La commande publique, les comptes de dépôt et les régies d’avances de la présidence du Faso, du Premier ministère et des autres départements ministériels ont été mieux gérés en 2016, comparativement à 2015. La tache noire, c’est plutôt la gestion du carburant et des lubrifiants des institutions qui ont été auditées. C’est en tout cas ce qui est ressorti de la conférence de presse donnée par le contrôleur général d’Etat, Luc Marius Ibriga. Cette rencontre d’échanges a eu lieu le 19 octobre 2017 dans les locaux de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) à Ouagadougou.
La présidence du Faso, le Premier ministère et les autres départements ministériels ont été audités de la période allant du 29 décembre 2015 au 31 décembre 2016. Huit équipes d’auditeurs ont été commises à cette tâche et elles se sont intéressées à la gestion financière et comptable de ces institutions. Il s’agit concrètement de quatre domaines jugés à risque. Ce sont : la commande publique, les comptes de dépôt, les régies d’avances et la gestion du carburant et des lubrifiants.
La commande publique s’entend de toute forme d’acquisition de biens, de services ou de prestations au profit des collectivités publiques à travers diverses procédures. Sur ce point, les fins limiers de l’ASCE-LC ont voulu s’assurer que les marchés ont fait l’objet d’une planification appropriée ; que le processus de passation des marchés est conforme à la réglementation générale et enfin que l’exécution financière a été bonne.
Sur 1 328 commandes publiques qui ont été examinées, le recours aux procédures exceptionnelles (entente directe et appels d’offres restreints) concerne 235 contrats. Le montant global de la commande publique sur la période concernée est d’environ 144,5 milliards de francs CFA et la proportion des procédures exceptionnelles est de 31,7 milliards. Ce chiffre comprend le coût du carburant, dont l’acquisition par entente directe est autorisée par les textes. Ce qui veut dire que le montant réel de la commande publique à travers ces procédures est de 22, 3 milliards de francs CFA, soit 15,46 % du montant total, un taux proche de la norme au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui est de 15%.
En 2015, ce taux était de 54,5%, sans doute parce que les autorités de la Transition ont dû recourir à ces procédures en vue de pouvoir assurer plus de réalisations en un temps record. Quant aux appels d’offres ouverts, ils étaient de 33,1% en 2015 contre 72,33% en 2016. Une situation qui traduit une amélioration de la mise en concurrence et susceptible d’assurer plus de transparence dans la commande publique.
Pour ce qui est des comptes de dépôt, les contrôleurs voulaient savoir si les opérations effectuées étaient sous-tendues par des pièces justificatives régulières et si les dépenses avaient été exécutées comme prévu. Ainsi, pour une dépense globale de 177 milliards de francs CFA, les dépenses irrégulières sont de l’ordre d’un milliard, dont plus de 3 millions de charges inéligibles, c’est-à-dire d’opérations qui n’étaient pas prévues.
S’agissant du pourcentage, ces dépenses irrégulières étaient de 0,57% en 2016 contre 2,67 % en 2015. Les objectifs de ce point sont les mêmes que dans le volet des régies d’avances. Ce sont par, exemple, les comptes disposant de fonds pour le mandatement des enseignants nouvellement recrutés afin qu’ils puissent s’installer à leur poste.
Sur 10,7 milliards de francs CFA de dépenses effectuées, environ 404 millions représentent des dépenses irrégulières dont 13,6 millions de dépenses inéligibles et 146 millions de dépenses exécutées en dépassement des seuils autorisés. Sur ce plan, les dépenses irrégulières et celles exécutées en dépassement des seuils sont en hausse par rapport à 2015.
La régularité des opérations dans l’acquisition et la consommation du carburant et des lubrifiants a été relevée comme le domaine dans lequel les recommandations de 2015 de l’Autorité n’ont pas produit les effets escomptés. Pour une consommation totale de 7,5 milliards de francs CFA, les consommations irrégulières se chiffrent à 250 millions, dont 245 millions proviennent de la présidence du Faso (98,13%).
Pour des consommations irrégulières de 158 millions, les opérations sous-tendues par des pièces justificatives irrégulières ou effectuées sans pièces justificatives sont de l’ordre de 96,68%. Cela s’explique par l’absence de textes de répartition, laquelle est source de manque de transparence dans la gestion, avec en toile de fond des risques de détournement.
L’ASCE-LC, dans son audit de l’année 2015, avait suggéré l’élaboration de textes sur la gestion du carburant et des lubrifiants, mais quatre structures n’en disposent pas jusque-là. Il s’agit de : la présidence du Faso, les ministères de l’Economie, de l’Urbanisme et de la Jeunesse.
Au nombre des difficultés, le contrôleur d’Etat Ibriga a cité, entre autres, le refus de certains gestionnaires de communiquer les documents bien que la loi les y oblige ; le très mauvais archivage des pièces justificatives, si elles ne sont pas simplement inexistantes, ou encore l’existence de pièces irrégulières (mauvais format, absence de date, de signatures idoines, de cachets ou de visa).
Pour avoir été très conciliante cette fois-ci, la structure a prévenu, par la voix de son premier responsable, qu’elle n’accepterait plus de pièces justificatives après les travaux des contrôleurs, cela d’autant plus que les institutions auditées sont prévenues quelques mois à l’avance et que la liste des documents à fournir leur est communiquée.
Aboubacar Dermé