En Egypte, la couleur dominante, c’est désormais le rouge. Le rouge du sang des nombreux morts dus aux affrontements entre pro et anti Morsi et aux attentats non encore élucidés. Depuis le coup d’Etat contre le président démocratiquement élu, Mohamed Morsi, l’Egypte sombre en effet peu à peu dans une crise très grave. Si ce ne sont pas des militaires qui tirent dans le tas, ce sont des manifestants qui s’affrontent violemment, ou des militaires ou policiers qui périssent dans des attentats. Près de 170 personnes sont mortes dans les troubles et une quarantaine d’autres tuées dans le Sinaï. Pour ne rien arranger, le chef de l’armée, le général al-Sissi, vient d’appeler les Égyptiens à descendre dans la rue vendredi prochain pour lui "donner mandat" contre "la violence et le terrorisme". Ce sont les prémices d’une guerre civile. Si la tendance actuelle n’est pas rapidement inversée, il faut craindre pour l’Egypte, dont la révolution démocratique, pourrait virer au cauchemar. Avec une Libye devenue Etat-néant et une Tunisie au calme précaire, le basculement de l’Egypte dans l’instabilité, la violence, voire la guerre civile, mettrait en danger le fragile équilibre géopolitique sous- régional. Car dans cette Afrique du Nord tourmentée et agitée dans tous les sens, seuls le Maroc et l’Algérie constituent encore des havres de tranquillité. Mais jusqu’à quand le resteront-ils, si le plus grand pays arabe plonge chaque jour davantage dans la chienlit ?
Comme quoi, le coup d’Etat militaire contre Morsi, censé ramener la paix en Egypte, a provoqué une autre crise, encore plus inquiétante. En effet, les partisans du président déposé par l’armée ne baissent pas les bras. Au contraire, ils maintiennent la pression à travers des manifestations quotidiennes. Cette ténacité des Frères musulmans est la résultante d’une longue histoire de désamour avec l’armée. Depuis toujours, ce mouvement social et politique a eu maille à partir avec l’institution militaire qui était le socle du pouvoir de Hosni Moubarak. La révolution du printemps arabe n’a visiblement pas assaini ces rapports houleux. Elle les a même aggravés, du fait de l’intransigeance des deux camps. Aujourd’hui, après avoir perdu le pouvoir conquis, il faut le reconnaitre, par la voie des urnes, et avoir subi de violentes attaques de l’armée, les Frères musulmans ont-ils décidé de passer à la lutte armée ? Pour le moment, le mouvement islamiste dément être derrière les attentats qui ensanglantent le pays. Les dernières attaques ont ainsi été condamnées par les partisans de l’ex-président Morsi. Alors à qui profite le crime ? Qui a intérêt à voir l’Egypte plongée dans un cycle de violences ? La question demeure posée.
Ce dont on est sûr, c’est que la situation en Egypte préoccupe la communauté internationale, à tel point que l’OIF (Organisation internationale de la francophonie) a décidé d’y dépêcher une mission. Conduite par le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro cette mission devra permettre à l’OIF de se faire une idée claire de la situation en Egypte. En général, l’OIF sanctionne les pays où des coups d’Etat ont été perpétrés en les suspendant de ses instances. Tout comme l’Union africaine d’ailleurs, qui a pris un oukase contre l’Egypte, pour la rupture de l’ordre constitutionnel. Des pays comme la Guinée et le Mali ont ainsi eu à subir les foudres de l’OIF. Mais on sait que ces sanctions n’ont jamais découragé les apprentis putschistes. La République centrafricaine a vu son président élu bouté hors du pouvoir par une rébellion. Le dernier coup de force en date, en Afrique, a cette particularité d’avoir été tolérée par les grandes puissances. L’OIF est donc devant une sorte de jurisprudence qu’elle aura du mal à trancher. Son chef de mission a d’ailleurs donné le ton de cet embarras, en déclarant que « la situation en Egypte est complexe ». Bref, l’Egypte est un nouveau cas d’école (malheureusement dramatique) dans les soubresauts démocratiques que connait l’Afrique .