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L’Observateur Paalga N° 8421 du 22/7/2013

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Lettre pastorale : Contre-discours sur l’Etat de la nation
Publié le mardi 23 juillet 2013   |  L’Observateur Paalga


Conférence
© aOuaga.com par Aristide Ouedraogo
Conférence épiscopale : Le Burkina et le Niger en conclave à ouagadougou.
Mardi 13 novembre 2012 à Ouagadougou. Les évêques du Burkina et du Niger réunissent à Ouagadougou pour une conférence


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Comme nous l’écrivions dans notre édition d’hier lundi 22 juillet, «on savait l’Eglise catholique suffisamment indépendante d’esprit au point qu’elle n’hésite pas souvent à ramer à contre- courant des puissants du moment». Et si certains en doutaient encore, ils peuvent se référer à la lettre pastorale que nos évêques ont adressée à leurs brebis à l’issue d’une assemblée générale plénière ordinaire. Et en cela, le récent «sermon» des évêques du Burkina dénote, par sa prise de position ferme et sans ambiguïté, de sa lucidité et de son courage. Aussi bien par son réalisme que par la pertinence de son analyse, cette sortie mémorable des ecclésiastiques constitue un véritable contre-discours sur l’Etat de la nation. De quoi nous changer des exposés emphatiques dont les différents chefs de gouvernement nous ont saoulés au cours des traditionnels discours sur l’Etat de la nation; des déclarations si resplendissantes sur la situation nationale que l’on se demande si nos gouvernants habitent effectivement le Burkina, pays traînard selon les classements du PNUD.

On en voit qui pousseraient des cris d’orfraie pour dire que le clergé se mêle de ce qui ne le regarde pas, le renvoyant à ses chères Ecritures.

Mais comment rester insensible, impassible, désincarné face à un pays qui «traverse une crise de société, qui génère une corruption devenue une culture administrative, avec une lancinante pauvreté de masse, un développement de la ploutocratie et une polarisation des richesses au niveau d’un groupe, pour ne pas dire clan» ?

A l’évidence, les tenants du détachement de l’Eglise des conditions matérielles de ses ouailles et de la gestion de la cité se trompent d’époque et restent en retard d’une révolution, car, dès 1931, sous la plume du pape Pie XI, ont été élaborés les textes sur la Doctrine sociale de l’Eglise; un document fondé sur quatre principes fondamentaux qui sont : la dignité, le bien commun, la subsidiarité et la solidarité. Autant de piliers qui concernent la réalité sociale dans son ensemble, dans son universalité de sens et dans le temps.

C’est donc en toute légitimité que l’Eglise catholique, qui «considère la politique comme l’utilisation du pouvoir légitime pour atteindre le bien commun», entend s’intéresser «aussi aux conditions de vie sociale qui rendent possible pour les hommes, les familles et les groupes un accomplissement d’eux-mêmes plus plénier et plus aisé». Le moins que l’on puisse constater à la lecture de cette lettre pastorale, c’est que cette institution religieuse du Burkina passe de l’homélie au sermon. C’est qu’elle est montée d’un cran dans sa volonté de ne plus rester en marge d’un débat qui concerne toute la communauté nationale.

Pour caustiques qu’ils soient dans la critique, ces bruits de calottes ne sont pas pour autant une première dans notre histoire politique.

Un petit plongeon dans celle-ci nous rappelle avec éloquence la sortie médiatique du cardinal Paul Zoungrana après la chute de la IIIe République le 25 novembre 1980. A l’époque, on en avait glosé et cloué au pilori une curie qui se mêle de politique.

On aura compris que, quand le mercure socio-politique monte au point de constituer une menace sérieuse contre le pouvoir, on se rue aux portillons des évêchés et autres presbytères pour quémander la sainte intervention des religieux pour aider à éteindre l’incendie. Mais une fois le péril conjuré, rarement on tient compte de leurs avis et recommandations. Comme pour dire qu’on ne connaît l’utilité des fesses que quand vient l’heure de s’asseoir.

A ce titre, on se souvient que, par suite des violentes réactions suscitées par le drame de Sapouy, il avait été institué une Commission d’enquête indépendante chargée de mener toutes les investigations devant permettre de déterminer les causes de la mort du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune. Cette Commission a d’ailleurs déposé ses conclusions le 7 mai 1999. Mais loin de participer à la décrispation escomptée du climat social, ses résultats déclencheront davantage de troubles.
Pour faire face à la situation, le président du Faso avait adressé un message à la Nation le 21 mai 1999 en vue de livrer son analyse des événements et les mesures qu’il a décidées aux fins d’endiguer la crise.

Parmi celles-ci, la création d’ un Collège de sages chargé de passer en revue, dans les meilleurs délais, tous les problèmes pendants de l’heure et de proposer des recommandations à même d’emporter l’adhésion de tous les protagonistes de la scène politique nationale. Et ce Collège de sages, qui a réussi le pari de réconcilier les Burkinabè avec eux-mêmes, avait été dirigé par un prélat en la personne de Mgr Anselme Titiama Sanon. C’est dire toute la place que doivent occuper les religieux dans notre pays, car, à intervalles réguliers, le gouvernement n’hésite pas à recourir à eux, qui vivent comme nous dans la société burkinabé et sont concernés par les problèmes de celle-ci.

Du temps fort des joutes oratoires sur l’article 37, l’Eglise famille du Burkina avait exprimé sans ambages son opposition à la révision de cet article. Aujourd’hui, elle vient de démontrer l’inutilité du Sénat et son caractère budgétivore à l’heure où «malgré la croissance relativement soutenue qu’a connue le pays ces dernières années, la pauvreté n’a pas reculé d’un pouce, mais a plutôt marqué une relative progression»

A l’évidence, hormis un agenda caché, on se demande bien à quoi servira encore le Sénat dans notre dispositif institutionnel

Dans un pays où 43% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, c’est presque de la démence que de consacrer annuellement six milliards de nos francs à entretenir une nouvelle caste de parlementaires. Pourquoi ne pas imiter le réalisme du Sénégal qui, quoiqu’un peu plus doté que le Burkina (en tout cas si l’on s’en tient à l’indice du développement humain du PNUD) et dont le président était ce week-end à Ouagadougou, a mis fin à l’expérience du Sénat pour se consacrer à la lutte contre les inondations ? Pourquoi chercher à rétablir, coûte que coûte, vaille que vaille, dix ans après sa dissolution une institution naguère jugée budgétivore ? Parce que le Burkina est devenu un Eldorado où il suffit de gratter la terre pour ramasser l’or ? On a beau devenir un pays minier, ça ne brille toujours pas pour l’écrasante majorité de la population, qui se couche dans l’amertume et se réveille dans l’incertitude.

A quelque une semaine des élections des 39 sénateurs dans les 13 régions, faut-il croire que les évêques ont prêché dans le désert ?

Il reste à savoir ce que vont faire désormais nos autorités face à ce coup de massue de cette institution. Mais elles auront tort de négliger ces conseils gratuits de nos prélats, car c’est un message fort de la grande masse silencieuse. La voix du peuple étant la voix de Dieu.

Boureima Diallo

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