C’est une conférence de presse aux allures d’assemblée générale qui a eu lieu dans la salle des fêtes jouxtant la mairie de Saponé hier 14 décembre 2017. Cette enceinte a, en effet, été investie par les sympathisants du maire Abdoulaye Compaoré qui ne voulaient pas manquer le moindre détail de cette rencontre avec les journalistes. Accompagné de trois autres membres du bureau du conseil municipal, l’édile a évoqué les circonstances dans lesquelles il s’est présenté contre le candidat officiel de son parti (MPP), Idrissa Ouédraogo, le maire sorti. S’exprimant sur la trahison dont l’accuse le camp adverse, il a reconnu plutôt n’avoir pas respecté une consigne. Il se dit d’ailleurs prêt à en assumer les conséquences mais ne veut pas que cette «indiscipline» se répercute sur toute la population.
Le 28 mai 2017, dix-sept communes du Burkina Faso reprenaient leurs élections municipales parce que la mise en place des exécutifs locaux avait été émaillée d’incidents qui empêchaient leur fonctionnement. Si, à l’issue de ces scrutins, on n’entend plus beaucoup parler de crises au sein des collectivités concernées, ce n’est pas le cas à Saponé. Le signe manifeste de cette guéguerre entre militantes et militants du même parti a été l’incendie de la mairie dans la nuit du 7 au 8 décembre dernier.
L’actuel maire, Abdoulaye Compaoré, lui, a voulu se justifier sur les raisons qui l’ont motivé à se présenter contre l’ex-bourgmestre, Idrissa Ouédraogo. Il a expliqué qu’après la reprise des élections communales, son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), s’en est tiré avec 44 conseillers contre 29 pour l’Union pour le progrès et le changement (UPC) et 7 pour le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
Cette position de force aurait conduit certains responsables du parti du Soleil-levant à poser des actes qui ne sont pas de nature à renforcer l’union des filles et fils de la localité. «Très curieusement, et contre toute attente, une opération manifeste d’immixtion dans les affaires locales a été entreprise par des personnes haut placées dans la hiérarchie du parti. Bien avant que le Conseil d’Etat ait validé les résultats du scrutin, une délégation venue de Ouagadougou a usé de stratagèmes pour imposer des primaires aux conseillers pour la désignation d’un candidat au poste de maire. Le but de cette manœuvre était plus qu’apparent : remettre en selle l’ancien maire, Ouédraogo Idrissa », a-t-il déclaré.
A en croire l’édile, ces primaires organisées au forceps sont à la base des profondes divergences qui ont éclaté au grand jour. Il a expliqué que 12 des 44 conseillers MPP se sont opposés aux résultats des primaires en affirmant à l’émissaire qu’ils n’étaient pas disposés à voter de nouveau pour le maire sorti, eu égard à ses agissements qui ont conduit à la dissolution du conseil précédent. Ils auraient dit ouvertement qu’ils soutiendraient n’importe quel candidat, soit-il de l’opposition. C’est dans ce contexte, «après mûre réflexion», que lui, Abdoulaye Compaoré, a accepté de répondre aux sollicitations d’élus locaux et d’habitants en se présentant contre le candidat désigné.
«Nous prenions toute la mesure de notre acte qui, s’il pouvait être perçu comme un manquement aux règles du parti, n’en demeurait pas moins une porte de sortie honorable pour tous. Les élections ont conforté notre position d’autant plus que, sur les 80 votants, 45 nous ont accordé leur suffrage, donc leur confiance», a-t-il affirmé. Et de s’inscrire en faux contre un terme récurrent dont l’accable le camp d’en face : la trahison. « Je n’ai pas respecté certaines règles du parti, mais je n’ai pas trahi. Dire que j’ai trahi, c’est comme si j’avais manœuvré de sorte que la mairie se retrouve entre les mains de l’opposition. J’ai fait gagner le MPP au contraire », a-t-il affirmé. Pour lui, s’il y a acte d’indiscipline, il en est le principal responsable et, par conséquent, c’est lui qui doit subir les sanctions au lieu que cette affaire interne au parti se répercute sur toute la population.
Concernant l’incendie du bâtiment administratif de la mairie, Abdoulaye Compaoré a précisé qu’il n’y a pas encore de bilan exhaustif des dégâts. En attendant, il a assuré que tous les bureaux n’ont pas été léchés par les flammes. Ceux qui ont été touchés sont le bureau du secrétaire général (un réfrigérateur, un ordinateur, une imprimante, le bureau, tout a cramé). En plus, dans le bureau des deux secrétaires, chacune avait un ordinateur, une imprimante ; il s’y trouvait également une photocopieuse et des armoires qui contenaient des documents, tous réduits en cendres. Malgré les dégâts des flammes, il a martelé que la mairie était toujours capable de délivrer des actes de naissance.
Au moment où nous tracions ces lignes, la nouvelle est tombée : le conseil municipal de Saponé a été dissous par le Conseil des ministres tenu le même jour (lire page…). Ainsi, il s’agit de la deuxième fois qu’intervient une décision pareille après celle du 1er mars 2017. Une manière certainement pour le gouvernement de siffler la fin de la récréation.
Aboubacar Dermé