Le 3e anniversaire de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a été célébré à travers des offices religieux et un dépôt de gerbes de fleurs afin que les âmes des martyrs reposent en paix. C’est dans cette même veine que le 31 octobre 2017 le chef de l’Etat, au cours d’une sobre cérémonie, s’est recueilli au pied du monument des héros nationaux à Ouaga 2000. La justice, 3 ans après, se fait toujours attendre.
Il est 9h 50 mn précises quand le président du Faso, Roch Kaboré, arrive sur les lieux de la commémoration. Pas de tapis rouge pour l’accueillir comme à l’accoutumée, mais la fanfare nationale, elle, est présente pour cette cérémonie d’hommage. La sirène a retenti à 10 h 00 mn et cela correspond exactement à l’heure à laquelle la marée humaine envahissait l’ex-Parlement pour mettre fin à la modification de l’intouchable article 37. L’hymne national est ensuite entonné par toutes les personnalités politiques, diplomatiques, militaires, les autorités coutumières, religieuses et civiles présentes. Le président du Faso avance à pas calculés avec deux soldats qui tiennent les fleurs. Ils se recueillent et l’un d’eux dépose la gerbe de fleurs au pied des deux énormes blocs de béton entourés d’un tissu noir. Le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, de nombreux ministres, le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil constitutionnel, le maire de la commune de Ouagadougou et bien d’autres personnalités restées en retrait s’inclinent aussi pour honorer la mémoire de ceux tombés pour que triomphe la démocratie.
Sur l’une des façades du monument, on pouvait lire : «A ses fils et filles morts pour la patrie lors de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 et du putsch du 16 septembre 2015, la nation reconnaissante. » Les noms des victimes ont été gravés en bronze et listés sur la deuxième partie du monument des héros nationaux. Cet hommage aux victimes de l’insurrection s’est voulu sobre et court.
Selon le président de l’association des blessés de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, Dramane Ouédraogo, qui, avec d’autres, est venu pour cet anniversaire, bien que cela fasse 3 ans, ils s’en souviennent comme si c’était hier. « Rendre justice va contribuer à l’apaisement des cœurs. Nous avons entendu qu’il y a eu des arrestations, des libérations ces temps-ci mais nous estimons que la justice doit se faire », a-t-il conclu.
Pour le ministre d’Etat, Simon Compaoré, ils n’ont pas encore reçu de réponse de la justice mais espèrent qu’au prochain anniversaire les choses vont changer. « L’insurrection est un point de départ important pour les jeunes générations. Elles comprendront que depuis la nuit des temps, le Burkinabè est celui qui est brave, rigoureux dans ses prises de position et déterminé. Ils verront à travers les 30 et 31 octobre la justification de mes propos. C’est un évènement qui a achevé de convaincre plus d’un que plus jamais rien ne sera comme avant », explique-t-il.
Qu’est-ce qu’ils attendent ? Qu’on meure ?
Constant Bassolet, blessé de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, dit avoir reçu des balles le 30 octobre, non loin de chez François Compaoré. «On a été soigné à Yalgado, mais ce n’est pas la pleine forme. J’attends encore une intervention chirurgicale au bras car il n’est plus fonctionnel. Voyez vous-même ! J’ai reçu aussi une balle au ventre et ses particules demeurent dans mes entrailles.»
Pour cet ancien producteur de moringa et leader de l’association des victimes, ils ont crié sur tous les toits pour demander réparation mais ont l’impression qu’il existe une main invisible qui essaie de créer la zizanie en leur sein puisque d’aucuns estiment que le gouvernement s’occupe bien d’eux. « La réalité est tout autre, certains d’entre nous ont des blessures inguérissables. Je suis paralysé et incapable de cultiver. Durant la Transition, de nombreux décrets ont été pris, mais ce sont des promesses non tenues. C’est grâce à nous que les dirigeants actuels sont en place. On ne peut pas comprendre qu’ils se transforment en bourreaux. Sur les blessés graves, rien que 5 personnes l’année dernière ont été évacuées, qu’est-ce qu’ils attendent ? Qu’on meure ? » interroge-t-il, amer.
La présidente du cadre national de concertation des OSC, Safiatou Lopez, a exprimé sa déception. Selon elle, le peuple burkinabè avait des aspirations et ces grandes aspirations demeurent. « On est sorti mains nues car on pensait que nos petits frères restés à la maison allaient en bénéficier. On ressent le mépris, car il y a un travail qui est fait en arrière-plan pour détruire la société civile. C’est une bassesse. On organise des jeunes qui n’ont pas lutté pour qu’ils sortent insulter ceux qui se sont battus, au nom de la loi de Machiavel. On veut nous anéantir. On a cité tout le monde, sauf la société civile. 3 ans après, on a perdu espoir», déclare-t-elle.
W. Harold Alex Kaboré