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Qu’avons-nous fait de notre insurrection ?
Publié le lundi 30 octobre 2017  |  L`Observateur Paalga
Manifestations
© AFP
Manifestations de joie, suite à l`annonce de la démission de Blaise Compaoré de la Présidence du Faso
Vendredi 31 octobre 2014. Manifestations de joie dans les rues de Ouagadougou suite à l`annonce de la démission de Blaise Compaoré de la Présidence du Faso




On revoit encore la liesse qui s’était emparée des Burkinabè le 31 octobre 2014, jour du départ précipité de Blaise Compaoré, lequel, pour s’être obstiné à modifier la Constitution aux fins que l’on sait, a fini par être chassé du palais de Kosyam tel un vulgaire roturier.



Pour certains, cette abdication a été comme un bouchon vieux de 27 ans qui venait de sauter, libérant un horizon qui ne pouvait qu’être radieux.

Dès lors, on rêvait de refondation de la démocratie, d’indépendance des magistrats, longtemps tenus en laisse par les maîtres du moment, et d’une économie qui redémarrerait sur les chapeaux de roues après quelques années de ralentissement, de justice sociale et de jours bénis où on raserait gratis.

Trois ans après le « Printemps burkinabè », l’heure est à la grisaille, et les fruits des « Quatre Glorieuses » semblent avoir trahi la promesse des fleurs. Le rêve semble virer au cauchemar.

Le désenchantement collectif a commencé par l’imposteur Zida, qui a voulu mettre la Transition à son propre service. Ce tartuffe en tenue bariolée, sankariste de convenance, s’est révélé pire prédateur que son fidèle maître, qu’il a servi jusqu’à sa chute avant de le charger de tous les péchés du Burkina.

Réfugié au Canada depuis le retour du pays à une vie constitutionnelle normale, l’ancien chef des opérations de l’ex-RSP est rattrapé par son imposture puisque la justice de son pays voudrait l’entendre dans le cadre de la répression du 31 octobre 2014.

Après la pagailleuse Transition, marquée par le putsch raté du 16 septembre 2015, on a quand même eu droit, sur le plan politique, à une certaine refondation de la démocratie avec les premières élections sans le grand sachem de Kosyam qui aura dominé la vie politique nationale ces trois dernières décennies : une présidentielle marquée du sceau du raffinement démocratique où le perdant s’est rendu au siège du vainqueur pour le féliciter de sa victoire, puis des législatives aux résultats assez serrés.

Le MPP, qui n’a pas obtenu la majorité absolue, a dû se résoudre à nouer des alliances pour avoir une majorité stable. Qu’on est loin du temps d’une majorité plus qu’écrasante, pour ne pas dire étouffante, comme en 1997 où le parti au pouvoir de l’époque s’en était sorti avec 101 sièges sur les 111 à pourvoir !

Mais le plus grave, c’est la situation socio-économique, qui reste en berne. Les travailleurs et les ménagères crient famine, les opérateurs économiques et les hommes d’affaires attendent désespérément une embellie qui tarde à pointer à l’horizon, le PNDES, ce plan Marshall censé nous sortir de l’ornière et signé tambour battant à Paris, demeure une coquille vide pour ne pas dire une bourse vide, le plein-emploi promis aux insurgés demeure un mirage.

A la décharge peut-être du gouvernement, on peut dire qu’il y a ces grèves perlées qui ont longtemps paralysé l’Administration, porté un sérieux coup à la mobilisation des recettes pendant que tous les corps revendiquent leurs dividendes insurrectionnels alors qu’ils ne produisent pas les richesses qu’il faut.

Et que dire de la gouvernance, qui est sujette à caution avec ces rumeurs plus ou moins avérées de malversations, de détournements, de corruption et de précieuses signatures chèrement tarifées ?

Mais le point le plus noir, s’il en est, de ce tableau déjà suffisamment sombre, c’est la sécurité, sans laquelle il n’y a ni développement ni progrès.

Or depuis ce fameux 15 avril 2015, date de l’enlèvement d’un Roumain en charge de la sécurité à la mine de manganèse de Tambao, c’est-à-dire six petits mois après la chute de Blaise Compaoré, le Burkina Faso est entré dans une zone de turbulences sécuritaires sans qu’on sache quand il en ressortirait. Tant depuis deux ans les attaques, les attentats et les assassinats ciblés se multiplient contre les forces de défense et de sécurité et les civils.

Ainsi de l’attaque sur l’avenue Kwame Nkrumah le 15 janvier 2016 ; de l’assaut contre le camp militaire de Nassoumbou le 16 décembre 2016 ; de l’attentat contre le restaurant « Aziz Istanbul » le 13 août 2017 et du guet-apens où est tombé le véhicule de l’armée qui a sauté sur une mine le 17 août 2017, pour ne citer que ceux-là.

En l’espace de trois ans, on n’est pas loin d’une centaine de morts et de plusieurs dizaines de blessés, sans compter ce qui n’est pas quantifiable mais non moins grave, comme le préjudice porté à l’économie dans son ensemble et à l’image de marque du pays.

Un véritable effondrement sécuritaire contre lequel l’autorité semble impuissante et se complaît dans le folklore et les pitreries de tous genres, au grand dam des populations qui ne savent plus à quel flic ou pandore se vouer.

Il faut seulement espérer que le fameux forum national sur la sécurité, qui vient de s’achever, ne sera pas qu’un faisceau de bonnes intentions mais se traduira sur le terrain par un net recul du terrorisme.

S’il faut trouver une embellie dans ce sombre décor, ce serait la justice, où quelques dossiers emblématiques comme ceux de Thomas Sankara ou de Norbert Zongo ont connu des avancées notables du fait de l’indépendance de la magistrature, qui n’est plus une simple vue de l’esprit.

Encore que même là, il faille un peu relativiser.

Peut-on en effet parler d’indépendance de la justice quand l’exécutif, nonobstant ces vigoureuses dénégations, continue de fourrer son nez dans des affaires pendantes comme celles de l’insurrection populaire et du putsch manqué, dictant parfois aux magistrats civils et militaires les décisions à prendre ?

Peut-on parler d’indépendance de la justice quand les magistrats eux-mêmes, dont les salaires ont été conséquemment revalorisés, continuent de ruser avec le droit et de prendre les décisions à la tête du justiciable pour ne pas dire à l’épaisseur de l’enveloppe tendue ?

Peut-on parler d’indépendance de la justice quand le peuple insurgé lui-même se pique de faire pression sur l’institution et ne conçoit l’indépendance de la justice que quand les magistrats vont en direction de ce qu’il attend ?

Ainsi, trois ans après le martyre de ceux qui ont consenti au sacrifice suprême pour que les choses changent et dont les ayants droit attendent encore la justice, le désenchantement semble gagner les rangs des populations, plus préoccupées par la lutte pour leur propre survie que pour exiger les fruits escomptés de l’insurrection.

Peut-être que les rêveurs et les idéalistes, qui ont offert leurs poitrails, ont placé trop d’espoir dans un événement certes historique mais sans s’interroger sur la volonté ou la capacité réelles des nouveaux dirigeants de concrétiser leurs aspirations légitimes !

Et les tenants du pouvoir actuel auraient tort de négliger ces sommes de déceptions qui pourraient se muer en 2020 en une insurrection dans les urnes si Roch ne se réveille pas à temps. Il ne lui reste que trois petites années pour redresser la barre du navire Burkina, qui vogue vers des horizons incertains.





La Rédaction
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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