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Cancer du foie : «Même un verre d’alcool par jour constitue un facteur de risque» (Dr Mohamed Lamine Sissoko)
Publié le mercredi 20 decembre 2017  |  L`Observateur Paalga
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© Autre presse par DR
Traitement chirurgical des cancers du foie : l’hôpital national Blaise Compaoré réalise le 1er exploit




Le cancer du foie prend de l’ampleur dans la frange jeune de la population burkinabè. Selon une étude réalisée en 2015 dans 4 structures sanitaires de Ouagadougou, le cancer du foie représentait 36,8% des cancers digestifs dont il occupe le premier rang, avec une prédominance masculine et un âge moyen de 46 ans. C’est dire que la maladie est beaucoup plus présente dans la gent masculine, favorisée en cela par des facteurs de risque tels l’alcoolisme, le tabagisme et les hépatites virales B et C ; fort heureusement, c’est une pathologie dont on guérit si on s’y prend tôt dans le traitement. C’est ce que préconise dans cette interview le Dr Mohammed Lamine Sissoko, chirurgien du foie à l’hôpital national Blaise Compaoré à Ouagadougou.

Qu’est-ce que le cancer du foie ?

Le terme cancer recouvre des maladies différentes qui ont pour point commun la présence de cellules cancéreuses. Dans la plupart des cancers, des cellules cancéreuses forment des excroissances (tumeurs) pathologiques qui ont tendance à s’accroître et à se disséminer. Ces tumeurs sont dites malignes, car pouvant détruire des organes proches par leur croissance rapide et leur caractère envahissant. De plus, les cellules cancéreuses peuvent se mettre à circuler dans le sang et envahir d’autres organes. Ainsi disséminées, elles peuvent également former de nouvelles tumeurs loin de l’organe d’origine.

Le cancer porte le nom de l’organe dans lequel la tumeur maligne s’est formée : on parle ainsi de cancer du foie pour ce qui concerne cet organe.

Contrairement aux tumeurs malignes, il y a les tumeurs bénignes, qui ne sont toutefois pas cancéreuses ; elles peuvent comprimer des organes proches, mais elles demeurent localisées dans une partie du corps et ne mettent généralement pas la vie en danger.

Y a-t-il plusieurs formes de cancer du foie ?

Oui. On peut distinguer :

- les cancers primitifs, pour désigner les tumeurs qui ont leur origine dans les cellules du foie ;

- les cancers secondaires (appelés métastases), pour désigner des tumeurs formées de cellules cancéreuses qui se sont détachées d’une tumeur située ailleurs dans l’organisme, loin du foie (le gros intestin, l’estomac, les seins, les poumons, la prostate, les ovaires, l’utérus...), pour se propager ensuite dans le foie. Ces derniers sont 20 à 50 fois plus fréquents que les cancers primitifs.

Quel est l’état des lieux du cancer du foie au Burkina ?

Le cancer du foie est le premier cancer commun aux deux sexes mais touche 3 fois plus d’hommes que de femmes. Au Burkina Faso, en 2012, le nombre de cas de cancer du foie était estimé à 1 257 avec 1 219 décès, faisant de ces cancers les plus fréquents ; 30 nouveaux cas de cancer primitif sont enregistrés chaque mois. En 2015, selon une étude hospitalière réalisée dans 4 structures sanitaires de Ouagadougou, le cancer du foie représentait 36,8% des cancers digestifs et occupait le premier rang de ces cancers, avec une prédominance masculine et un âge moyen de 46 ans. Dans le service d’hépato-gastro-entérologie du CHU-YO, une autre étude, réalisée en 2016, a révélé que la cirrhose et le cancer du foie constituaient 65% des motifs d’hospitalisation avec 80% de taux de mortalité pour les patients atteints d’un cancer primitif du foie. Alors qu’en Europe, le cancer primitif du foie concerne plus les personnes âgées de 65 ans au moins, au Burkina, ce sont des sujets jeunes qui sont concernés, entre 35 et 50 ans. Cela est lié à la forte prévalence des hépatites virales B ou C qui sont le plus souvent contractées à la naissance par la transmission mère-enfant.

La survie globale des malades atteints du cancer primitif du foie au Burkina reste actuellement très faible, la médiane de la survie étant généralement de l’ordre de quelques mois. Cela tient au fait que la majorité des malades est vue à un stade tardif.

Quelle est la différence entre cirrhose du foie et cancer du foie ?

La cirrhose du foie est un état précancéreux, elle n’est pas un cancer, mais elle est susceptible d’évoluer en cancer du foie (dans un délai plus ou moins long), car 90% des personnes atteintes d’un cancer primitif du foie ont un foie cirrhotique ; ce qui fait de la cirrhose le premier facteur de risque de cancer primitif du foie.

Quels sont les signes d’un cancer du foie ?

Le cancer du foie reste souvent sans signe pendant une longue période. Petit à petit, le foie n’arrive plus à assurer diverses fonctions de manière suffisante, et des signes de son dysfonctionnement apparaissent.

Les symptômes précoces possibles sont des douleurs dans l’abdomen, une perte de poids inexpliquée (amaigrissement), un manque d’appétit, des nausées, une fièvre persistante, une baisse des performances intellectuelles ou autres. Cependant, ces symptômes ne sont pas typiques du cancer du foie et peuvent être présents dans bon nombre de pathologies.

A un stade tardif, les symptômes possibles sont une coloration jaunâtre des yeux et de la peau, une augmentation du périmètre de l’abdomen par accumulation de liquide, une enflure ou une bosse palpable sous les côtes, des vomissements de sang, une confusion mentale avec souvent des délires, l’apathie. Ces symptômes non plus ne sont pas spécifiques au cancer du foie, d’où la nécessité de consulter très tôt un médecin ; malheureusement, la majorité des patients que nous recevons en consultation est constituée de près de 75 à 80 % de cas à des stades avancés.

Quels en sont les facteurs de risque ?

Certains facteurs peuvent augmenter le risque d’être atteint du cancer primitif du foie. Ce sont :

- la cirrhose du foie : qu’elle soit liée aux hépatites virales (B ou C) ou à l’alcool, elle constitue le premier facteur de risque de cancer primitif du foie ;

- les hépatites virales B et C : parce qu’elles provoquent une inflammation chronique du foie susceptible d’évoluer en cirrhose. Elles sont responsables de 90% des cas de cancer primitif du foie au Burkina, d’où l’intérêt de la prévention par une meilleure hygiène de vie et la protection.

- la consommation excessive d’alcool (et de tabac) : une consommation répétée et à long terme de boissons alcoolisées constitue en Europe le principal facteur de risque d’une cirrhose et donc d’un cancer du foie primitif.

La consommation d’un à plusieurs verres de boissons alcoolisées par jour, même si elle n’entraîne pas de dépendance à l’alcool (comme c’est le cas dans beaucoup de pays africains) est également considérée comme un facteur de risque. Il n’y a pas de règle fixe quant à la quantité d’alcool que l’on peut consommer sans endommager le foie. Les différentes façons dont l’alcool est traité par le corps sont influencées par des facteurs comme l’âge, le sexe, le poids corporel et des facteurs génétiques : selon l’OMS, le seuil de consommation d’alcool autorisé est de 30 grammes par jour chez l’homme, 20 grammes par jour chez la femme, pas plus de 40 grammes en une seule fois, zéro chez la femme enceinte et au moins un jour d’abstention par semaine. Par exemple pour une consommation journalière de 2 bouteilles de 65 centilitres de bière produite par nos brasseries à 4 ou 5 degrés d’alcool, on consommerait entre 40 et 50 grammes d’alcool, largement au-delà des limites recommandées par l’OMS.

- le foie gras, appelé stéatose hépatique. C’est la surcharge du foie en graisse. Tout comme l’excès d’alcool, le surpoids, le diabète et le manque d’exercice peuvent entraîner une surcharge graisseuse des cellules du foie. Dans bien des cas, l’inflammation est d’abord asymptomatique. Par la suite, elle évolue vers une cirrhose ou un cancer du foie.

- l’ingestion d’aflatoxines : l’aflatoxine est une substance toxique produite par une moisissure (champignon) qui se développe lors du stockage inapproprié d’aliments dans les pays chauds et humides d’Afrique, d’Asie et d’Inde. Les aflatoxines peuvent être présentes dans les aliments tels que les noix, les arachides, le maïs, le riz, les figues et les aliments secs, les épices, les huiles végétales brutes et les fèves de cacao suite à une contamination, par le champignon, avant et après la récolte. Ce sont des substances cancérigènes avérées pour l’homme. Ingérée régulièrement, cette substance crée des lésions au niveau du foie qui évoluent en cirrhose et en cancer primitif du foie.

- l’utilisation d’hormones sexuelles telles que les androgènes et les œstrogènes peut facilement développer une tumeur bénigne du foie pouvant évoluer vers un cancer primitif du foie comme on a pu le constater très nettement chez certaines femmes sous pilule contraceptive.

Chez les hommes, on associe le risque accru de cancer primitif du foie à la prise d’androgènes présents dans les anabolisants que certains sportifs utilisent pour accroître leurs performances physiques dans le cadre d’un dopage.

Y a-t-il un traitement ?

Oui. Les cancers du foie primitifs et secondaires peuvent être traités par l’ensemble de l’arsenal thérapeutique, c’est-à-dire la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. La chirurgie est très souvent incontournable, mais elle n’est pas toujours possible. Elle peut aller de l’ablation partielle du foie (où se trouve la tumeur) à une greffe du foie, c’est-à-dire au remplacement du foie malade par un foie sain, prélevé sur un donneur, vivant ou décédé.

Depuis quelques années, sous l’impulsion de la direction des services médicaux, l’équipe chirurgicale du Centre hospitalier universitaire Blaise Compaoré pratique cette chirurgie des cancers du foie sauf celle de la greffe ; malheureusement, la majorité des patients nous arrive à un stade déjà avancé où la chirurgie n’est plus possible. Parmi les patients qui ont fait le diagnostic à un stade précoce, une vingtaine a été opérée avec succès à l’hôpital Blaise Compaoré et avec un recul de 2 ans, plus de la moitié des opérés sont vivants.

Actuellement, au sein du CHU Blaise Compaoré, en vue de faire de cet hôpital un pôle d’excellence et d’innovation, il y a un projet de création d’une unité de chirurgie du foie, du pancréas, de la greffe de foie et du rein qui doit en principe voir le jour d’ici 2020. C’est le lieu ici d’inviter les décideurs et les bonnes volontés à soutenir ce projet ambitieux qui permettra d’offrir des prestations de qualité en matière de chirurgie hépatobiliaire, pancréatique et de greffe d’organe.

Peut-on en guérir ?

Tout dépend du stade auquel le diagnostic est fait et du traitement. A un stade précoce, lorsque le cancer est traité par ablation partielle du foie (où se trouve la tumeur) ou par greffe du foie, la survie médiane après 5 ans, c’est-à-dire la probabilité de survivre au cancer en l’absence d’autres causes de décès, est d’environ 70% ; ce qui veut dire qu’en moyenne, environ 70% des personnes diagnostiquées d’un cancer du foie à un stade précoce et qui ont été traitées convenablement survivront 5 ans ou plus. Par contre dans les stades avancés, la survie médiane est de l’ordre de 3 mois à 20 mois ; en d’autres termes, chez les personnes atteintes d’un cancer du foie à un stade avancé, la survie ne dépasse pas 20 mois.

Des conseils pour éviter le cancer du foie ?

La prévention du cancer du foie repose sur la lutte contre la consommation d’alcool et de tabac, contre l’obésité et sur le renforcement des moyens de lutte contre la transmission des virus des hépatites B et C.


Alima Séogo / Koanda
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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