Le comité de suivi de l’accord de Ouagadougou s’est réuni le lundi 22 juillet dans la capitale malienne. Représentants de l’Etat malien et des rebelles touaregs se sont retrouvés autour de la table pour examiner l’application sur le terrain de l’accord de Ouagadougou. Au menu de la réunion, on s’en doute bien, la question brûlante de la sécurité et de la réussite des élections du 28 juillet dans le Nord du Mali. On sait, en effet, que l’une des clés de voûte de cet accord, qui aura permis l’arrêt des combats dans le Nord-Mali, est l’article 18 qui recommande, en substance, la libération de tous les prisonniers politiques touaregs détenus par les autorités maliennes, dès la signature de l’accord. Le MNLA, pour sa part, devait arrêter les combats, accepter le cantonnement de ses combattants et permettre l’organisation des élections dans la zone qu’il revendique.
A quoi jouent Dioncounda et son gouvernement de transition ?
Sur le terrain, la bonne foi des ex-rebelles touaregs, par rapport à cet accord, ne semble souffrir d’aucun doute. Ces derniers donnent des gages tous azimuts de leur volonté de tenir jusqu’au bout l’engagement qu’ils ont pris à Ouagadougou. Un des responsables touaregs, qui a participé à cette réunion de suivi, affirme d’ailleurs, comme pour convaincre les derniers saints Thomas : « Nous avons accepté officiellement l’élection et nous ne voulons pas porter préjudice à ce processus ». Ceux sur qui la communauté internationale, dans son ensemble, a jeté l’opprobre il y a quelques mois, sont donc revenus à des sentiments plus civilisés. C’est une attitude qui les honore à plus d’un titre ; respecter la parole donnée est la meilleure manière de montrer son intégrité.
Qu’en est-il alors du côté de Bamako ? Le moins que l’on puisse dire est que les autorités de Bamako ne semblent pas pressées de respecter les engagements qu’elles ont pris. En effet, le gouvernement malien, jusque-là, fait la sourde oreille dès qu’il s’agit de la libération des touaregs, prisonniers de l’armée malienne. Mieux, Bamako veut relire entre les lignes du texte objet de l’accord, et lever de ″petits poux″ qu’il n’avait pas jugé nécessaire de faire à Ouagadougou. En effet, quand le MNLA rappelle à Bamako l’engagement qu’il a pris à Ouagadougou de libérer les prisonniers politiques touaregs, Bamako parle plutôt d’interprétation abusive de l’accord de Ouagadougou. Pour lui, seuls les combattants capturés durant le conflit pourront être libérés. Ainsi donc, Bamako commence à prendre des distances par rapport à l’accord de Ouagadougou. Pourquoi donc une telle attitude ? Pourquoi ce revirement à 90 degrés alors que la situation semble bien en voie de normalisation ? A quoi jouent Dioncounda et son gouvernement de transition ? C’est sans doute dans le rapport de force sur le terrain qu’il faut aller chercher les réponses à ces différentes interrogations.
En effet, sur le terrain militaire, l’intervention rapide et efficace de l’armée française, appuyée par les soldats tchadiens, a détruit combattants et matériels militaire des touaregs, réduisant largement leur capacité opérationnelle. Le reste de la communauté internationale, la CEDEAO en tête, puis les Nations unies, ont porté le coup de grâce à ces intrépides soldats qui semblaient avoir oublié que la maîtrise du désert n’est plus une garantie pour gagner une guerre en ce siècle des radars et des drones. Le Mali est donc conscient de cet anéantissement de l’armée touarègue, et en profite, sans doute, de la façon la plus honteuse. Après tout, un accord est un accord et, quand on a eu le courage de le signer, ou quand on a manqué de courage de le dénoncer, on doit avoir, sinon le courage, du moins la décence de le respecter. Mais Bamako semble désormais indifférent à tout cela.
Face à cette mauvaise foi manifeste, les observateurs de la scène politique malienne sont fondés à se demander jusqu’où peut aller Bamako dans sa forfaiture.
Et si le récent enlèvement des agents électoraux n’était qu’un scénario mis en scène par Bamako pour se donner des raisons de ne pas appliquer l’accord qu’il a signé ? Si tel est vraiment le cas, il faut dire que Bamako joue à un jeu trouble qui pourrait compromettre les incontournables négociations de l’après-élection et compliquer ainsi la tâche au futur président. Mais sait-on jamais, c’est peut-être, là, l’intention inavouée de Dioncounda et de son gouvernement de transition. On sait, en effet, que les populations noires ont été traumatisées par les exactions que leur ont fait subir le MNLA, du temps de son alliance perverse avec AQMI, le MUJAO et autres, et elles ont encore de la peine à pardonner à leurs bourreaux d’hier. Dioncounda aurait-il peur de ne pas être pardonné demain, pour avoir pardonné aujourd’hui ? Sans doute. Il préfère plutôt laisser ce dossier sur la table du futur locataire du palais de Koulouba, quitte à ce que l’histoire retienne de lui, qu’il aura été le président malien qui a manqué de courage pour appliquer un accord qu’il a lui-même paraphé.
Souhaitons néanmoins que l’esprit de courage des valeureux rois du grand Manding l’inspire afin qu’il reconsidère sa position et prenne ses responsabilités. A moins qu’il ne soit de ceux qui considèrent que fuir devant l’adversaire est aussi une forme de courage.