Le sommet de l’Union africaine et de l’Union européenne (UA-UE) s’est ouvert hier mercredi 29 novembre 2017 à l’hôtel Ivoire d’Abidjan. Cette 5e rencontre des dirigeants d’Afrique et d’Europe se tient pour la première fois en Afrique subsaharienne et regroupe 83 chefs d’Etat et de gouvernement. En cette première journée du sommet UA-UE, il a été essentiellement question des jeunes et de la situation en Libye.
Conscient qu’il faut « sauver » les jeunes, le sommet d'Abidjan se penche essentiellement sur ces derniers, dont les moins de 25 ans représentent 60 % de la population africaine. Ainsi donc, le thème choisi est : « Investir dans la jeunesse pour un développement durable ». Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a fait noter d’entrée de jeu que la jeunesse de la population africaine est un atout mais peut constituer un risque « si on n’offre pas à cette jeunesse la formation, l’emploi et l’espoir auxquels elle aspire légitiment ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, moins d’un jeune sur deux a accès au collège et moins d’un jeune sur quatre a accès au lycée, et l’enseignement technique accueille en moyenne moins de 10% des effectifs. » D’où la difficulté des jeunes à accéder à un emploi, selon le président du pays hôte du sommet. Il a soutenu qu’il faut des réformes courageuses et ambitieuses ainsi que des investissements importants pour y remédier. Saisissant l’occasion qui leur est donnée de s’exprimer, les représentants des jeunes africains et européens ont délié leur langue dans leurs plaidoyers. « Nous demandons aux chefs d’Etat d’Afrique de créer de meilleures conditions de vie aux jeunes », a soutenu la représentante de la jeunesse africaine, Francine Muyumba. C’est la condition pour retenir les jeunes sur le continent et les empêcher d’emprunter le chemin de l’immigration, a-t-elle expliqué. L’entrepreneuriat des jeunes constitue un levier puissant de la lutte contre le chômage. Il faut donc favoriser l’accès des jeunes aux financements, selon la représentante des jeunes africains. Sa « sœur » de l’Union européenne, elle, a demandé aux chefs d’Etats et de gouvernements d’aller au-delà des discours et de mener des actions concrètes en faveur des jeunes ; une parole qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd puisque le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, dans son allocution, a dit : « Sans un investissement lourd pour favoriser l’épanouissement intellectuel, sportif, culturel de la jeunesse, l’Afrique et l’Europe n’ont pas d’avenir. »
Des enquêtes concernant la traite des migrants en Libye…
Il faut dire que faute de perspectives, les jeunes sont de plus en plus enclins à prendre le chemin de l'immigration clandestine, voilà pourquoi le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a affirmé qu’il faut créer des opportunités pour les jeunes dans leurs pays, autrement ils seront piégés dans le cercle vicieux de l’immigration. Prenant les exemples de la traite des migrants en Libye et celui de l’immigration clandestine, le secrétaire général des Nations unies a souligné que tous les pays ont le droit et l’obligation de gérer leurs frontières de manière responsable et souveraine. « Mais ils doivent le faire dans le plein respect du droit international relatif aux réfugiés et aux migrants ». Il a poursuivi : « Nous ne mettrons pas fin aux tragédies en Méditerranée si nous ne créons pas d’opportunités significatives de migration légale. » Presque tous les intervenants à la conférence ont appelé à des enquêtes concernant la traite des migrants en Libye et exigé que leurs auteurs soient poursuivis pour crime contre l’humanité. En ce qui concerne la relation UA-UE, le président de la Commission de l’UE, Jean-Claude Juncker, a déclaré que si l’Afrique et l’Europe le veulent, elles peuvent faire de grandes choses ensemble. « Nous ne sommes pas ici pour prodiguer des conseils, mais pour redynamiser les partenariats d’égal à égal », a-t-il soutenu.
Rappelons que c’est la Belgique, pour le compte de l’Union européenne, qui avait organisé le 4e sommet UA-UE et que la Côte d’Ivoire avait été désignée lors du sommet de l’Union africaine tenu à Kigali (Rwanda) en juillet 2016 pour abriter ce 5e sommet pour le compte de l’Afrique. Cette rencontre s’achève aujourd’hui. Il est prévu également des échanges sur les questions sécuritaires et le changement climatique.
Benjamine Kaboré
Le sommet des irrégularités…
Le sommet UA-UE est censé se tenir tous les 3 ans. Mais des irrégularités non expliquées ont affecté la tenue des sommets. Certaines indiscrétions laissent entendre que le sommet a été annulé en 2003 à Lisbonne suite au refus de l’UE d’y inviter Robert Mugabe, le président zimbabwéen, dont le régime était visé par des sanctions européennes. C’est finalement en 2007 qu’il a été organisé à Lisbonne. Ainsi il aura fallu attendre 7 ans pour passer du premier au deuxième sommet (2000-2007), puis 3 pour la tenue du troisième (2010), puis respectivement 4 et 3 pour celles des quatrième (2014) et cinquième (2017). C’était là un retour sur 17 ans de partenariat entre l’Afrique et l’Europe. Qu’est-ce qui peut expliquer une telle irrégularité de cette grand-messe de l’Afrique et de l’Europe ? La question reste posée…