Chantiers abandonnés, infrastructures sinistrées du fait de la mauvaise réalisation ou inadaptées aux besoins réels. Ce sont, entre autres, les insuffisances relevées par la Commission d'enquête parlementaire sur la réalisation d'infrastructures publiques et l'acquisition d'équipements par les maîtrises d'ouvrage déléguées (CEP-MOD) qui a rendu ses conclusions le 7 décembre 2017.
C'est le 23 mai 2017 que la Commission d'enquête parlementaire sur la réalisation d'infrastructures publiques et l'acquisition d'équipements par les maîtrises d'ouvrage déléguées (CEP-MOD) a été créée, composée de 10 membres, soit 6 de la majorité et 4 de l'opposition. Elle avait, entre autres objectifs : vérifier la conformité de la réalisation des infrastructures et de l'acquisition des équipements par la MOD aux dispositifs législatifs et réglementaires ; vérifier l'état d'exécution des conventions approuvées de 2010 à 2016 ; relever les insuffisances et irrégularités liées aux MOD de 2010 à 2016 et situer les responsabilités des acteurs intervenant dans le processus.
Mais qu'est-ce que la maîtrise d'ouvrage déléguée ? C'est une technique par laquelle l'Etat recrute une personne morale de droit public ou de droit privé et met à sa disposition des fonds publics pour la réalisation d'ouvrages publics ou l'acquisition d'équipements. Avant cette formule, l'Etat réalisait directement lui-même ses ouvrages publics. C'est dans ce sens que l'agence Faso Baara a été créée en 1991. S'en sont suivis, pour des impératifs de libéralisation, d'autres agences publiques ou privées comme AGETEER, AGETIB, FOCUS SAHEL, SOGEMAB, SONATER, Faso KANU, AGEM, PLAN BURKINA...
Malgré le recours à celles-ci, la corruption et le laxisme limitent les bons résultats sur le terrain ; d'où l'enquête menée par les députés.
Selon le président de la commission, Moussa Tindano, 598 personnes représentant 109 structures ont été entendues dans les 13 régions du pays, et 166 infrastructures et équipements visités. Les incohérences constatées dans le fonctionnement des MOD sont nombreuses (voir encadré).
Conséquences : biens des infrastructures effondrées, des chantiers abandonnés et des réalisations de qualité douteuse : ainsi, 502 chantiers en souffrance ont été enregistrés, et sur un échantillon de seulement 11 ouvrages, l'Etat a subi un préjudice de plus de 5 milliards de nos francs et 2,5 milliards sous forme de pénalités liées à la mauvaise réalisation des infrastructures, soit un total de plus de 7 milliards.
«Cette situation illustre à souhait l'irresponsabilité et l'inconséquence des acteurs qui interviennent dans le processus de réalisation des ouvrages publics. Elle interpelle au plus haut point non seulement la représentation nationale mais aussi la communauté entière à une prise de conscience collective afin qu'il soit légué non seulement à la génération présente mais aussi à celle future des infrastructures de qualité», ont souligné les enquêteurs avant de noter : «Les infrastructures ne durent pas dix ans, néanmoins les efforts d'investissement qui engloutissent de plus importantes ressources que celles réalisées depuis l'indépendance, par les ONG et certains partenaires, résistent au temps et aux intempéries.»
Les parlementaires ont formulé 21 recommandations dont : la réalisation d'un audit technique, financier et comptable de la MOD au Burkina Faso, l’institution d'un contrôle du contrôle, l'apurement du passif de la MOD et l'application des sanctions.
Abdou Karim Sawadogo