A la date du lundi 6 novembre 2017, 9 039 cas suspects et 18 décès liés à la dengue ont été notifiés suite à l’épidémie qu’a connue le Burkina cette année. Même si l’intensité de la maladie baisse, laissant présager une fin de l’épidémie dans les prochains jours, il n’en demeure pas moins que la menace est toujours présente. Foi du Directeur de la lutte contre la maladie (DLM), Brice Wilfried Bicaba, en effet, désormais on doit s’attendre à vivre avec cette maladie endémique. « En 2018, il y aura probablement la dengue », prévient-il, non sans inviter les populations à s’impliquer dans la riposte à travers, notamment, la destruction des gîtes larvaires dans les concessions.
Par ces temps qui courent, les papayers souffrent comme un malade de dengue. Partout on les dépouille de leurs feuilles, auxquelles on prête des vertus médicinales contre ce virus qui sévit au Faso. En effet, en rendant visite à une famille dans la capitale, nous y avons découvert un papayer dépourvu de toutes ses feuilles, ce qui exposait au soleil une dizaine de ses fruits non mûrs. A en croire la maîtresse des lieux, ce sont les malades de la dengue, en quête de remède, qui ont prélevé toutes les feuilles de l’arbre. Et d’ajouter qu’un dernier malade qui s’est présenté la même matinée, face à l’absence des feuilles, a demandé à enlever un des fruits mais elle s’y est opposée. Cette anecdote montre, si besoin était, que les populations ne savaient plus à quel saint se vouer, vu l’ampleur de la dengue, considérable, cette année. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet, selon le Directeur de la lutte contre la maladie (DLM), Dr Brice Wilfried Bicaba, 9 039 cas suspects et 18 cas de décès ont été notifiés à ce jour (Ndlr : le 6 novembre 2017). La ville de Ouagadougou est la plus touchée avec cinq arrondissements concernés que sont Nongremasom, Baskuy, Bogodogo, Sig-Noghin et Boulmiougou. Sur les 4 stéréotypes de dengue qu’il y a également, 3 ont été identifiés au Burkina. A l’en croire, depuis l’épidémie de 2016, au cours de laquelle 2 500 cas et 20 décès ont été enregistrés, le département de la Santé n’est pas resté inactif : «Depuis le 1er janvier, à la suite de l’épidémie de 2016, nous avons entrepris des actions en vue de nous préparer à une éventuelle épidémie en 2017. Ainsi, un panel national et une rencontre de concertation avec des experts internationaux en dengue ont été, entre autres, organisés. Une feuille de route a été déclinée et des activités clés mises en œuvre. Ce qui a permis de renforcer les capacités en matière de surveillance et de notifier les cas pour savoir rapidement s’il y aura épidémie. Ce qui n’était pas le cas en 2016. »
En ce qui concerne le dispositif de prise en charge également, les agents de santé ont bénéficié d’orientations sur la dengue et un certain nombre d’intrants ont été rendus disponibles dans les différentes formations sanitaires pour la prise en charge des cas graves. Il en est de même pour les Tests de diagnostic rapide (TDR), dont une certaine quantité, non suffisante certes, a reconnu le DLM, a aussi été octroyée aux centres de santé et qui ont permis d’orienter les prestataires sur la maladie. Comme en 2016 donc, les malades ont été confrontés cette année au manque de TDR dans les centres publics de santé. Tout en déplorant cette situation, le Dr Bicaba invite les populations, à l’avenir, à privilégier les soins au diagnostic. «La problématique du réactif est un besoin exprimé et nous le comprenons. Mais sur le plan technique, ce n’est pas une stratégie pérenne. Nous avons rendu disponibles les réactifs dans un certain nombre de structures sanitaires, soit au total 10 000 TDR. Cependant, le plus important, c’est de pouvoir soigner les cas. Les TDR coûtent chers alors que le traitement est juste symptomatique. Il suffit de savoir ce qu’il ne faut pas faire, comme éviter la prise d’anti-inflammatoires (ibuprofen, aspirine, diclofénac et aspégic, surtout chez les enfants : Ndlr), observer un certain nombre de mesures hygiéno-diététiques, prendre du repos et être sous surveillance pour pouvoir détecter les complications. « Ce qui est ressorti également du panel d’experts est que la stratégie de lutte ne consiste pas à rendre disponibles les TDR mais plutôt à travailler à mettre en place un système de surveillance épidémiologique pour pouvoir faire la riposte lorsque le nombre de cas augmente. Cela, parce qu’en épidémie le diagnostic individuel n’est plus important, car en pareille situation les gens pensent à la dengue quand ils sont malades », a-t-il relevé.
Chacun doit éliminer ses moustiques
Selon le DLM, la lutte antivectorielle joue un rôle clé. La démoustication permet une destruction massive des gîtes larvaires. C’est dans ce sens qu’une campagne de pulvérisation spatiale a été menée dans la capitale du 23 au 30 octobre dernier, spécifiquement aux lieux où le risque de contamination a été estimé plus élevé. «C’est insuffisant mais nous ne pouvions pas pulvériser tout Ouaga, vu les risques sanitaires et environnementaux que cela comporte. Cette action fait d’ailleurs appel à plusieurs secteurs comme la Santé, les Collectivités territoriales, l’Environnement et la population. Toutes ces composantes devraient s’impliquer davantage dans la lutte. Dans la communication de masse, les populations ont déjà été sensibilisées aux risques et aux moyens de prévention de la maladie. Ce qui manque actuellement, c’est l’information pour le changement de comportement, c’est-à-dire comment faire pour que les uns et les autres contribuent dans leur domicile et au-delà, dans leur environnement, à détruire les gîtes larvaires. Nous sommes sur le point de former 5 500 agents HIMO pour faire le travail », a fait remarquer le patron de la lutte contre la maladie avant de préciser que la pulvérisation spatiale se fait pendant l’épidémie, elle ne peut pas se faire à titre préventif. Et vu ses effets néfastes, elle n’est préconisée qu’à un certain seuil de l’épidémie.
L’épidémie va passer, mais la dengue demeure
Doit-on s’attendre à une fin de l’épidémie dans les prochains jours ? La réponse du Dr Bicaba est très rassurante : «Probablement oui, parce que nous avons eu notre pic de l’épidémie la semaine dernière (du 21 au 29 octobre). Nous ne pouvons pas dire que c’est grâce à la pulvérisation mais les cas sont en train de diminuer. Nous invitons donc les populations à s’approprier la lutte, en détruisant les moustiques dans les ménages », a-t-il conseillé. Toutefois, il a tenu à relever le caractère endémique de la dengue qui nécessite que nous nous accoutumions afin de réaliser des actions pour réduire son impact. « En 2016, il y a eu la dengue ; en 2017, il y en a eu et en 2018 et il y en aura probablement. Il y a juste un certain nombre de questions qu’il nous faudra résoudre, notamment la connaissance du seuil épidémiologique. En effet, l’OMS a recommandé qu’on observe sur une ou deux années la tendance pour pouvoir fixer les seuils. Cela permettra de savoir à l’avance s’il y aura épidémie ou pas ».
Insistant sur la pleine participation de tous à la lutte, le Dr Bicaba a exhorté les uns et les autres à détruire les gîtes larvaires que constituent les barriques, les canaris et les pots de fleurs, dans lesquels l’eau se collecte et où les moustiques se reproduisent. « Vous savez, les moustiques n’ont pas besoin de beaucoup d’eau pour se reproduire. En plus, ils produisent par centaines le virus et le transmettent à leur descendance. Le ministère de la Santé met tout en œuvre pour faire reculer la dengue et ce que nous observons ces derniers jours laisse présager que l’incidence va baisser dans les semaines à venir », a-t-il conclu.
Alima Séogo / Koanda
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