C'est un constat : à mesure que la date de la présidentielle approche, ça se complique davantage à Kidal. On savait déjà qu'une paix fourrée régnait dans cette localité malgré l'arrivée au forceps des 150 militaires maliens et le déploiement, non moins délicat, de l'Administration avec le retour du gouverneur, le colonel d'aviation Adama Kamissoko, après plus d'un an d'absence pour des raisons évidentes.
Un brin d'espoir était certes revenu. Mais il sera vite balayé par les derniers événements : les violences entre les "peaux claires", entendez par là Touaregs, et Maliens Noirs, "les Bambaras", sont légion. Des heurts intercommunautaires certes isolés mais qui ne constituent pas moins une forme résidentielle du ressentiment réciproque entre le MNLA et le pouvoir central. Entre jeudi et vendredi, des echauffourées entre Touaregs et Noirs à Kidal ont fait quatre morts, de nombreux blessés et d'importants dégats matériels. Le lendemain, six personnes, cinq agents électoraux et un élu local, ont été enlevées par des "hommes armés" à Tessalit (nord de Kidal) avant d'être libérées hier dimanche.
Et que dire de cette bombe désamorcée toujours hier in extremis ?
En pareil cas, les responsabilités sont difficiles à situer, et, naturellement, le MNLA et les autorités locales se rejettent la balle. Même si la piste des ex-partisans autonomistes semble privilégiée avec l'arrestation et l'aveu d'un des kidnappeurs.
La seule certitude, quels que soient les auteurs de ce rapt et de ces tueries de Tessalit (localité où a eu lieu ce drame), c'est que c'est un nouveau coup de canif qu'on vient d'asséner au processus électoral, déjà poussif, car on aurait voulu faire peser une hypothèque sur ce scrutin majeur à Kidal qu'on ne s'y serait pas pris autrement.
N'empêche, et sauf imprévus de dernière minute, le timing électoral va se dérouler contre vents et sables mouvants. Un forcing qui obéit à deux impératifs :
- d'abord, tôt ou tard, il faut doter le Mali d'autorités issues du suffrage universel, et surtout d'un président élu avec les pleins pouvoirs pour gérer le reste des problèmes pendants, nés de ce cahotement politico-institutionnel ;
- ensuite, il faut sauver l'esprit et la lettre de l'Accord de Ouaga. Kidal, avec 60 000 inscrits, selon la liste électorale de 2009, enregistrera un taux de participation particulièrement faible, mais au-delà du nombre, il y a le symbole.
C'est que c'est à cause de Kidal que les protagonistes maliens Pouvoir / MNLA- HCUA ont passé des jours et des nuits à palabrer à Ouaga ! C'est à cause de Kidal également qu'on a pinaillé sur des paragraphes, des bouts de phrases et des virgules ! Bref, la pierre angulaire de l'Accord politique signé dans la capitale burkinabè est cette localité. Tout est parti de Kidal et tout y revient.
La volonté affichée de Bamako de sauver les meubles en œuvrant à ce que cette présidentielle se déroule sur toute l'étendue du territoire est à saluer, en attendant de juger définitivement celle de Kidal, vu le spectre d'insécurité qui s'y présente.
Pour le moment, deux personnes peuvent cyniquement boire du petit lait : Tiebelé Dramé, président du PARENA, qui a retiré sa candidature, et Diamontin, le président de la CENI, eux qui, au regard des difficultés, avaient manifesté leurs appréhensions face au calendrier électoral.
Même si par ailleurs l'on peut estimer que Tiebelé Dramé, qui fut l'un des acteurs du difficile accouchement de l'Accord de Ouaga, aurait dû poursuivre la course vers la colline de Koulouba. Ne serait-ce que pour aider le bébé, dont il est l'un des géniteurs, à sortir des sables mouvants.