Adama Kanazoé est le conseiller spécial du président Roch Marc Christian Kaboré. Il est chargé du secteur privé et des Objectifs de développement durable (ODD). Kanazoé, candidat à la dernière élection présidentielle, est également le président de l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la république (AJIR) ; du nom de ce parti politique qui vient de déclencher un processus d’union avec trois autres partis. Ils veulent mettre en place un parti unique. En plus de cette dernière actualité qu’est la création de l’UDP, Kanazoé se prononce, dans cet entretien, sur des sujets d’intérêt national. Lisez plutôt !
« Le Pays » : De quand date la « germination » de l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP) ?
Adama Kanazoé : Cette idée a germé bien avant les élections couplées de 2015. En réalité, au sortir de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, les partis membres du CFOP avaient déjà en tête de fédérer leurs efforts pour la conquête du pouvoir. Malheureusement, en son temps, nous n’avons pas réussi à dégager une candidature unique. Chacun finalement est parti à cette confrontation électorale avec l’idée qu’au second tour des élections, tous les partis membres de l’ex-CFOP se joindraient à celui d’entre eux qui serait le mieux placé pour qu’in fine le pouvoir revienne à un parti de l’ex-CFOP. Ce fut chose faite avec le président Roch Marc Christian Kaboré qui a été élu brillamment à l’issue de ces élections. J’ai été candidat et je fais partie de ceux qui avaient été battus par le président Roch. Par la suite, ces partis qui s’étaient rapprochés bien avant ces élections, ont continué, encore une fois, à discuter et se sont retrouvés au sein de la Majorité présidentielle (MP) mais tous ont à l’idée ces rapprochements ou ces regroupements qui feraient des entités plus fortes. C’est ainsi que le parti frère, le RDS, a approché l’AJIR, le FFS et ensemble nous avions commencé à réfléchir à cette union. Ces réflexions ont pris le temps qu’il fallait, parce qu’il ne fallait pas se précipiter. Il y a déjà presque six mois que nous avons signé un protocole d’accord. Ce protocole d’accord a permis aussi de mettre en place deux organes. Il y a la conférence des présidents où on retrouve les présidents des partis membres et il y a un comité de réflexion. Ce comité de réflexion est composé de trois membres de chacun des quatre partis. Ce comité a reçu un mandat pour rédiger les textes fondamentaux du prochain parti unique dont l’objectif, à terme, est l’union. Aujourd’hui, nous avons les projets de ces textes fondamentaux qui seront amendés au niveau de chaque parti membre et au niveau de l’Union. Donc, c’est une idée qui a été initiée depuis belle lurette, qui a été formalisée depuis plus de six mois et a été officialisée le 6 décembre dernier, et qui va aller tout doucement, avec les partis qui nous rejoindront.
Dans quel délai pensez-vous que la fusion de vos partis sera faite pour former un parti unique ?
Dans les meilleurs délais possibles.
Quelles sont les motivations politiques et stratégiques qui ont sous-tendu la création de cette union ?
Je parlerai de motivations politiques et opérationnelles. L’opinion publique a toujours dit et répété que la pléthore de partis politiques n’est pas ce dont a besoin le Burkina Faso. Mais vous savez aussi qu’on ne peut pas empêcher un Burkinabè de créer son parti politique. Pour créer un parti politique, vous avez besoin de moins de 50 000 F CFA ; après, la gestion d’un parti politique, c’est tout autre chose. Nous sommes entrés tous dans cette dynamique ; nous avons créé des partis politiques et nous sommes allés expérimenter la conquête du pouvoir d’Etat. Nous avons vu toutes les difficultés inhérentes à la gestion d’un parti politique, surtout quand il est embryonnaire. Aujourd’hui, je vais vous dire quelque chose. Un parti politique, pour s’implanter dans presque 10 000 villages du Burkina Faso, a besoin d’au moins 500 millions de F CFA, à raison de 50 000 F CFA par mission dans chaque village. Ils sont combien les partis politiques de petite taille, comme les nôtres, qui sont capables de mobiliser autant de ressources pour s’implanter partout ? Et le tout n’est pas de mettre des structures en place. Il faut être capable d’entretenir les structures pendant cinq ans pour arriver aux élections. C’est chose pratiquement impossible. Nous, à l’AJIR, on l’a vécu. Dans notre stratégie, pendant longtemps, on a fait en sorte d’avoir des structures. Notre leitmotiv, c’était de s’implanter partout. Effectivement, nous avons des structures un peu partout mais au final, nous n’avons pas un électorat important. Pourquoi ? Même les structures que nous avons mises en place, se sont levées contre nous après. Ce sont les mêmes gens qui se fâchent avec vous et qui vont chez l’adversaire pour vous combattre, parce que vous n’avez pas les moyens de les entretenir. C’est une réalité que vivent tous les partis politiques. Je vous parle de façon empirique. Et aujourd’hui, on sait une chose. Le RDS n’a pas les capacités de s’étendre dans tout le Burkina. L’AJIR non plus. Ils sont nombreux ces partis politiques-là, qui sont venus se confiner dans de petites zones d’influence, avec l’impossibilité d’avoir une envergure nationale. C’est pour cela que nous pensons qu’en se mettant ensemble, chacun ayant sa petite portion, on peut avoir un parti politique qui a une assise nationale. C’est à partir de là que nous pouvons proposer au peuple burkinabè, une vraie alternative. C’est vraiment cette motivation qui est politique, mais très empirique, qui nous amène à cette union.
Est-ce pour vous une manière de préparer 2020 ?
Absolument. L’une des missions, quand on crée un parti politique, c’est la conquête du pouvoir d’Etat. Et la conquête du pouvoir d’Etat passe par des stratégies. Nous pensons que le parti unique qui découlera de notre union, stratégiquement, va avoir un impact sur les résultats que nous allons engranger en 2020. L’objectif pour nous, c’est de mettre en place un parti politique qui, en 2020, pourra au moins avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale.
Ils sont nombreux ces partis politiques-là qui sont venus se confiner dans de petites zones d’influence, avec l’impossibilité d’avoir une envergure nationale
N’est-ce pas parce que vos partis politiques, individuellement pris, sont faibles, que vous créez l’UDP?
On n’a pas honte de l’avouer. Nos partis, individuellement pris, n’ont pas les capacités au niveau opérationnel et financier de s’étendre sur le territoire national alors que l’objectif d’un parti politique, c’est d’avoir une assise nationale. On veut proposer des solutions pour chaque Burkinabè, dans les hameaux les plus reculés du Burkina Faso. Si vous n’avez pas une assise nationale, vous ne pouvez pas prétendre pouvoir résoudre les problèmes des populations que vous ne connaissez pas et que vous n’approchez pas. Tenant compte des difficultés liées à nos existences individuelles, tenant compte des réalités de nos partis politiques respectifs, nous pensons qu’ensemble, nous pourrons devenir ce grand parti politique d’envergure nationale et qui peut proposer des solutions aux problèmes des Burkinabè.
On a l’impression, en vous écoutant, que votre expérience de président de parti politique est amère. Est-ce bien cela ?
C’est une expérience que ne je ne qualifierais pas d’amère. Elle est enrichissante au contraire. Nous avons tous, pendant longtemps, été dans le beau rôle. Le beau rôle, c’est l’attitude de ceux qui sont en marge de la chose politique, qui critiquent systématiquement les hommes politiques, ceux qui sont sur les réseaux sociaux, etc. Nous avons été dans ce beau rôle et nous avons franchi le pas pour rentrer dans la gestion politique des choses, la gestion des partis politiques, la gestion des Hommes. Nous avons compris qu’il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte. Même l’ODP/MT, en son temps, n’a pas hésité à s’élargir pour devenir le CDP. L’ODP/MT avait déjà les moyens et était capable de gérer les choses, mais a pensé qu’il fallait s’élargir avec d’autres partis politiques, pour devenir le CDP qui a géré le pays pendant plusieurs décennies. C’est une approche empirique des choses qui permet à tout parti politique qui a des ambitions et qui sait qu’il n’a pas tous les moyens, de s’adapter aux réalités. Un parti politique qui n’est pas flexible, qui n’est pas capable de s’adapter aux situations du moment, n’a pas droit de cité, pour moi, au Burkina Faso. C’est la real-politik qui nous a permis aujourd’hui de comprendre que le choix que nous faisons aujourd’hui, est le bon. Nous invitons les autres partis à nous rejoindre.
D’aucuns estiment que l’UDP est un appendice du MPP. Qu’en dites-vous ?
J’ai envie de dire sans objet. J’ai toujours vécu cette situation. Mon parti, l’AJIR, a été considéré comme un appendice du MPP. Sans aucune preuve, chacun dit ce qu’il veut dans ce pays. Tout compte fait, et je l’ai toujours répété, nous mettons en place un parti politique avec des objectifs qui sont les mêmes que ceux du MPP : conquérir le pouvoir d’Etat. Donnez-nous le pouvoir d’Etat et vous verrez si nous sommes là pour le MPP.
L’on constate qu’il y a d’autres partis de gauche qui ne sont pas dans votre Union. Ne sont-ils pas intéressés par votre projet ? Du moins, comment explique-t-on que ce soit seulement 4 partis qui forment l’UDP ?
Si vous devez prendre le temps de discuter individuellement avec chaque parti avant de mettre en place une telle structure, ce n’est pas chose facile. C’est très compliqué en général. C’est pourquoi nos quatre partis ont décidé de commencer. Nous n’avons fait que lever le lièvre et nous attendons que tous les autres partis politiques viennent. Nous allons rencontrer bientôt chaque parti de la majorité présidentielle et nous allons discuter pour voir, ensemble, comment on peut se regrouper. Donc, l’Union est ouverte. A ce stade-là, nous invitons tous les partis politiques burkinabè qui ont envie de sortir du statut de micro- partis pour créer un parti d’envergure nationale, à taire leur ego et à venir pour qu’on puisse travailler ensemble.
En matière d’union, il y a beaucoup de cas malheureux. On citera l’exemple de l’OBU de Laurent Bado et de Emile Paré. Qu’est-ce qui prouve que l’UDP ne suivra pas cet exemple ?
Il y a également des cas à succès, comme le CDP. Vous pouvez prendre cet exemple aussi.
Le CDP qui a éclaté en plusieurs partis également !
C’est un succès qui a quand même duré plusieurs décennies. Effectivement, nous sommes conscients qu’il y a beaucoup d’initiatives de ce genre et même des partis membres de l’UDP ont connu ces tentatives. C’est l’expérience de tout cela qui fera la force de notre Union. C’est pourquoi nous sommes allés tout doucement dans la démarche. Dans de telles initiatives, on ne peut jamais faire l’unanimité. Dans nos différents partis, il y a des faucons. Il y a ceux qui sont partisans de l’immobilisme et ceux qui sont partisans de la réforme. Dans nos partis, il y a des gens qui tiennent à rester micro-parti, pourvu qu’eux aient un poste au sein du bureau politique national, craignant de ne pas avoir le même statut dans un parti plus grand. Ils rejettent par tous les moyens quelque chose qui va dans le sens de l’intérêt général. C’est pourquoi chaque parti membre de l’UDP a d’abord réussi à convaincre quant à l’intérêt de l’Union et cela a conduit à la signature de la convention. L’intérêt général a donc primé. Nous sommes conscients qu’il y a des difficultés, mais nous allons prendre le temps d’aplanir ces difficultés. Il y a, parmi nous, des gens pétris d’expérience et nous allons travailler à baliser le terrain afin d’éviter les différents pièges.
Il y a quelques mois, des informations faisaient état de la création d’un grand parti de gauche avec à la baguette, le parti au pouvoir. L’UDP en est-elle une sécrétion ?
En avez-vous la preuve ? Franchement, je ne suis pas au courant d’une telle information. Et en tant que telle, l’UDP n’a rien à voir avec quelque chose qui n’existe pas.
De façon pratique, comment fonctionnera votre union qui, dans son principe, laisse une certaine autonomie aux partis membres ?
C’est vrai que dans la phase d’union, ce sont les différents partis ; ces partis existent toujours. Il n’y a pas de congrès de dissolution de chaque parti. Donc, chaque entité existe, mais il nous suffit simplement de nous mettre d’accord sur certains sujets d’intérêt national, de pouvoir parler d’une voix commune sur un certain nombre de dossiers. Dans notre fonctionnement, il y a une présidence tournante de façon trimestrielle et le président en exercice est le porte-parole du mouvement. Chacun doit continuer de se renforcer, de s’implanter en attendant la fusion.
Quel rôle avez-vous donné aux militants de base dans votre projet de fusion ?
Nos différents partis membres ont des instances pour décider de ces choses-là. Par exemple, le bureau politique de l’AJIR a déjà validé ce processus. Dans l’immédiat, nous avons prévu des tournées au niveau des partis membres, dans les différentes zones d’influence de chaque parti pour rassembler nos camarades afin que la dynamique du travail commun commence dès maintenant.
Je suis de ceux qui pensent que la jeunesse burkinabè a raison de demander encore plus au pouvoir
Vous concernant personnellement, comment vous sentez-vous dans votre rôle de conseiller du président du Faso ?
Moi, je ne cesserai de remercier le président Roch Marc Christian Kaboré qui, dans sa vision de rassembler les Burkinabè, de travailler avec tous les Burkinabè, n’a pas hésité à confier à un de ses adversaires de la présidentielle, des responsabilités. Dans mon rôle ici, j’apporte ma petite contribution dans la mise en place du PNDES. J’ai été un des acteurs dans le processus d’élaboration du PNDES et dans la mobilisation des ressources. Auprès du chef de l’Etat, je travaille également de concert avec un certain nombre de ministères pour améliorer, chaque jour, le climat des affaires au Burkina Faso. Je suis conseiller spécial chargé du secteur privé et des ODD. Et sur ces deux chantiers, j’apporte ma contribution aux organes organisationnels des différents ministères. J’ai un chef de l’Etat qui est à l’écoute de ses conseillers, qui a pris la pleine mesure des responsabilités qu’il nous a confiées et qui attend de nous des résultats probants. Je suis en apprentissage et cette expérience m’a permis de faire le pont entre la théorie et la pratique. Le candidat que j’étais hier avec un programme basé sur une certaine vision, se confronte aujourd’hui à certaines réalités qui, certainement, vont influencer mes positions dans le futur.
Beaucoup de jeunes pensent que ce pouvoir n’a pas les clés de leurs problèmes. Comment réagissez-vous à cela ?
Je pense que ce pouvoir, malheureusement, a subi beaucoup de soubresauts. Vous savez, le chef de l’Etat, à peine arrivé au pouvoir, a été vite confronté au problème du terrorisme. Ce phénomène, aujourd’hui, est en train de tuer presque l’activité économique sur Kwame N’Krumah. Quand vous allez sur cette avenue, vous vous rendez compte qu’il y a du chômage en perspective pour les nombreuses personnes qui y sont employées. Il y a des entreprises qui risquent de mettre la clé sous le paillasson. Aujourd’hui, le Sahel burkinabè est constamment harcelé par des groupuscules terroristes et cela empêche nos populations de vaquer librement à leurs occupations. Cela n’a pas empêché le gouvernement de mettre en place le Programme d’urgence du Sahel, pour résoudre un certain nombre de problèmes de développement dans cette partie du Burkina Faso et dissuader les jeunes de se laisser endoctriner. La jeunesse burkinabè a beaucoup d’attentes. Moi, je comprends. J’avoue que je suis de ceux qui pensent que la jeunesse burkinabè a raison de demander encore plus au pouvoir. Car, c’est elle qui a payé le prix fort dans ce combat pour la liberté de notre peuple. Cette jeunesse est donc en droit d’espérer des solutions, mais des solutions structurelles. C’est pourquoi, à notre avis, tout ce qui apparaît aujourd’hui comme approches conjoncturelles, doit laisser la place à une politique plus structurelle de prise en compte des intérêts de la jeunesse. Je suis partisan d’une politique de discrimination positive en faveur de la jeunesse, parce que je pense qu’il y a besoin, au Burkina Faso, de rééquilibrer les choses pour que le fossé qu’il y a entre les classes de notre société, puisse être d’une certaine façon compensé. Nelson Mandela, quand il arrivait au pouvoir, avait mis en place une politique discriminatoire en faveur des Noirs, parce que le déséquilibre qui existait entre la population blanche et celle noire, ne permettait pas de construire une nation sur des bases équitables. C’est cette situation que connaît la jeunesse burkinabè qui a été le parent pauvre du système Compaoré pendant 27 ans. Cette jeunesse s’est battue pour changer les choses et est donc en droit de revendiquer des solutions à ses problèmes. Elle est en droit de voir de jeunes entrepreneurs mis sur un piédestal de façon discriminatoire, mais positivement. Aujourd’hui, par exemple, on ne peut pas demander à des jeunes entrepreneurs d’aller compétir avec des gens qui ont fait 27 ans de fortune dans ce système. Comment voulez-vous qu’il y ait cet équilibre ? Ce n’est pas possible et ce n’est pas cela l’équité. Ce qu’il faut au Burkina Faso, c’est l’équité.
Est-ce qu’on a les moyens d’avoir cette équité ?
Il faut s’en donner les moyens. Parce que tant qu’on ne s’en donnera pas les moyens, vous aurez toujours cette jeunesse-là qui sera à la traîne et une jeunesse à la traîne, est une bombe sociale.
Je ne suis pas un salarié de la SONABHY. Je ne suis pas le DG de la SONABHY. Je suis juste un administrateur
Est-ce que le président a pris la mesure du problème de la jeunesse ?
Le président en a pris la mesure. C’est pour cela que beaucoup d’initiatives sont prises aujourd’hui en faveur de la jeunesse. Il faut savoir aussi que le président n’a fait que deux ans de mandat. Il a pu apporter des solutions à un moment donné pour parer au plus pressé, mais vous voyez que lui-même a récemment assisté à la clôture des états généraux de la jeunesse. Le rapport issu de ces états généraux va permettre de mettre en place une politique structurelle qui prend en compte la jeunesse burkinabè. Et moi, en tant que conseiller, je n’hésiterai pas à demander au chef de l’Etat de pousser loin le bouchon, pour que la jeunesse puisse bénéficier d’une politique discriminatoire positive.
Il nous revient que vous êtes membre du Conseil d’administration de la SONABHY. Comment va cette société en termes de finances et de gestion managériale?
Effectivement, le chef de l’Etat m’a fait cet honneur en me nommant comme représentant de la présidence au sein du Conseil d’administration de la SONABHY. Cela ne fait pas de moi un travailleur de la SONABHY parce qu’en son temps, beaucoup de gens pensaient que j’ai cumulé un poste. Un poste en conseil d’administration, c’est deux ou trois sessions par an. Je ne suis pas un salarié de la SONABHY. Je ne suis pas le DG de la SONABHY. Je suis juste un administrateur qui donne son point de vue sur la gestion de l’entreprise. Donc je répète, je ne touche pas un rond à la SONABHY. C’est uniquement des émoluments d’administrateur qu’on paie une fois en fin d’année. Ça fait 700 000 F CFA sur un an. C’est important qu’on précise cela pour éviter les amalgames. Ensuite, la SONABHY est aujourd’hui le fleuron des sociétés d’Etat. C’est la société la plus rentable, mais il faut dire aussi qu’elle bénéficie d’un monopole ; ce qui fait que du point de vue de la concurrence, elle n’a pas beaucoup à s’en faire, même si elle est confrontée aujourd’hui à la concurrence déloyale qu’est la fraude. La SONABHY se porte bien, mais elle a des problèmes de trésorerie qui sont liés malheureusement à beaucoup de dettes qui sont dues par d’autres sociétés d’Etat. Mais il y a une solution qui a été trouvée avec l’Etat burkinabè aujourd’hui et qui a permis à la société de rééquilibrer ses comptes. La SONABHY est gérée aujourd’hui avec une bonne orthodoxie financière et les administrateurs que nous sommes, n’ont pas grand-chose à dire sur cette gestion sauf à souhaiter que toutes les difficultés liées à la fraude et à la trésorerie puissent trouver des solutions rapidement.
D’aucuns estiment que le PNDES est déjà un échec. Quel commentaire en faites-vous ?
On ne peut pas dire que le PNDES est un échec. Pour ceux qui le disent, il y a deux motivations. Il y a ceux qui jugent objectivement les choses et ceux qui sont opposants politiques et qui n’ont pas vocation à caresser le pouvoir dans le sens du poil. Le PNDES, aujourd’hui, a un an. Nous étions à Paris il y a de cela à peine un an, pour mobiliser les ressources. Ces ressources ont été mobilisées, sauf que dans la compréhension des uns et autres, on a pensé, même au niveau des intellectuels, que c’est vraiment du pactole qui descendait directement au Burkina Faso.
Est-ce que ce n’est pas l’impression que vous avez donnée dans votre manière de communiquer ?
Peut-être que ce sont les relais qui ont relayé les choses de cette façon. Sinon, il n’y a pas de lexique plus approprié pour définir ce qui s’est passé à Paris. On a dit qu’on a réussi à mobiliser 18 mille milliards de F CFA et qu’on avait, au niveau des partenaires techniques et financiers, des engagements fermes sur des projets. Nous avons aussi du secteur privé, des engagements qui ont été pris. Donc, ce sont des promesses de financement qui ont été faites. C’est clair que nous ne revenions pas de Paris avec du magot dans l’avion présidentiel. Le gouvernement doit définir les projets, les proposer aux PTF ; il y a des études de faisabilité qui vont se faire ; il y a des procédures qui vont être engagées pour arriver jusqu’à la réalisation des projets. En général, tout cela prend du temps. Ces processus sont engagés et les populations ne peuvent pas aujourd’hui avoir les fruits de ce travail mais in fine, on va avoir des résultats probants. Peut-être d’ici un an, vous allez voir des choses qui vont se réaliser dans ce sens-là. Au niveau du secteur privé, ce sont des gens qui se sont engagés à participer au financement de projets. Il y a l’exemple des 38 projets qui sont passés de gré à gré, après le vote de la loi PPP. Ces 38 projets sont en train d’être bouclés et beaucoup vont être mis en place dès 2018. Je pense qu’il faut juste laisser le temps au PNDES pour voir ses réalisations parce qu’il a eu une phase d’élaboration, une phase de mobilisation des ressources, une phase de mise en place des contrats et conventions et la dernière étape sera la mise en œuvre. Donc, c’est juste la patience qu’il faut demander au peuple burkinabè. On ne peut pas parler d’échec du PNDES ; on dira tout simplement qu’il est en cours. Mais je ne nie pas que globalement aujourd’hui, les populations estiment qu’il faille faire un peu plus et que les gens vivent des situations difficiles. Nous en sommes conscients. Le PNDES a la solution.
François Compaoré avait une influence qui dépassait les prérogatives de ses fonctions de conseiller spécial
Comment jugez-vous la gestion du pouvoir actuel que d’aucuns assimilent à celle de Blaise Compaoré ?
Objectivement, le pouvoir actuel ne peut pas gérer comme Blaise Compaoré. Parce que le pouvoir actuel a en face de lui une opinion qui est différente de celle qui a existé sous Blaise Compaoré. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de résistants. Je veux juste dire qu’on a aujourd’hui une maturité politique qui est plus accrue. Donc, le pouvoir ne peut pas gérer les choses de la même manière que sous Blaise Compaoré. Sous Blaise Compaoré, des pratiques existaient mais aujourd’hui, même en rêve, personne n’ose les faire. Je pense qu’il y a une relative orthodoxie dans la gouvernance actuelle. Il y a plus de transparence et plus de possibilités pour les uns et les autres de pouvoir s’exprimer librement. Il y a des acquis fondamentaux qui relèvent de l’insurrection populaire et qui ne pourront aucunement être remis en cause par personne au Burkina Faso. Donc, ce pouvoir ne peut pas être assimilé à celui de Blaise Compaoré dans ce sens. Après, si les gens estiment que les acteurs du pouvoir d’aujourd’hui ont été acteurs du pouvoir de Blaise Compaoré, cela est une autre chose. Mais il est très difficile de trouver dans la classe politique actuelle au Burkina Faso, des individus qui n’ont pas travaillé avec Blaise Compaoré. Blaise Compaoré, c’est près de trente ans de gestion. Vous savez que Blaise Compaoré également, c’est une gestion clanique. Ce clanisme était géré par François Compaoré et un certain nombre d’acteurs, notamment des opérateurs économiques. Ce mode de gestion a fait qu’il y a eu un accaparement des richesses du pays par un seul clan. C’est tout cela qui a exacerbé les Burkinabè et qui a abouti à la chute de l’ancien régime. Tout ce que Blaise Compaoré a fait, n’était pas mauvais. Le peuple burkinabè a remis en cause ce qui a été mauvais. Le pouvoir actuel est une nouvelle forme de gouvernance. Les gens ont des habitudes qu’ils ont toujours eues ; ce sont ces habitudes qui sont difficiles à abandonner pour certains.
D’aucuns estiment qu’être conseiller du président est très « lucratif ». Qu’en dites-vous ?
C’est une opinion qui se réfère à la position de François Compaoré à la présidence du Faso. Il était conseiller spécial du président du Faso, mais il était surtout conseiller spécial de son grand frère. François Compaoré avait une influence qui dépassait les prérogatives de ses fonctions de conseiller spécial. Sinon, un conseiller spécial, c’est son salaire de fonctionnaire ; pas plus.
Certains considèrent que le président Roch Marc Christian Kaboré est « mou ». Il n’aurait pas toujours la solution face à certains problèmes que connaît le pays. Qu’en pensez-vous ?
Chacun a son tempérament. Moi j’envie le président Roch Kaboré à cause de sa capacité à rester zen. Je ne sais pas comment il fait, mais c’est quelque chose que je voudrais vraiment apprendre. Cette capacité qu’il a à prendre les choses à froid, à les analyser froidement. Cela lui permet de ne pas se précipiter sur un certain nombre de choses. C’est un caractère qui ne fait pas de lui un homme faible. Il ne faut pas confondre les choses. Il sait taper du poing sur la table quand il le faut. Nous sommes ses collaborateurs et on en sait quelque chose. Il a bien compris son rôle de chef qui apaise le climat.
Interview réalisée par Michel NANA