Pour la septième fois, du 8 au 11 novembre 2017, se tient le Festival international de la liberté d’expression et de presse (FILEP) au Burkina Faso. Placée sous le thème « Défis sécuritaires en Afrique : rôle et responsabilité des médias », cette édition à laquelle prennent part des festivaliers venus d’une vingtaine de pays d’Afrique, comme les précédentes éditions, est un « moment fort de réflexion collective et prospective sur les grands enjeux de gouvernance et de développement du continent africain », selon les mots des organisateurs.
La cérémonie d’ouverture de cette rencontre des « défenseurs de la liberté de presse et d’expression ainsi que des droits humains », a été patronnée par le Haut représentant du président du Faso, Chériff Moumina Sy, dans la matinée du 8 novembre 2017 à Ouagadougou, en présence d’un grand nombre d’invités et de participants. « Le FILEP a été forgé et a grandi à travers des épreuves », a précisé, à l’entame de son discours, le président du Comité d’organisation de cette 7è édition, Boureima Ouédraogo, président de la Société des éditeurs de presse privée (SEP), Directeur de publication du bimensuel « Le Reporter », rappelant ainsi les circonstances qui ont marqué la 6è édition qui a été perturbée par ce qu’il a appelé « le coup d’Etat le plus bête du monde », perpétré par le Général Gilbert Diendéré , à la tête d’une « horde d’insoumis ». A l’entendre, « aucun pays n’est à l’abri de la violence aveugle et meurtrière », ce qui lui a fait dire que notre monde n’est plus sûr, confronté qu’il est au terrorisme et à toutes les formes d’extrémisme et de radicalisation. Un contexte international où les décomptes macabres allongent chaque jour la liste des victimes, dans lequel l’Afrique « se cherche », a-t-il indiqué, rappelant au passage la terreur que cherchent à imposer les Shebab en Somalie et au Kenya, et Boko Haram au Nigeria, au Tchad et au Cameroun. Dans un tel contexte d’insécurité ambiante, l’information devient un enjeu véritable, en ce sens, selon lui, que les Etats tout comme les groupes terroristes, cherchent à la contrôler et à la manipuler. Conséquence, la liberté d’expression et de presse se retrouve piégée entre « le droit du citoyen à l’information et à l’expression libre de ses opinions » et « les risques d’apologie du terrorisme par la diffusion d’informations profitables aux groupes et réseaux terroristes », foi de Boureima Ouédraogo.
Les médias sont la cible aussi bien des terroristes que des acteurs de la lutte contre le terrorisme
Et d’ajouter qu’entre « le devoir et la liberté d’informer » et « l’obligation de contribuer à la préservation de la paix et à la lutte contre les extrémismes », les médias sont la cible aussi bien des terroristes que des acteurs de la lutte contre le terrorisme. Une situation bien caricaturée par le juriste français, Antoine Garapon, selon Boureima Ouédraogo, à savoir que « les médias sont pris dans un dilemme infernal.
D’un côté, l’écho médiatique risque de faire des victimes, les messagers involontaires de la recherche de gloire de leurs bourreaux, de l’autre, une autocensure pourrait être interprétée comme une capitulation. La peur peut faire réclamer des atteintes aux libertés, qui finissent par réduire la différence entre les Etats démocratiques et les régimes autoritaires, précisément ce que recherchent les terroristes ». En conclusion, le président du comité d’organisation a fait savoir que le défi majeur est désormais de préserver l’Etat de droit et le vivre-ensemble démocratique garantissant et protégeant les libertés face aux dérives du tout sécuritaire.
Chériff Moumina Sy, Haut représentant du président du Faso, a signifié que les participants à la 6è édition du FILEP ont fait la preuve que « là où des journalistes de plusieurs pays africains sont réunis, il n’y a point de chance pour la violence de prospérer. Et qu’aucune forme de violence politique ne devrait plus être tolérée dans la marche de l’Afrique pour son renouveau ». Pour lui, les organisateurs du 7è FILEP s’inscrivent dans l’actualité brûlante des préoccupations des populations, de par le choix du thème. Ils démontrent, à son avis, qu’ils prennent toute la mesure des problèmes véritables qui minent la marche du continent noir vers le progrès ou le développement économique et social humain durable. Pour Chériff Moumina Sy, journaliste dans l’âme, « le journalisme consiste essentiellement à livrer une bataille quotidienne et permanente contre toutes les formes d’inégalités et d’aliénations qui empêchent l’homme de jouir véritablement de sa liberté ».
Accompagner le mouvement de conscientisation des masses et de responsabilisation des dirigeants
Il a dit des journalistes qu’ils sont « des combattants de la liberté pour la liberté », et en cela, pour lui, leur métier ne devrait leur conférer aucun répit, partout où ils sont, quelle que soit la fonction qu’ils exercent, la position qu’ils occupent. Et de conclure : « Notre engagement n’a de sens que lorsqu’il nous met en face des grands défis que nos sociétés ne peuvent relever autrement qu’en accédant aux informations utiles et nécessaires pour se parler, penser, décider et agir contre les maux qui minent leur évolution. Notre engagement n’a de sens que lorsqu’il est capable d’accompagner ardemment le mouvement de conscientisation des masses, mais aussi de responsabilisation de nos dirigeants… ». Pour le Secrétaire général du Syndicat national autonome des travailleurs de l’information et de la communication (SYNATIC), Siriki Dramé, le présent FILEP est placé sous le signe de la continuité de l’atteinte des missions que le Festival s’est fixées depuis sa création en 2000, en discutant des questions de fonctionnement et du rôle des médias dans les situations qui prévalent au moment où il se tient. Il a ajouté que le FILEP est une rencontre d’échanges entre journalistes africains et des défenseurs des droits de l’Homme pour trouver les voies et moyens leur permettant de faire face à la situation sécuritaire que l’Afrique connaît depuis un certain temps, avec notamment l’exacerbation de la situation ces dernières années. Le danger, de son point de vue, concerne aussi bien la pratique du journalisme que la vie de façon générale, d’où l’intérêt, pour les acteurs du Festival, de se pencher sur la situation sécuritaire en Afrique impliquant le rôle et la responsabilité des médias. Rôle et responsabilité des médias, leçons à tirer des expériences de plusieurs pays africains confrontés au phénomène du terrorisme, limites objectives des médias face aux défis sécuritaires, comment faire des médias des partenaires stratégiques dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité sous toutes ses formes, etc., sont autant d’aspects qui seront débattus au cours du FILEP 2017. Une soirée gala de remise du prix Norbert Zongo du journalisme d’investigation et de la meilleure journaliste du Burkina 2017, le recueillement sur les lieux de l’assassinat du journaliste émérite Norbert Zongo et un concert de clôture seront les derniers tableaux du 7è FILEP de Ouagadougou.
Lonsani SANOGO