Le 11 décembre 2017, la Haute Volta devenue Burkina Faso célèbre le 57e anniversaire de son accession à l’indépendance. Cette année, les festivités ont lieu à Gaoua, chef-lieu de la province du Poni, dans la région du Sud-Ouest. Le temps donc d’une journée, la cité de Bafuji qui a fait peau neuve à l’occasion, se transformera en capitale du pays des Hommes intègres où se déplaceront les plus hautes autorités du pays pour donner un éclat particulier à l’événement. Mais à côté des discours officiels et du traditionnel défilé civil et militaire qui donnent généralement à cette manifestation tout son caractère solennel, que retenir de ces 57 ans d’indépendance de notre pays ? Un regard rétrospectif permet de se rendre compte que malgré les efforts, les défis restent entiers. Et cela, à plusieurs niveaux.
Le pays est toujours à la recherche de ses marques
Sur le plan politique par exemple, l’histoire du pays a été assez mouvementée, avec de nombreux soubresauts qui se sont souvent traduits par une certaine instabilité institutionnelle. En témoignent le soulèvement populaire de 1966 qui a vu la chute du premier président du pays, Maurice Yaméogo, les nombreux coups d’Etat (du CMRPN au CNR en passant par le CSP I et le CSP II) qui ont émaillé la période des années 80 dont celui de 1987, l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a vu la chute du régime de Blaise Compaoré après 27 ans de règne, et le putsch manqué de 2015 du Général Gilbert Diendéré contre la Transition. Sur le plan économique, le Burkina, à l’instar de la plupart des pays africains, reste toujours fortement dépendant de l’aide internationale, traînant au fil des années des déficits budgétaires qui ne font qu’aller crescendo. L’autosuffisance alimentaire est toujours un mirage, avec une insécurité alimentaire rendue par moments plus accrue avec la mauvaise pluviométrie. Sur le plan social, la grande masse des populations croupit toujours dans la misère, avec l’espoir de lendemains meilleurs qui n’en finissent pas de se faire attendre. Le système éducatif est au plus mal, avec toujours des écoles sous paillotte et des universités qui sont pratiquement devenues des goulots d’étranglement, pendant que le secteur de la santé ne se porte guère mieux. Les infrastructures routières par lesquelles, dit-on, passe la route du développement, peinent à exister véritablement faute de bonnes routes, et en hivernage, c’est la croix et la bannière pour rejoindre certaines localités. Pendant ce temps, la corruption, les détournements de deniers publics, l’absentéisme et plus récemment l’incivisme, ont fini de faire leur lit au sein de l’Administration publique et la société burkinabè. Bref, autant de maux qui minent notre société et qui ont sérieusement nui au développement du pays au point que 57 ans après l’indépendance, le pays est toujours à la recherche de ses marques. Et l’on continuerait à citer les exemples que l’on ne pourrait pas les épuiser. Pour tout dire, les chantiers restent énormes. Mais au milieu de toute cette grisaille, le peuple burkinabè a su prouver qu’il a une histoire et qu’il est loin d’être un peuple résigné. Un peuple qui refuse la fatalité, et qui a su, par deux fois au moins, se débarrasser de dirigeants qui ne répondaient plus à ses aspirations : en 1966 avec Maurice Yaméogo et en 2014 avec Blaise Compaoré. Sans oublier l’épisode de la résistance héroïque au putsch manqué de septembre 2015. Ce peuple a aussi su montrer qu’il peut prétendre au label démocratique, notamment avec la mise en ballotage du président Sangoulé Lamizana par Macaire Ouédraogo lors de la présidentielle de 1978, et l’épisode de la Transition qui a débouché sur des élections qui ont été saluées par le monde entier, pour leur exemplarité sur le continent africain.
L’Afrique ne peut pas cracher sur l’aide des pays occidentaux, mais a plus besoin de rapports commerciaux équilibrés
Mais il reste encore au pays à s’imposer véritablement sur le plan international. Car, malgré les manifestations internationales comme le FESPACO ou le SIAO, le Burkina Faso reste encore et surtout connu à l’extérieur par le pic de la révolution de Thomas Sankara qui a su réhabiliter l’image du pays et restaurer la dignité du peuple d’une part, et d’autre part par l’insurrection populaire d’octobre 2014 où il a prouvé à la face du monde, sa capacité à décider de sa destinée. Mais tout cela reste largement insuffisant et dans l’ensemble, les Burkinabè ne peuvent pas se réjouir de leur état de développement actuel. Car, ils restent un pays en voie de développement, pour ne pas dire un pays sous développé. Et c’est là que réside le véritable défi à relever. Peut-être faudrait-il, pour cela, changer de paradigme dans nos rapports avec l’extérieur, surtout en ce qui concerne l’utilisation de l’aide au développement, pour que celle-ci puisse véritablement profiter aux populations à la base. A ce propos, l’on ne peut qu’être d’accord avec le président ghanéen, Nana Akuffo Addo, qui a fait comprendre en substance au président français, Emmanuel Macron, alors en visite dans son pays, que l’Afrique ne peut pas cracher sur l’aide des pays occidentaux, mais a plus besoin de rapports commerciaux équilibrés pour pouvoir tirer véritablement profit de l’exploitation de ses immenses richesses naturelles à l’effet de lancer son propre développement. Le Burkina Faso gagnerait à s’inscrire dans ce même état d’esprit. En tout état de cause, plus de 50 ans après les indépendances, il est temps pour les pays africains dont le Burkina Faso, de prendre véritablement leur destin en main pour assurer leur développement endogène. Pour cela, ils devraient pouvoir jouer sur certains leviers comme le développement du secteur tertiaire à travers l’industrialisation, et la transformation de leurs matières premières pour prendre leur envol. Autrement, tant qu’ils continueront à compter sur l’extérieur, ils ne connaîtront jamais le progrès véritable car, ce n’est ni plus ni moins qu’une façon de dormir sur la natte d’autrui, avec tous les risques et les conséquences que cela comporte.
« Le Pays »