29 décembre 2015 – 29 décembre 2017. Cela fait deux ans, jour pour jour, que Roch Marc Christian Kaboré a été porté à la tête de l’Etat burkinabè, après des élections qui ont été saluées par le monde entier. Mais deux ans après qu’il a pris les rênes du pouvoir, que retenir de la gouvernance du premier président démocratiquement élu au Burkina, après l’ère Compaoré ? D’aucuns diront qu’il est encore trop tôt pour juger, mais pour des ventres affamés, à chaque jour suffit sa peine et seuls quelques mois suffisent pour dresser un bilan de l’action de celui qu’ils ont majoritairement choisi pour présider à leurs destinées. Cela dit, au titre des acquis, l’on peut noter la mesure de gratuité des soins pour les enfants de 0 à 5 ans et les femmes enceintes, qui, malgré ses insuffisances, demeure l’un des actes forts de ces deux ans de règne de l’enfant de Tuiré, avec un impact certain sur les populations.
Le président Roch n’a pas véritablement bénéficié d’une période de grâce
Sur le plan judiciaire, l’on peut noter une avancée dans certains dossiers emblématiques comme les dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo voire Dabo Boukari, dans lesquels il y a eu des inculpations et des mandats d’arrêt pour les deux premiers, et la découverte de la présumée tombe du troisième, qui devrait permettre d’y donner un coup d’accélérateur. Dans le domaine des infrastructures routières, les efforts sont perceptibles à travers les nombreux chantiers ouverts sur une large partie du territoire national. Sur le plan sécuritaire, la situation reste fortement éruptive, mais l’on notera qu’en plus du volcan « koglwéogo » que le gouvernement a quelque peu réussi à calmer, les Forces de défense et de sécurité ont peu ou prou réussi à contenir la vague d’attaques terroristes qui ont frappé le pays, depuis que les mauvais garçons du désert ont accueilli l’arrivé au pouvoir de Roch avec l’attentat meurtrier de Cappuccino et de Splendid Hôtel, en janvier 2016, moins d’un mois demi après sa prise de fonction, avant de récidiver en août 2017, avec cette fois-ci l’attaque du Café Aziz Istanbul situé sur la même avenue. Et avec les grèves et autres mouvements sociaux qui ont suivi, l’on ne peut pas dire que le président Roch a véritablement bénéficié d’une période de grâce pour prendre ses marques à la tête de l’Etat burkinabè. Mais cela ne saurait justifier la mollesse qui est reprochée à son équipe qui, après deux ans, n’a véritablement pas posé d’actes forts à même de rassurer les Burkinabè. Ainsi, l’incivisme galopant a fini de faire son lit dans la société burkinabè, au moment où l’autorité de l’Etat peine à s’affirmer. Pour un oui ou un non, les routes sont bloquées par des manifestants mécontents qui n’ont cure des désagréments et autres préjudices causés aux autres citoyens. Et le pire, c’est que les pouvoirs publics semblent impuissants à faire régner l’ordre et la discipline dans de telles situations. L’on n’est donc pas étonné que dans la simple circulation routière, les comportements de défiance de l’autorité de l’Etat soient légion au quotidien, et ce malgré les mesures pour y faire face. Sur le plan économique, il n’y a pas de quoi se réjouir. Le panier de la ménagère est toujours léger. La galère frappe à toutes les portes alors que la relance économique se fait toujours attendre.
Le gouvernement n’est pas assez offensif
A ce jour, celle-ci reste d’ailleurs l’une des plus fortes attentes qui n’ont pas encore trouvé réponse auprès des Burkinabè, en plus de la question sécuritaire qui est en passe d’être le plus grand défi à relever par le président Roch. Sur ce plan, les attentats terroristes restent le principal point marquant des deux ans de règne du président Roch, car c’est quand même sous son magistère que le Burkina est entré dans l’œil du cyclone. Et ce n’est pas demain la veille qu’il en sortira, surtout avec l’épineuse question du Nord qui suscite la convoitise des jihadistes. Reste à espérer qu’en plus des efforts du gouvernement, la dynamique de la force du G5 Sahel pourra aider le Burkina à faire véritablement face à la menace terroriste. Pendant ce temps, le PNDES, le référentiel de développement sur lequel le chef de l’Etat a bâti son programme, tarde à faire la preuve de sa pertinence auprès de populations impatientes de sortir de la galère. Sur le plan judiciaire, des dossiers encore pendants comme ceux de l’insurrection populaire d’octobre 2014 et du putsch manqué de 2015 attisent davantage la soif des populations qui attendent d’en connaître l’épilogue. Dans ces conditions, l’on ne saurait s’étonner que la mayonnaise de la réconciliation nationale tarde à prendre puisque l’on ne voit pas vraiment les lignes bouger. Au point que pour certains, elle reste encore un vœu pieux, d’autant plus que pour les tenants du pouvoir, elle doit répondre à un triptyque qui passe par la justice et la vérité. Et si la première étape n’est pas franchie, l’on ne peut pas prétendre passer à la deuxième, encore moins à la troisième qui se présente comme le couronnement du processus. En plus de cela, le front social est constamment en ébullition, avec des grèves et autres mouvements d’humeur ou de revendications. Tout cela, parce que d’aucuns trouvent que le gouvernement n’est pas assez offensif, au point que l’Exécutif essuie même des critiques venant même de l’intérieur. En tout état de cause, concernant la gouvernance du président Roch, globalement, il y a des acquis, mais ceux-ci sont loin de pouvoir cacher les nombreuses insuffisances qui donnent quelque part à ces deux ans de règne, un certain goût d’inachevé. C’est dire que le locataire du palais de Kosyam doit retrousser ses manches, pour les trois ans qui restent de son premier quinquennat, s’il veut se donner des chances de se succéder à lui-même en 2020. Ce d’autant que les médias se font constamment l’écho des mauvaises pratiques de l’ère Compaoré, qui subsistent sous la gouvernance de Roch. C’est dire que la rupture tant annoncée tarde encore à voir le jour. Sur ce plan d’ailleurs, l’on est tenté de dire que la Transition aura été plus audacieuse parce qu’elle a su envoyer des signaux forts aux fins de rupture avec le passé. Cela dit, le président Roch gagnerait donc à s’en inspirer et peut-être même à revoir son casting. Cela pourrait lui éviter des surprises désagréables. En tout cas, il lui reste encore trois ans pour convaincre.