontaire est persuadé que les comportements sexuels impactent sur l’avenir des enfants. Et, il est offusqué de constater que de plus en plus, « tout ce qui est vraiment dans l’esprit des jeunes actuellement, c’est l’alcool et le sexe ».

Une problématique
profonde

C’est davantage auprès des associations et organismes non gouvernementaux intervenant dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive qu’on note une prise en compte sérieuse de la problématique, avec des programmes axés exclusivement sur la sensibilisation des jeunes en matière de santé sexuelle et reproductive sur les réseaux sociaux. C’est notamment l’exemple du réseau national des jeunes ambassadeurs, mis en place en 2014 par un consortium d’OSC agissant dans le domaine de la SRAJ dans les villes de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Koudougou. Ce réseau, qui est coordonné par un bureau renouvelé tous les deux ans, mène des actions de plaidoyer pour l’accès gratuit des jeunes aux méthodes contraceptives et dans la sensibilisation des populations pour une prise de conscience en vue d’une sexualité responsable. Aimé Konkisré est responsable adjoint à la mobilisation du bureau élu en 2016. « Nous avons mis en place une page Facebook, un groupe WhatsApp ainsi qu’une tribune sur twitter où, nous faisons fréquemment des débats en vue de sensibiliser les jeunes à l’importance d’adopter des comportements sexuels responsables », informe-t-il. Le Mouvement d’action des jeunes (MAJ) de l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF) agit aussi à titre principal sur le net pour orienter les jeunes en matière de sexualité. Le samedi 18 novembre 2017 par exemple, la section MAJ de Koudougou a organisé un « tweet up » sur la stigmatisation des filles-mères à l’école. Il s’agit d’une discussion de groupe sur le réseau social twitter. « Cela consiste à sensibiliser nos pairs jeunes via les réseaux sociaux que sont Facebook, WhatsApp Twitter et Wordpress à la SSR à travers des sujets de débats et des microprogrammes en vue d’accroître leurs connaissances sur ces questions afin qu’ils aient une sexualité responsable », explique la responsable de la section, Massara Diakité. C’est dans ce contexte que le groupe WhatsApp intitulé : « Tribune santé ado et jeunes » a été créé. Il comptait 216 participants au 5 décembre 2017. Pour justifier le bien-fondé de ces stratégies d’approche, Aimé Konskiré note que le degré de dépravation de la société nécessite des actions sur tous les fronts : convaincre les parents sur la nécessité de parler de sexualité avec leurs enfants, sensibiliser les jeunes à opter au mieux pour l’abstinence ou au moins pour une méthode de contraception. Sinon, déduit-il, ce seront toujours des grossesses non désirées ou les maladies sexuellement transmissibles. « Sans prise de conscience, la génération actuelle est perdue », assure ce jeune étudiant d’une vingtaine d’années.


Fabé Mamadou
OUATTARA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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