La Commission d’enquête parlementaire sur la réalisation d’infrastructures publiques et l’acquisition d’équipements par les Maîtrises d’ouvrages déléguées (CEP-MOD), mise en place le 26 mai 2017, a livré les résultats de ses investigations. Au total, les parlementaires ont épinglé 57 entreprises comme étant les pires en termes d’exécution de travaux publics, et détecté 502 chantiers en souffrance, des ouvrages mal exécutés, et le comble, l’absence totale de sanctions contre les fautifs ou des sanctions non suivies d’effet. La présentation du rapport de cette enquête a eu lieu le 7 décembre dernier à l’hémicycle.
Les résultats des enquêtes parlementaires se suivent et se ressemblent. La dernière diligentée sur la réalisation d’infrastructures publiques et l’acquisition d’équipements par les Maîtrises d’ouvrages délégués, laisse les députés sans voix : « Ce que nous avons vu est très catastrophique, très inquiétant, très écœurant, consternant pour notre pays », a dit le député Moussa Tindano, président de la Commission d’enquête parlementaire sur la réalisation d’infrastructures publiques et l’acquisition d’équipements par les Maîtrises d’ouvrages déléguées (CEP-MOD). Cette commission avait, entre autres, pour missions de vérifier la conformité de la réalisation des infrastructures et de l’acquisition des équipements par la maîtrise d’ouvrage déléguée (MOD) aux dispositifs législatifs et réglementaires, relever les insuffisances et irrégularités liées aux MOD de 2010 à 2016 et évaluer le manque à gagner pour l’Etat en termes de ressources financières à recouvrer liées aux pénalités. Au total, durant la période consacrée à l’enquête, la CEP-MOD s’est rendue dans les 13 régions du Burkina, a visité 166 infrastructures et équipements et entendu 598 personnes représentant 109 structures.
La première entité épinglée par la CEP-MOD n’est autre que les maîtrises d’ouvrages déléguées.
En rappel, la MOD est une technique par laquelle l’Etat recrute une personne morale de droit public ou de droit privé et met à sa disposition des fonds publics pour la réalisation d’ouvrages publics ou l’acquisition d’équipements. Malheureusement, note le rapport, nombre d’entre elles font preuve de complaisance dans l’exécution de leurs marchés. Ce qui entraîne de lourdes conséquences dans la réalisation des infrastructures publiques et l’acquisition des équipements. Le rapport d’enquête relève en matière d’infrastructures, que 502 chantiers sont actuellement en souffrance. A côté de cette triste réalité, les enquêteurs ont noté le fait que des salles de classe s’écroulent quelque temps après leur réalisation. Par exemple, l’école de Pê dans la commune de Koumbia, réalisée en 2016 grâce aux fonds alloués par l’Etat, « s’est effondrée comme un château de cartes au grand dam des élèves qui devraient y fréquenter », relate le rapport. Le bâtiment du CEG de Komki-Ipala a été construit en 1999. Sur place, relève le rapport, on ne constate que des ruines du bâtiment, aucun mur ne tient encore debout et il n’y a que des débris du bâtiment visibles sur place.
Il est temps pour l’Etat de prendre des sanctions suivies d’effet
Dans le même sillage, le cas de la construction du dortoir de l’ENEP de Bobo-Dioulasso illustre, selon les enquêteurs, la défiance que certains entrepreneurs peuvent entretenir vis-à-vis de l’Etat. Ce chantier de réalisation du dortoir a débuté en 2013 pour un délai de réalisation de huit mois. Force est de constaté que jusqu’à ce jour, le bâtiment est loin d’être achevé du fait de l’entrepreneur qui, après avoir perçu l’essentiel des fonds, a traîné dans les travaux. L’Etat a décidé de résilier le contrat. Convoqué à maintes reprises par voie d’huissier, l’entrepreneur (entreprise ECOBAR Sarl) reste jusqu’à ce jour injoignable. 57 entreprises ont été citées dans le rapport, comme fautives. « Ce nombre ne concerne que les entreprises dont les actes ont été constatés par la commission », précise la CEP-MOD. En tout et pour tout, le rapport relève des chantiers abandonnés ou suspendus, des chantiers qui n’ont pas connu de début de réalisation après plusieurs années de signature de convention, des réalisations présentant de graves malfaçons avant même la réalisation définitive, des ouvrages qui s’écroulent en moins d’une année de réalisation, des équipements défectueux ou non utiles livrés à plusieurs établissements scolaires et sanitaires. La conséquence de cette situation déplorable, selon Moussa Tindano, est que ces infrastructures anéantissent les efforts d’investissement alors qu’elles engloutissent d’importantes ressources, pendant que la plupart de celles réalisées depuis les indépendances résistent toujours au temps et aux intempéries.
A qui la faute ? Pour les enquêteurs, cette situation dramatique est imputable à l’ensemble des acteurs du domaine de la MOD que sont les maîtres d’ouvrages, les maîtres d’ouvrages délégués, les entreprises, les bureaux de contrôle, et parfois aux populations bénéficiaires. En tous cas, la CEP-MOD invite l’Etat à prendre des décisions urgentes pour sauver ces innombrables chantiers en souffrance. Elle invite par ailleurs l’Etat à prendre des sanctions utiles. « A ce titre, le cumul des pénalités appliquées aux entreprises et non reversées à l’Etat sur la base des déclarations faites par les MOD se chiffre à 2 574 670 140 F CFA », regrette le député Moussa Tindano.
Ousmane TIENDREBEOGO (Collaborateur)
La liste des entreprises épinglées par le rapport
Les manquements constatés par la CEP-MOD sont de plusieurs ordres. Il s’agit:
- des malfaçons;
- abandons de chantiers;
- non-respect des délais;
- livraison d’équipements non fonctionnels.
Ces entreprises, au nombre de 57, ne sont pas les seules, mais leurs actes ont été constatés par la Commission d’enquête.
Entreprises/personnes
Physiques
1 - EON
2 - ETABLISSEMENT BOUDA SOUMAILA
(EBS)
3 - ENTREPRISE SPP-HL
4 - ENTREPRISE NETCOM
5 - GROUPEMENT ECBTP/PHOENY
6 - SCATP
7 - KAFANDO MAHAMADI
8 - SGMT
9 - Interface
10 - GTI International
11 - DANI
12 - BUREAU GTL International SARL
13 - NEDCOM SA
14 - BUREAU CADY
15 - JORAM SERVICES
16 - BCST
17 - ESDP
18 - GRETECH
19 - AIC/CINCAT
20 - BUREAU ENGINEERING SERVICE
21 - Afrique Génie
22 - TM DIFFUSION
23 - EGC/BZ
24 - CAFI-B
25 - EGCM
26 - Enviro Services
27 - Lambo services
28 - ENG
29 - COTRAP
30 - ECC-KAF
31 - COMPAGNIE AMSHA REPRESENTEE
PAR ROMBA ISSOUF
32 - AGENCE D’INGENIERIE CIVIL (AGIC)
REPRESENTEE PAR OUEDRAOGO
MAHAMADI
33 - EGCVM
34 - BAUPLAN
35 - ECOBAR SARL
36 - BUREAU MEMO
37 - EKS SA
38 - ANSWER’ARCHITECTE
39 - SY A ENTREPRISE ROUTE ET
CONSTRUCTION (SERC)
40 - OUEDRAOGO LASSANE INGENIEUR
GENIE CIVIL
41 - Agence d’assistance technique
Bâtiment-génie civil (ATEC)
42 - ECR
43 - SEREIN
44 - SERVICE PRESTIGE
45 - ARCOA
46 - KOYA REGIE SARL! GENERAL
BURKINABE DE CONSTRUCTION
(GBC)
47 - SOCIETE D’ETUDE ET DE REALISATION EN INGENIERIE SEREIN SARL)
48 - EMYSCO/ECODI SARL
49 - CICA BURKINA
50 - CABINET 3S
51 - CONSULTANT INDIVIDUEL : BAMA SAMUEL
52 - E.O.S/BTP
53 - BELLE BS
54 - OK/SGTM/GC
55 - AGEIM ingénieur conseil
57 - NEBIL TELECOM ET CONSTRUCTION (NTC)