Des habitants du village de Vaagogho, dans la commune rurale de Komsilga, empêchent, depuis mai 2017, la construction d’une caserne de gendarmerie dans leur localité. Ils se disent las d’attendre la concrétisation d’une promesse d’attribution de parcelles en guise de dédommagement de la cession de leurs champs.
Les travaux de construction du centre d’entraînement de la gendarmerie mobile, dans la commune rurale de Komsilga, sont à l’arrêt. La société de construction « Kaba et frères », à l’œuvre depuis 2014 sur ce site d’une superficie d’environ 654.177 m2, a été contrainte d’arrêter le chantier, le 2 mars 2017. Des habitants du village de Vaaghogo dans la commune rurale de Komsilga qui avaient accepté, semble-t-il, en mars 2010 de céder leurs champs pour l’érection d’infrastructures au profit de la gendarmerie, sont mécontents. En mars 2017, certains propriétaires terriens, ainsi que plusieurs jeunes du village, ont rendu « visite » aux ouvriers sur le site de construction, leur enjoignant d’arrêter le chantier. Le motif : non seulement l’accord de cession de leurs terrains a été obtenu sur la base d’un « forcing », mais les promesses, disent-ils, qui leur ont été faites, comme contrepartie, tardent à se réaliser. Plusieurs propriétaires témoignent, en effet, avoir paraphé le Procès-verbal (PV) de palabreN°2010-044/MEF/SG/DGI/DF BMG/RDPF BMG/ du 20 mars 2010, sur fond d’intimidations de la gendarmerie et d’engagements de la part du conseil municipal de Komsilga. Paul Compaoré, la soixantaine, possédait un champ sur le site. Il explique avoir été informé en février 2010, par un conseiller municipal, agissant sur ordre de l’ancien maire de Komsilga, Julien Nonguierma, que la gendarmerie envisage de bâtir un camp dans leur localité. Ensuite, avec d’autres propriétaires terriens, ils ont été invités à se rendre à l’Hôtel de ville, munis des photocopies de leurs pièces d’identité. « Une fois là-bas, le maire, (Julien Nonguierma, ndlr) nous a dit que c’est pour établir le procès-verbal de palabre. C’était en présence des gendarmes. Ce jour-là, nous avons dit non. On ne peut rien signer sans savoir si les populations seront dédommagées ou pas », relate M. Compaoré. A cette séance, aucune des autorités présentes, l’ancien maire M. Nonguierma, l’ancien directeur de la Logistique de la Gendarmerie nationale, feu le commandant Batiéné Bassana… ne s’est prononcée, d’après lui.
Un autre propriétaire terrien, Benjamin Kafando, se souvient aussi des pressions qui ont été faites sur les participants à cette rencontre.
« Les gendarmes nous ont fait savoir qu’ils mèneront des enquêtes sur chacun d’entre nous, que nos failles seront décelées et qu’ils poursuivront les uns et les autres en justice », lance -t-il, dans un français approximatif. A l’en croire, le chef de terre du canton de Komsilga s’est allié aux pandores. En tant que Tengsoba (chef de terre, en langue moore), il a manifesté sa volonté de signer les documents si les propriétaires terriens s’y refusent. Approché, il n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. A la suite de plusieurs conciliabules, les protagonistes sont parvenus à un consensus « bien que verbal », confie Paul Compaoré : « on nous a promis des parcelles, comme dédommagement pour nos terres, en lieu et place de sommes d’argent».
Il y a bien eu accord
A la suite de cet accord, propriétaires terriens, conseillers municipaux, le maire à l’époque (Julien Nonguierma), le représentant du ministère en charge de la défense, l’ancien directeur de la Logistique de la Gendarmerie nationale, feu le commandant Batiéné Bassana, ont signé, le 20 mars 2010, le « procès-verbal de palabre (…) pour la constatation de l’accord des superficiaires d’un terrain d’une superficie de 654.177 m2 environ, sis en zone rurale à Vaagogho, commune de Komsilga ». L’ancien maire, Julien Nonguierma, confirme l’existence de cette « promesse ». Selon ses explications, « il était entendu que la mairie entreprenne les démarches pour un éventuel lotissement. Nous avons dit aux propriétaires terriens que cela ne constituait pas un problème, mais ce n’est pas moi, la personne de Julien Nonguierma qui leur était redevable de quoi que ce soit ». Il était prévu que les parcelles soient attribuées aux populations sur une trame d’accueil. A cet effet, il leur a été demandé d’adresser une correspondance à la mairie. La commune s’était engagée à diligenter les procédures légales pour le faire. « Dès lors, le conseil municipal allait délibérer avant d’introduire le dossier au niveau du gouvernement. La gendarmerie ne fait pas de lotissement, c’est à la mairie de s’en occuper », indique l’ex-bourgmestre. Seulement, la crise sociopolitique de 2011 est passée par-là. Julien Nonguierma rappelle que les opérations de lotissements ont été suspendues. « On est resté de suspension en suspension jusqu’à l’insurrection. Il y a eu changement de régime et de personnes (bourgmestre, ndlr) à la tête de la mairie. C’est ça le nœud du problème. Les gens pensent qu’ils n’auront plus rien », ajoute-t-il. Par ailleurs, il était question que la gendarmerie « appuie » le dossier au cas où il y aurait un blocage. Mais sept années plus tard, parmi la vingtaine de propriétaires terriens signataires du document, personne n’a reçu un lopin de terre en guise de dédommagement. Les plaignants affirment avoir envoyé des courriers au ministère de la Défense, avec ampliation au gouvernorat du Centre, au Haut-commissariat du Kadiogo et à la Gendarmerie nationale. Mais, rien n’y fit. Personne ne leur a répondu. « Seule la gendarmerie de Komsilga, nous a rencontrés une fois », a fait savoir M. Compaoré.
« A aucun moment, nous n’avons promis des parcelles »
De son côté, la gendarmerie fait entendre un autre son de cloche. Les hommes en bleu ne se reconnaissent point dans un accord incluant une attribution de parcelles, encore moins dans une quelconque entreprise d’intimidations. Selon l’actuel directeur de la Logistique de la gendarmerie, le Colonel Doléan Minougou « personne n’a forcé qui que ce soit à apposer sa signature sur le procès-verbal ». D’ailleurs, il se dit « surpris et pris de court par les villageois ». Car, n’ayant pas été contacté avant leur irruption sur le chantier pour arrêter les travaux. Il s’étonne de l’attitude des propriétaires terriens, d’autant plus que dans les autres contrées, ce sont les populations elles-mêmes qui supportent la construction de ce type d’infrastructures. Le colonel martèle : « à aucun moment nous n’avons promis des parcelles ». Et même, à supposer qu’il y ait eu de tels engagements, « ce qui est peu plausible », soutient-il, l’ancien directeur de la Logistique, feu le commandant Batiéné Bassana qui avait mené les négociations n’est plus de ce monde. Il soutient ne pas pouvoir répondre à la place de son prédécesseur. « Je ne pense même pas qu’il ait promis quelque chose », ajoute le colonel Doléan Minougou.
Un PV confus
Face à ces différentes versions, le procès-verbal de palabre n’est pas assez précis sur le contenu de l’accord. D’une part, il n’y est nullement fait mention de dédommager les propriétaires terriens avec des parcelles. Selon les termes du PV, ces derniers se réjouissent de l’implantation d’une caserne dans leur localité et souhaitent sa « réalisation rapide » parce qu’elle contribuera à « sécuriser davantage » la commune de Komsilga. Benjamin Kafando et Paul Compaoré, les deux représentants des propriétaires terriens cités dans le document officiel, décrivent leur enthousiasme et surtout, traduisent leur reconnaissance au maire (Julien Nonguierma) de les « avoir conviés » à la rencontre du 20 mars 2010. Le premier reconnaît avoir « cédé le terrain au ministère de la Défense pour la construction de sa caserne ». Quant au second, il écrit : « aucun propriétaire ne remettra en cause cette cession. Aucun rite n’est pratiqué sur le site ». Dans le procès-verbal, les populations s’engagent aussi à accompagner la construction du camp. A cet effet, elles ont participé à plusieurs séances de plantation d’arbres sur le site aux côtés des pandores, selon des témoins. D’autre part, certaines lignes tracées par l’ancien édile et le commandant de gendarmerie (feu Batiéné Bassana) laissent perplexe. Julien Nonguierma se dit « sensible aux sollicitations des propriétaires terriens et des conseillers du village » et promet de « mettre tout en œuvre pour l’aboutissement du projet d’aménagement » de Vaagogho. Quant au défunt directeur de la Logistique de la gendarmerie nationale, feu le commandant Batiéné Bassana, dans l’écrit, il exhorte le maire à faciliter la construction du camp en aménageant « la zone pour ainsi prendre en compte les sollicitations des propriétaires terriens ». De quelles sollicitations s’agit-il ? Nous n’aurons pas de précisions. Mais, le fait est que sept ans après l’acquisition du terrain par la gendarmerie, les propriétaires terriens attendent toujours « la tenue des promesses ». Sans quoi, « les travaux ne reprendront pas sur le site », menace Benjamin Kafando. La question foncière n’entrant pas dans le cadre de ses missions, la Gendarmerie nationale demande que le problème soit résolu au niveau communal. Ce à quoi le nouvel édile, Issouf Nikiéma, dit s’atteler avec son équipe en vue d’une reprise du chantier de construction de la caserne dans les plus brefs délais. Il multiplie les rencontres entre propriétaires terriens et gendarmes afin de concilier les deux parties. « C’est ensemble qu’on peut trouver la solution », confesse-t-il. Mais, d’ici que le discours du politique soit matérialisé, la mesure de suspension des lotissements au Burkina court toujours.
Djakaridia SIRIBIE