Accusé de coups et blessures volontaires sur la personne d’Azata Soro, sa deuxième assistante réalisatrice, Tahirou Tasséré Ouédraogo était à la barre le lundi 13 novembre 2017 au Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou. Au terme d’un procès qui a duré plus d’une heure, il a été condamné à 12 mois avec sursis.
L’affaire remonte au samedi 30 septembre 2017 dans une villa à Ouaga 2000, avec l’agression d’Azata Soro, deuxième assistante réalisatrice dans le tournage de la série « Le trône » par le cinéaste Tahirou Tasséré Ouédraogo. Lors d’une rixe qui l’avait opposée à l’auteur de « Thom », elle a eu la joue gauche entaillée à l’aide d’un tesson de bouteille par son agresseur. L’affaire, qui a été présentée au procureur, a finalement abouti à un mandat de dépôt de Tahirou Tasséré Ouédraogo à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Après l’instruction du dossier, l’affaire a été appelée au rôle hier lundi 13 novembre 2017 au TGI de Ouagadougou.
Le prévenu a tout de suite plaidé coupable en reconnaissant les faits à lui reprochés, non sans s’expliquer sur les circonstances exactes dans lesquelles les choses se sont réellement passées. Selon lui, il a fait revenir Azata Soro qui avait abandonné son poste dans la villa à Ouaga 2000, où se déroulait le tournage de la série. Quand elle a voulu lui parler, il a simplement dit à son assistante de s’adresser plutôt à Gustave Sorgho, le directeur de production. Elle s’est entêtée et il a été obligé de lui demander de sortir en brandissant le tesson de bouteille qu’il a ramassé dans ce qu’il a qualifié de poubelle dans un coin de la cour. Azata refusant de s’exécuter, une lutte s’est engagée entre eux.
Après trois empoignades de suite, affirme l’accusé, la blessure est survenue alors qu’il n’avait nullement l’intention de porter atteinte à l’intégrité physique d’Azata Soro avec laquelle il travaillait dans ses productions depuis six bonnes années. Tahirou Tasséré Ouédraogo avoue avoir brandi le tesson de bouteille, qu’il n’a pas lui-même cassée, simplement pour intimider sa victime. Lui-même a été blessé au doigt dans la bagarre et après avoir vainement tenté d’arrêter l’hémorragie, il s’est vu obligé de se rendre dans une clinique pour des soins plus appropriés. Un certificat médical lui a été délivré par le médecin, document dont le contenu a cependant été jugé ambigu par la défense de la victime.
Telle n’est pas la version d’Azata Soro, qui soutient que son agresseur a bel et bien tailladé sa joue avec un morceau de bouteille qu’il a personnellement pris le soin de casser. La victime explique que la séquence sur laquelle l’équipe travaillait se déroulant dans la même salle, elle avait suggéré que les acteurs ne changent pas de costume. Le réalisateur exécutif n’était pas de cet avis, et il l’a fait savoir de façon assez violente. L’assistante réalisatrice a alors opté de rentrer chez elle sans ménagement. Tahirou, constatant son absence, a déclaré avoir été victime de vol de sa part et chargea Gustave Sorgho de lui téléphoner pour la faire revenir. Revenue donc sur le lieu du tournage, Azata Soro précise avoir voulu savoir ce dont on l’accusait, cela en présence des autres comédiens. Le réalisateur est alors entré dans une colère noire, menaçant son assistante et s’en prenant en partie à sa mère par des injures très grossières. C’est à ce moment que, se saisissant d’une bouteille, il l’a cassée et entaillé à la joue Dame Soro en la maintenant par le collet.
Cette version a été corroborée par les trois témoins qui ont déposé l’une après l’autre à la barre : il s’agit de Sita Traoré, d’Aïda Niata et de Mariétou Soro.
Le prévenu a fait son mea culpa
Pour Me Séraphin Somé du cabinet Kam et Somé, avocat de la victime, l’acte posé par Tahirou Tasséré Ouédraogo est répréhensible au regard du Code pénal. C’est, a-t-il martelé, un acte lâche et criminel. Ce qui est arrivé à Azata, a-t-il souligné, est le moindre mal, ce d’autant plus que le prévenu, qui n’est pas à son premier forfait, est reconnu être de nature un homme violent. Il avait l’intention affichée de tuer son vis-à-vis comme elle-même affirme d’ailleurs l’avoir entendu dire au téléphone alors qu’elle communiquait avec le directeur de production. Appelé à témoigner à la barre, celui-ci, malheureusement, était absent. M. Sorgho, a soutenu la victime, l’a jointe au téléphone pour l’inviter à rejoindre le lieu du tournage à Ouaga 2 000 qu’elle avait déserté quelque temps plus tôt, afin de répondre d’accusation de vol d’on ne sait quoi par le réalisateur.
C’est quand elle s’est présentée, accompagnée de sa sœur, que les choses ont vite pris une tournure dramatique avec ce que l’on sait. Pour Me Somé, Tahirou Tasséré Ouédraogo, en bon réalisateur, avec ce qui s’est passé, a tous les éléments avec son procès pour le scénario d’un film qu’il écrira lui-même et dont il sera naturellement l’acteur principal. Il a indiqué qu’il est actuellement difficile de chiffrer le préjudice subi par sa cliente, sa blessure impliquant des interventions plus poussées dont une chirurgie plastique devant s’effectuer à Tunis. Seul un certificat médical définitif permettra de faire une estimation globale du montant du dommage subi par la victime.
Dans son réquisitoire, le procureur a demandé au tribunal, tenant compte du caractère du prévenu, de ne pas attendre qu’il commette prochainement un meurtre pour regretter d’avoir manqué l’occasion de le rappeler à l’ordre dans la présente affaire. Tahirou Tasséré Ouédraogo ayant reconnu les faits, il a requis pour lui une peine d’emprisonnement ferme de 12 mois.
Pour leur part, les avocats du prévenu, dont Me Halidou Ouédraogo et Idrissa Badini, ont fait pour leur client un acte de contrition tout en choisissant de se défendre. A leur avis, il faut permettre à un citoyen qui n’a jamais été condamné, mais qui malheureusement à 51 ans s’est écarté du droit chemin, de se ressaisir et d’être encore plus utile à la société. L’accusé a suffisamment payé ce qu’il a fait depuis ce maudit samedi 30 septembre, ont-ils dit. Ils en veulent pour preuve le séjour qu’il a déjà effectué à MACO, le lynchage médiatique dont il a fait l’objet, l’étalage de sa vie privée sur les réseaux sociaux… Compte tenu de tout cela et du fait que Tahirou Tasséré Ouédraogo, célibataire, vit avec un enfant de 10 ans dont il a la garde, ses avocats ont demandé au tribunal de tenir compte dans son verdict en lui permettant de bénéficier d’un sursis.
Invité à dire un mot pour sa défense, le prévenu a fait son mea culpa et présenté ses excuses à Azata Soro. Il a demandé la clémence du tribunal, promettant de ne plus jamais commettre une telle forfaiture. Il s’est engagé en outre à prendre en charge toutes les dépenses relatives aux soins de sa victime.
A l’issue de ce procès, qui a duré plus d’une heure, Tahirou Tasséré Ouédraogo a écopé d’une peine de 10 mois avec sursis. La partie plaignante a 15 jours francs pour interjeter appel.
Evariste Ouédraogo