Ils n’en peuvent plus d’attendre un procès qui ne reprend pas. Le général Amadou Haya Sanogo et ses codétenus dans l’affaire dite des « bérets rouges » ont finalement décidé de se rappeler au bon souvenir des juges en décidant d’entamer une grève de la faim pour exiger la reprise du jugement ou leur mise en liberté provisoire. Cela fait en effet 4 ans que l’ancien chef de la junte malienne, qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) en mars 2012, et plusieurs autres bérets verts sont en détention à Sikasso après leur inculpation pour « enlèvement et assassinat » ainsi que « complicité d’enlèvement et d’assassinat » de 21 bérets rouges dont les corps avaient été retrouvés en 2013 dans un charnier à Diago, près de Kati.
Les suppliciés, rappelons-le, faisaient partie du dernier carré des fidèles d’ATT qui avaient tenté sans succès un contrecoup contre le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE).
Les conjurés avaient alors subi les foudres du nouveau locataire du palais de Koulouba.
Le procès tant attendu s’était certes ouvert en novembre 2016, mais pour finalement être renvoyé après plusieurs rebondissements. Notamment suite à la demande des avocats qui ont d’abord exigé de meilleures conditions de travail et ensuite à leur refus de se présenter à la barre au motif que leur sécurité n’était pas garantie.
Puis vint la batterie d’exceptions soulevées par les conseils parmi lesquelles l’incompétence de la Cour pour juger les prévenus qui, en tant que militaires, ne devaient être entendus que par un tribunal militaire ; l’impréparation du procès ; le tirage au sort des assesseurs et la non-remise aux avocats et aux accusés des copies des rapports d’expertise des dépouilles des 21 militaires.
Autant de raisons qui ont conduit au renvoi du procès à la première session des assises de 2017.
On en est donc là dans un procès qui s’enlise avec des inculpés qui rongent leur frein dans leurs cellules dans l’attente d’une liberté provisoire qui n’arrive pas.
En s’engageant dans la grève de la faim, le général Sanogo utilise donc la seule arme qui lui reste, un moyen de pression dont il espère qu’il produira les effets escomptés.
Il faut reconnaître que 4 ans pour une préventive, c’est vraiment trop. Cela d’autant plus qu’en vertu du Code pénal malien, la durée maximale est de trois ans.
Il faut donc juger rapidement les incriminés ou, à défaut, leur accorder la liberté provisoire.
Que l’ancien homme fort du CNRDRE ait contribué à plonger son pays dans la situation qui est depuis la sienne, nul n’en doute. Mais avant tout, il reste un justiciable comme les autres et, à ce titre, devrait bénéficier d’un traitement équitable comme tout le monde.
Or, en le maintenant plus que de raison dans les liens de la prévention qui est, ne l’oublions pas l’exception, la liberté étant la règle, on en fait un prisonnier politique, voire un héros, alors que son passage sur la colline du pouvoir fut tout sauf héroïque.
C’est vrai que la justice sait prendre son temps. Mais à se donner trop de temps, elle court le risque de tomber dans le déni de justice.
Alain Saint Robespierre