En visite officielle au Burkina Faso, le président français, Emmanuel Macron, a échangé, hier mardi 28 novembre 2017 au palais de Kosyam, avec son homologue Roch Marc Christian Kaboré.
Le séjour d’Emmanuel Macron au Burkina Faso va donner un coup de pouce à l’instruction du dossier Thomas Sankara, du nom de l’ancien chef d’Etat et père de la Révolution d’août 1983, assassiné le 15 octobre 1987. En effet, à l’issue d’un entretien avec son homologue burkinabè, le mardi 28 novembre 2017, le chef de l’Etat français a annoncé la mise à disposition de la justice burkinabè des archives jusque-là classées secret-défense en France. « Sur les dossiers de l’assassinat de Thomas Sankara, j’ai pris un engagement clair aujourd’hui que tous ces documents seront déclassifiés pour la justice burkinabè», a-t-il déclaré. Selon le président Macron, ces archives, frappées du sceau de la confidentialité, sont placées dans des endroits sous haute protection. S’agissant du cas François Compaoré, le patron de l’Elysée a rappelé qu’il a été interpellé, le 29 octobre 2017, à son arrivée sur le territoire français. « Cette interpellation est le résultat d’une coopération exemplaire entre nos deux justices, lesquelles sont toutes indépendantes. Il a été, depuis, mis sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire et il doit se présenter régulièrement à la police française », a-t-il fait observer. Et d’ajouter : « Les autorités burkinabè ont rapidement fait parvenir une demande d’extradition. Il appartient donc à la justice française de rendre sa décision. Pour ma part, je ferai tout pour faciliter cette décision ». Au sujet de la page noire de la colonisation, qu’il a qualifiée de crime contre l’humanité, Emmanuel Macron dit assumer ce passé comme une partie de l’histoire de la France, sans pour autant en être un prisonnier. « Je ne suis ni dans le déni ni dans la repentance. J’ai une vision très claire qui consiste à avoir une relation décomplexée et d’avenir. C’est ce message que je veux livrer à la jeunesse africaine depuis l’université de Ouagadougou », a indiqué l’hôte du palais de Kosyam. Pour lui, ce n’est ni la colonisation ni le discours contre la colonisation qui donneront une éducation, un travail, de la nourriture, encore moins un espoir et de l’avenir à la jeunesse burkinabè et par ricochet celle de l’Afrique. « J’appartiens à une génération, comme celle que j’aurai en face de moi (NDLR : faisant allusion à la rencontre avec les étudiants), qui n’a pas vécu cette page noire de la période coloniale », a conclu M. Macron.
Gagner le combat contre le terrorisme
A son entendement, les jeunes doivent travailler à se départir des clichés des aînés qui, eux, ne veulent pas sortir du traumatisme de la colonisation. «Ce sont les mêmes qui se retournent vers la France dès qu’il y a un problème pour demander qu’on vienne les sécuriser ; ce sont les mêmes qui disent : que pensez-vous de l’Afrique ? Comme si nous étions encore une puissance coloniale. Et les jours d’après, ils demandent à la France ce qu’elle cherche chez eux », a dénoncé celui qui dit vouloir écrire une nouvelle page des relations entre la France et l’Afrique. Les journalistes ont saisi l’opportunité offerte par ce point de presse pour soulever des préoccupations. Le terrorisme reste un mal absolu pour nos Etats, mais aussi pour l’ensemble de la planète. Ne faut-il pas cesser de se braquer sur l’opérationnalisation de la force du G5 Sahel pour laquelle les choses piétinent, aux yeux du citoyen ? Réagissant à cette interrogation, le chef de l’Etat français a laissé entendre que la force conjointe du G5 Sahel reste un maillon essentiel dans le dispositif sécuritaire de la sous-région. « La force du G5 Sahel est une composante déterminante aussi bien sur le plan opérationnel que politique et je souhaite que les armées africaines soient maîtres dans la région, afin d’assurer la stabilité politique », a-t-il déclaré. La France est présente dans la région, a-t-il poursuivi, parce que son prédécesseur, François Hollande, a fait le choix, qui était le bon, d’intervenir pour sauver le Mali à travers l’opération Barkhane. « Nous devons gagner cette bataille et cela suppose qu’à côté de la MINUSMA et de Barkhane, il faut déployer au plus vite cette force conjointe du G5 Sahel », se convainc-t-il.
De la question des migrants
Sur la question de l’émigration et particulièrement du marché de migrants en Libye, le successeur de François Hollande n’a pas fait dans la langue de bois. « En ce qui concerne la Libye, le choix de l’intervention n’était pas le bon. On n’est jamais bien inspiré de faire la guerre quand elle ne s’inscrit pas dans une feuille de route politique avec des solutions conséquentes », a-t-il regretté. Il a ajouté que ce que nous vivons aujourd’hui fait partie des conséquences de l’intervention militaire dans ce pays. C’est pourquoi, il a émis le souhait que les initiatives entreprises par l’Union européenne en vue du retour de la stabilité politique en Libye puissent connaître une issue heureuse en associant l’Union africaine et l’ensemble des Etats africains concernés par le phénomène de la migration. « Nous avons aussi décidé d’accorder le droit d’asile à tous les ressortissants africains de cette zone qui remplissent les condition», a indiqué le chef de l’Etat français. Emmanuel Macron a recommandé, en outre, le démantèlement des réseaux de trafiquants d’êtres humains, de drogues et d’armes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne, qui, de plus en plus, ont des liens avec les terroristes pour des complots de déstabilisation des Etats. « Je plaiderai pour cela lors du sommet Union européenne-Union africaine qui se tiendra les 29 et 30 novembre 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire », a-t-il insisté. Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, pour sa part, s’est réjoui d’une visite « fructueuse ». « Nous avons eu des échanges fructueux aussi bien dans les différents domaines de coopération bilatérale que sur le plan des relations internationales, ainsi que des préoccupations du moment comme la question de l’émigration », a-t-il déclaré. La question énergétique et la sécurité au sein des pays du G5 Sahel ont constitué les autres points qui ont retenu l’attention des deux parties, selon le locataire du palais de Kosyam. Avec les manifestations qui ont lieu aux abords de l’Université de Ouagadougou à l’occasion de cette visite, peut-on dire que la France est toujours la bienvenue en Afrique ? Le chef de l’Etat burkinabè a répondu que ces mouvements d’humeur traduisent la vitalité de la démocratie dans son pays. « La démocratie exige qu’on donne la possibilité aux citoyens, dans le respect des lois, d’exprimer leurs opinions ou leurs avis sur certains sujets, notamment la nature des relations que notre pays entretient avec les autres », a dit le président Kaboré.
Beyon Romain NEBIE