La nouvelle est tombée le 4 octobre dernier. 13 députés de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) ont quitté le groupe parlementaire dudit parti pour en créer un autre. Il s’agit de l’UPC-Renouveau démocratique. Selon ces députés « frondeurs », il n’est pas question de quitter le parti du Lion. Mieux, ils y sont et y resteront. Mais dans le camp d’en face, c’est un autre son de cloche. Pour le porte-parole de l’UPC, Rabi Yaméogo, aile Zéphirin Diabré, « on ne peut pas avoir un pied dedans et un pied dehors. Soit on est du parti ou on ne l’est pas ». Point barre. Un entretien réalisé le 8 octobre dernier à Ouagadougou.
Depuis le 4 octobre, on assiste à une scission matérialisée par la création d’un nouveau groupe parlementaire par 13 députés de votre parti. Que se passe-t-il réellement à l’UPC ?
Je voudrais tout d’abord vous remercier de nous permettre de nous prononcer pour la première fois depuis que cette situation est apparue. Je dois vous rassurer qu’il n’y a pas une scission, mais plutôt des bruits. En effet, nous avons eu certains de nos députés qui ont été cités dans le Courrier confidentiel comme étant parmi des députés qui ont pactisé avec le défunt président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo, dans le but de casser le parti. Cela est un premier élément. Le 2e élément est que les incriminés reprochent au parti de n’avoir pas fait un démenti dans le but de les dédouaner. Le 3e élément est que depuis quelques jours, il est fait cas d’un nouveau groupe parlementaire qui veut se créer. Dès lors, nous avons entendu des déclarations de certaines personnes qui posent un problème de gouvernance dans le parti. Voilà donc la situation.
Dans notre parti, les choses sont claires. Primo, si un de ses membres est cité suite à une situation dans un organe de presse, il revient à ce dernier de démentir et le parti, s’il estime d’abord nécessaire d’intervenir pour le soutenir, agit. Mais il ne revient pas au parti d’apporter un démenti à la place de ceux qui ont nommément été cités. Secundo, nous ne voyons pas en quoi la création d’un nouveau groupe parlementaire peut résoudre le problème posé qui est que le parti ne s’est pas prononcé suite à la parution de l’article. Tertio, nous nous sommes dits qu’étant donné qu’ils ont été nommément cités, ils avaient la possibilité de réagir à travers un droit de réponse. Donc, le parti s’attendait à trois choses. Premièrement, que les incriminés prennent langue avec la direction du parti pour dire ce qu’il y a et rassurer qu’il n’en est rien. Chose qui n’a pas été faite. Deuxièmement, que les intéressés, dès l’apparition de l’article, réagissent promptement pour réfuter les allégations. Chose qu’ils n’ont pas faite.
Troisièmement, ils pouvaient aller à leurs bases pour rassurer leurs militants en leur faisant comprendre qu’il n’en était rien. Mais rien de tout cela n’a été fait. En effet, il ne revient pas au parti de blanchir X ou Y, de disculper les uns et les autres. Il leur revenait plutôt de le faire. Cependant, le parti a pris langue avec eux, à travers une correspondance qui leur a été adressée et nous avons désigné deux personnes pour les rencontrer. Donc, nous ne comprenons pas tout ce bruit qui se passe.
Aussi, la création d’un groupe parlementaire se fait en collaboration d’abord avec le parti. C’est une discussion qui se fait, mais nous n’avons pas été informés de la tentative de création d’un nouveau groupe parlementaire. Si c’est pour défendre les intérêts du parti, il faut l’onction de ce même parti ; ce qui n’a pas été le cas.
« Ce que le parti regrette, c’est l’indiscipline caractérisée à laquelle on assiste »
Vous avez dit, au début de l’entretien, qu’il ne s’agit pas d’une scission. Mais concrètement, de quoi s’agit-il et quel est le terme approprié ?
Ce que le parti regrette, c’est l’indiscipline caractérisée à laquelle on assiste. D’abord, si vous créez un groupe parlementaire sans l’autorisation préalable de votre parti alors qu’il en existe déjà, cela est une indiscipline. Quand ils disent à l’opinion nationale et internationale qu’ils ne quittent pas le parti mais créent un groupe parlementaire parallèle dans le même parti, cela paraît curieux. Comment le parti peut-il travailler avec un groupe qu’il n’a pas créé ? Pour nous, c’est comme une démission de fait. Soit vous êtes dans le parti parce que vous avez l’onction du parti et vous travaillez avec lui et le groupe existe, soit vous quittez et cédez votre mandat. Mais nous ne sommes pas dupes. En affirmant qu’ils quittent le parti, ils perdent leur mandat. Donc, tout ce qui va avec. De peur que cela n’arrive, ils disent qu’ils y restent pour défendre des idées. Quelles idées vont-ils défendre en créant un nouveau groupe ? Ce que nous voulons, c’est qu’ils aillent jusqu’au bout de leur logique qui est qu’ils ont quitté le groupe parlementaire, donc ont démissionné. Par conséquent, qu’ils remettent leurs mandats aux militants qui leur ont confié une mission.
Sur les réseaux sociaux, il est fait cas de jeunes militants du parti qui menaceraient les députés démissionnaires de quitter le parti sous peine de voir leurs domiciles incendiés. Que pensez-vous de cela ?
D’abord, il faut signaler que le parti n’a jamais instruit ses structures ni des militants à poser quelque acte que ce soit. Nous sommes un parti légaliste, pacifiste. Donc, nous ne sommes pas auteurs de ce mouvement. Mais nous comprenons ce genre de réactions parce que les militants sont découragés. Ils ne peuvent pas comprendre qu’ils se soient battus sur le terrain, de manière courageuse, pour arracher des mandats et que des gens se permettent, du fait qu’ils ont été élus, de vendre leur mandat, d’en faire un objet de chantage. Donc, les militants sont en droit de revendiquer leur mandat. Pour ce qui nous concerne et cela clair, nous n’allons jamais tolérer la création d’un groupe parlementaire parallèle. Nous sommes en 2017, et un député doit être responsable et savoir que ce sont des gens qui l’ont porté, étant donné que c’est le mandat des militants. Ils devraient aller vers leurs bases, les informer pour avoir leur autorisation pour agir. Mais on ne peut pas permettre que des gens, sous prétexte qu’ils sont des députés, fassent n’importe quoi. Nous avons appris que des militants se promènent de domicile en domicile pour menacer. Si ces députés se disent frustrés, les militants le sont encore plus parce que les gens trouvent qu’ils veulent faire de leur mandat, un fonds de commerce, ce qui n’est pas acceptable. Même au sein du parti, nous serons intraitables. Nous n’allons pas négocier notre mandat qui revient au parti, car lorsque les gens allaient se faire élire, c’était sous l’emblème du parti.
Quelle sera la suite, au regard de cette nouvelle donne?
Vous allez la connaître parce que nous avons une conférence de presse demain (NDLR : aujourd’hui 9 octobre) qui sera animée par le premier responsable du parti. Aussi, les militants UPC du Kadiogo tiendront une conférence de presse mardi, au cours de laquelle ils diront ce qu’ils vont faire. De façon officielle, nous allons laisser la direction du parti s’occuper des affaires qui relèvent de son ressort, mais ce sont les militants qui font le parti et ils vont s’assumer. Vous verrez la batterie de mesures qui sera prise soit pour retirer nos mandats, soit pour dire que nous ne sommes pas d’accord.
« Les militants vont s’assumer dans toutes les provinces dont ces députés relèvent »
Mais on parle également de souveraineté du mandat du député qui reste inviolable. Quel commentaire en faites-vous ?
C’est un argument qui ne tient pas. Lorsque vous êtes dans une association ou dans une corporation, vous devez épouser le minimum d’idées, de points de vue de l’association ou de la corporation. Vous êtes là pour défendre un idéal. C’est pour cela que vous avez adhéré librement, sans être enchaîné. Si vous pensez que le parti est étroit, que l’espace qu’on vous donne ne peut pas permettre de vivre, vous quittez librement comme vous êtes venu. Mais le mandat dont on parle, il est lourd. Si on prend un député qui a eu l’onction du peuple, il devrait avoir peur du même peuple et ne travailler que pour défendre les intérêts de ce peuple. En quoi la création d’un groupe parlementaire va-t-elle améliorer les conditions de vie des Burkinabè ? En quoi cela va-t-il apporter de l’eau, des routes à la population qui les a mandatés ? Si c’est pour le peuple qu’ils prétendent défendre, cela doit se faire à l’intérieur du parti. Mais s’ils disent qu’ils ne quittent pas le parti alors qu’ils ne sont pas d’accord avec le même parti, il y a problème. On ne peut pas avoir un pied dedans et un pied dehors.
Par ailleurs, un député de 2017 ne peut pas être un député de 1998. Quand on dit « plus rien ne sera comme avant », c’est parce que dans l’histoire de notre pays, on a assisté au phénomène de nomadisme politique. C’est ce que le législateur a barré. Lorsqu’un député est démis de ses fonctions par son parti, il garde son mandat. Mais s’il démissionne de lui-même, il perd son mandat.
Dès lors que ce n’est pas suite à une compétition ou un concours que vous avez été élu, dans la même logique, vous devez respecter ceux qui vous ont élu parce que vous avez un mandat, une mission. C’est cela un député responsable. Mais si un député doit quitter son parti pour le moindre problème, là il y a problème… Même dans nos familles biologiques, il arrive qu’on ne s’entende pas avec nos frères ou sœurs. C’est même normal qu’il y ait des points de vue et c’est dans les discussions que le parti peut progresser. S’il n’y a pas de courants, il ne peut pas progresser. Mais on ne le quitte pas, on ne le démolit pas.
Pensez-vous que tout ce qui se passe au sein de la majorité, que l’ensemble des 50 députés qui la composent adhèrent à tout moment ? Assurément non. Ceci pour dire qu’on ne peut pas toujours partager les mêmes points de vue, mais il y a un minimum sur lequel l’on doit construire le parti. C’est ce qui nous réunit. Aussi, nous venons d’horizons divers, nous avons des éducations diverses, mais c’est la politique qui nous a rassemblés. Donc, nous devons partager un certain nombre de valeurs telles celles de l’intégrité, de la probité. Mais si on doit prendre le mandat du parti pour marchander parce qu’on est député, ou se dire qu’on ne peut pas me retirer mon mandat, donc je peux faire ce que je veux, nous, nous n’accepterons pas cela.
Nous avons pris une mesure contre un député et il est parti avec son mandat. Mais cette fois-ci, soit il retourne à la maison ou il remet le mandat du parti.
En tout état de cause, les militants vont s’assumer dans toutes les provinces dont ces députés relèvent. De toute façon, ce sont les militants qui font le parti et c’est à eux que le mandat a été destiné. Ils n’accepteront pas que quiconque vienne marchander leur mandat. Cela est clair.
Propos recueillis par Colette DRABO