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Ram Ouédraogo, homme politique : « La politique est cynique et parfois ses acteurs sont inhumains et sans cœur »
Publié le mercredi 6 decembre 2017  |  Le Pays
Ram
© Autre presse par DR
Ram Ouédraogo, fondateur du Rassemblement des écologistes du Burkina Faso (RDEB)




Ram Ouédraogo, bien qu’ayant pris sa retraite politique, reste un observateur avisé de l’actualité de son pays, le Burkina Faso. Dans le cadre de sa rubrique hebdomadaire « Mardi Politique », le journal est allé à sa rencontre. Plusieurs sujets ont été abordés. Nous vous invitons à parcourir ces lignes pour découvrir le contenu de nos échanges. Ndlr : Il n’y a pas eu de relances car l’interviewé a préféré répondre par écrit.

« Le Pays » : Que devient Ram Ouédraogo ?

Ram Ouédraogo : Je suis là et je mène mes activités dans le silence et la discrétion, dans le cadre de la Fondation Or que j'ai créée. Et je suis très souvent en voyage hors du pays.

Vous venez d’être porté à la vice-présidence des Verts Mondiaux. En quoi consiste votre mission ?



Ma mission en tant que Vice- président mondial des Verts consiste, entres autres, à faciliter et à promouvoir les Verts mondiaux pour atteindre les objectifs énoncés dans notre Charte, les statuts et les politiques connexes ; conseiller et soutenir la Coordination des Verts mondiaux, la Présidente et le Secrétariat dans l'exercice de leurs responsabilités ; soutenir la coordination des Verts mondiaux afin d'avoir une compréhension, une analyse et un débat politique suffisants pour assurer une mise en œuvre optimale de leurs tâches ; faciliter une meilleure compréhension et collaboration entre les membres des Verts mondiaux, les fédérations mondiales et l'organisation des Verts mondiaux.

Comment en êtes-vous arrivé là ?


Comme vous le savez, cela fait près de 30 ans que je milite pour la protection et la sauvegarde de l'environnement et de notre planète. Je suis un pionnier de l'écologie politique en Afrique. A ce titre, j'ai parcouru l'Afrique et le monde et j'ai toujours été présent à tous les sommets des Verts mondiaux. Dans ce cadre-là, j'ai contribué à la création de la Fédération des Verts d'Afrique (FEVA) dont le siège se trouve ici, à Ouagadougou. C'est donc cette Fédération des Verts d'Afrique, soutenue par d'autres fédérations mondiales, qui a présenté ma candidature à ce poste lors du dernier sommet mondial tenu du 30 mars au 2 Avril 2017 à Liverpool en Angleterre. Après quelques mois de tractations, d'auditions et de sessions, la décision est tombée par un vote le 11 octobre dernier. Il faut préciser que toutes les Fédérations de tous les continents ont pris part au vote. Il s'agit de l'Afrique, l'Europe, les Amériques et l'Asie Pacifique. Ainsi, j'ai été élu Vice-Président et Mme Kéli Yen de l'Asie Pacifique, Présidente.

Pendant que vous accédez à ce haut poste, on constate que les écologistes sont de moins en moins visibles au Burkina. Comment expliquez-vous cela ?

Je ne saurais répondre à cette question car depuis que j'ai décidé de quitter la scène politique, j'avoue que je ne me suis plus intéressé aux questions touchant la politique. Par contre, au plan de l'écologie et du développement, je suis toujours sur le terrain.

Vous avez pris votre retraite politique. Est-ce le résultat d’une quelconque déception ?

Ma retraite politique n'a rien à voir avec une quelconque déception. J'ai estimé qu'après tant d’années dans ce domaine, il fallait passer la main et c'est ce que j'ai fait.

Après tant d’années de combat politique, que pensez-vous de la politique en général ?


Après trente années de combat politique, j'ai fini par me rendre à l'évidence que ce milieu n'est pas fait pour moi car être Ecologiste, c'est faire la politique autrement. Il y a des valeurs avec lesquelles on ne badine pas: à savoir l'honnêteté, le respect de la parole donnée, toujours œuvrer dans le strict respect de l'intérêt général. Durant tout mon parcours politique, j'ai essayé un tant soit peu de respecter ces valeurs et principes.

Quelles sont les actions que votre fondation a déjà posées ?



Concernant la Fondation Or, nous avons axé nos efforts sur la formation et cela de façon gratuite, une fois par semaine. Différents sujets sont abordés: les droits de l'Homme en passant par la paix, la non-violence, le civisme, la promotion de la démocratie, de la femme et du genre et la protection de l'environnement. Au plan social, nous octroyons des micros-crédits sans intérêts aux femmes pour leurs activités génératrices de revenus.



On dit de Ram Ouédraogo qu’il est très pingre. Qu’en dites-vous ?



Je ne sais pas si je suis pingre comme vous l'insinuez. Par contre, je puis vous dire que je suis un gestionnaire très rigoureux, je suis un travailleur acharné et je ne crois qu'aux vertus du travail. J'ai toujours pensé qu'il fallait donner les armes du combat pour que chacun se fasse une place au soleil. Je n'aime pas beaucoup les gens bien portants, qui aiment toujours tendre la main. J'ai horreur de la corruption sous toutes ses formes, que ce soit en politique ou dans la vie sociale tout court ; et je sais reconnaître et récompenser les mérites de ceux qui se battent chaque jour que Dieu fait pour sortir de leur misère et servitude.



Que pensez-vous de la gouvernance de Roch Marc Christian Kaboré depuis son arrivée au pouvoir ?



J'avoue que je ne m'intéresse pas aux activités politiques, surtout nationales. Il m'arrive quelquefois de suivre les informations. Sur la gestion du Président Roch Marc Christian Kaboré, il faut dire qu'il a du pain sur la planche, car il a beaucoup à faire dans une conjoncture très difficile, tant les attentes sont nombreuses. Vous savez, celui qui souffre veut voir tout de suite et maintenant la solution à ses problèmes. Mais je pense qu'il faut lui laisser encore un peu de temps et juger son bilan à l'orée de 2020.


On dit que l’argent ne circule plus au Burkina comme du temps de Blaise Compaoré. Qu’en pensez-vous ?



Je ne sais pas, comme on le dit, que l'argent ne circule plus comme au temps du Président Blaise Compaoré. Mais peut-être que les époques ont changé.



Quel est votre meilleur souvenir en politique ?



C'est vrai que mes meilleurs souvenirs en politique ne sont pas nombreux car depuis que je suis entré en politique dans les années 90 donc pendant l'Etat d'exception, ç’a été tout le temps des combats pour l'avènement de la véritable démocratie, la justice sociale et le bien-être pour tous. Le respect des principes et valeurs que j'ai toujours défendues. Et lorsque je revisite mon parcours politique de 1990 à 2005, cela n'a pas été un fleuve tranquille.



Quel est votre pire souvenir ?



Mon pire souvenir, je dirais mon grand challenge et combat a été le processus de réconciliation nationale, lorsque j'ai participé au Gouvernement d'ouverture en tant que ministre d'Etat chargé de la mise en œuvre des recommandations de la Commission pour la réconciliation nationale. Cela a été une mission très noble, mais ardue et délicate. Humainement, je me suis retrouvé face à la détresse de familles, d'enfants non scolarisés faute de moyens, des familles désarticulées et face à la douleur de ceux qui ont perdu des êtres chers. Sans oublier les crocs-en- jambe de politiciens de tout acabit opposés, pour des raisons qui leur sont propres, à l'apaisement social. J'ai dû batailler très dur pour réussir la mission qui m'était confiée car vu le contexte de l'époque, nous avons pu sauvegarder la paix. Mais j'avoue que j'ai consenti d'énormes sacrifices. Vous vous souviendrez d'ailleurs que dès que la mission s'est achevée, j'ai refusé de participer au Gouvernement suivant. La suite, vous la connaissez aussi, j’ai dû démissionner du parti que j'ai moi-même créé, face à des camarades frondeurs qui voulaient rejoindre la mouvance présidentielle.



Vous vous êtes rendu plusieurs fois à Abidjan. Avez-vous rendu visite une fois à Blaise Compaoré ?


Oui, j'ai eu l'occasion, une fois, de rencontrer le Président Blaise Compaoré lors d'un de mes voyages en Côte d'Ivoire et je pense le revoir si possible très bientôt, dans les prochains jours, quand je me rendrai dans ce pays pour des activités.



Quel est le meilleur schéma, selon vous, pour arriver à la réconciliation nationale ?



Je pense que le meilleur schéma pour parvenir à la réconciliation nationale véritable est de revisiter, de façon objective, sans parti pris, l'histoire politique de notre pays et non de façon sélective comme d'autres le pensent. Il faut savoir d'où nous sommes venus. Quels ont été les acquis et les insuffisances? Aujourd'hui, comme dans les années 2000, le Burkina Faso est à la croisée des chemins. La situation, telle qu'elle se présente, impose impérativement la réconciliation nationale comme une nécessité absolue, pour ne pas léguer à nos enfants et aux générations futures une société déchirée, faite de haine, de rancœurs et de règlements de comptes. Les 30 et 31 octobre 2014 sont venus rajouter de la peine à la peine et des rancœurs déjà trop prégnantes.



Et quels sont les obstacles à surmonter actuellement pour y arriver ?



Les obstacles à surmonter pour parvenir à une véritable réconciliation nationale sont nombreux, variés et divers. Peut-être qu'il faudrait commencer par le désarmement des cœurs, vaincre la méfiance, les suspicions, la classification des Burkinabè entre des bons et des mauvais comme cela s'est vu au temps de la révolution où il y avait les révolutionnaires et les réactionnaires. Le résultat vous le connaissez, c’est la fin de cette révolution par un dénouement des plus sanglants. Nous sommes tous des frères et devons tout faire pour vivre en frères, malgré certaines douleurs qui restent présentes dans nos cœurs et certains dans leur chair. Je ne voudrais pas donner des leçons ici à qui que ce soit, mais tant que l'esprit du pardon et de la tolérance n'habitera pas les fils et filles de notre pays, aucun pouvoir vivre-ensemble ne sera possible. Il est bon que tout le monde regarde dans la même direction sans renier le passé mais en privilégiant l'avenir. Car, notre génération passera et d'autres verront le jour. Peut-être qu'un grand forum regroupant toutes les forces vives de la Nation pourrait concilier les positions et je pense qu'à ce niveau, tout le monde peut être mis à contribution, surtout les autorités religieuses, coutumières, les personnes- ressources et toutes les bonnes volontés soucieuses de l'avenir de ce pays.


Justement, le 30 mars 2001, le Burkina a organisé la Journée nationale de pardon, censée réconcilier les Burkinabè entre eux. 16 ans après, le Burkina se retrouve, encore une fois, confronté à la question de la réconciliation nationale. Est-ce à dire que la journée du 30 mars 2001 n’a été qu’une farce politique ?



Si le 30 mars n'avait pas existé, il aurait fallu le décréter. Je pense humblement que le Burkina Faso aurait connu des moments plus difficiles et mêmes pires qu'aujourd'hui, c'est-à-dire le chaos et les violence. Remémorez-vous le contexte de l'époque, de l'assassinat de votre confrère Norbert Zongo, paix à son âme. Aujourd'hui, je peux dire que cela ressemble à une symphonie inachevée car, si tout le monde était sincère, on aurait fait l'économie de ce que nous vivons actuellement. Nous aurions gagné beaucoup de temps, évité de nouvelles fractures et de nombreux morts. Vous savez, la politique est cynique, et parfois ses acteurs sont inhumains et sans cœur. Car pour beaucoup, peu importe les conséquences, l'essentiel est d'arriver à ses fins, quel que soit le prix à payer. Contrairement à ce que vous pensez, organiser la Journée nationale de pardon n'a pas été une farce. Ce processus a permis à des familles de faire leur deuil, de se reconstruire, de scolariser des enfants abandonnés à leur sort et de ressouder un tissu social déchiré. Ce qui est dommage, c’est de compter beaucoup de nihilistes et de négationnistes dans notre pays. Ce sont eux qui se souviennent de ce qui les arrange et oublient dans un coin de leur tête ce qu'ils ne veulent ni entendre ni voir. Il y en a qui pensent que le Burkina Faso moderne a vu le jour les 30 et 31 octobre 2014. Le Burkina moderne a exactement 67 années d'histoire et on pourrait enseigner beaucoup de choses à certains. Le processus qui a conduit à la journée du 30 mars 2001, a connu de nombreux acquis, même si tous les problèmes n'ont pas été résolus. Je vous citerai un seul exemple, le mémorial construit à Ouaga 2000 où tout le monde va s'incliner pour les différentes commémorations, est le fruit de la Journée du pardon et bien d'autres choses que je ne soulignerai pas ici. Peut-être que l'occasion me sera donnée de revenir sur tout cela un jour.

Emmanuel Macron a choisi le Burkina Faso pour prononcer son discours à l’endroit de la jeunesse africaine. Quel commentaire cela vous inspire ?



Je pense que la visite du Président Macron est une bonne chose, dans la mesure où l'occasion a été donnée de l'écouter et de voir la vision nouvelle qu'il entend imprimer à la coopération entre la France, le Burkina et l'Afrique. Surtout les propositions, innovations et idées qu'il veut apporter pour redonner espoir à la jeunesse africaine d'une manière générale. Pour conclure, je voudrais remercier votre journal pour l'occasion que vous m'offrez de m'adresser à mes frères et sœurs de notre cher Faso que nous aimons tant.



Propos recueillis par

Ben Issa TRAORE
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