La capitale européenne accueille, le 6 octobre prochain, la quatrième édition du Rebranding Africa Forum. Placé sous le thème «Enjeux et défis des systèmes financiers africains face au dividende démographique», le rendez-vous de cette année, qui aborde une problématique très actuelle, s’annonce palpitant…
Une journée pour penser à nouveau l’Afrique et repenser les politiques et stratégies mises en œuvre pour son développement et pour l’épanouissement de ses populations. Tel est le défi que s’impose, cette année, le Rebranding Africa Forum (RAF), qui se tient, pour la quatrième année consécutive, à Bruxelles. Ainsi, après trois éditions qui ont forgé la crédibilité de ce creuset de réflexions pour une dynamique africaine plus pédagogique et plus vertueuse, le RAF convie experts, consultants et personnalités de haut vol à se pencher sur l’épineuse question du dividende démographique.
Institutionnalisé depuis 2014, le RAF ambitionne en effet, de l’avis de son initiateur, Thierry Hot, de «poser plus concrètement les vrais problèmes de l’Afrique, dans une posture à la fois pédagogique et prospective». Il ne fait donc pas de doute qu’en abordant courageusement la question du dividende démographique, qui agite les opinions depuis quelque temps, le RAF s’invite au cœur d’un débat utile pour l’avenir du continent. Devenue l’une des équations les plus essentielles à résoudre par nos dirigeants, le plus africain des fora de Bruxelles avait perçu cette nécessité de la décortiquer bien avant la sortie, le 8 juillet 2017, du président français, Emmanuel Macron — sur la forte natalité des femmes africaines —, qui a entraîné comme on le sait une vive polémique.
En effet, le choix de ce thème, annoncé depuis octobre 2016, à la clôture de la précédente édition du Rebranding Africa Forum, témoigne de la pertinence du sujet et de la nécessité à s’accorder sur son contenu et sur les politiques qui devraient en découler pour un réel décollage économique du continent. Est-il besoin de le rappeler, le dividende démographique indique «les avantages que les économies seraient susceptibles de tirer d’une phase particulière de la transition démographique durant laquelle l’évolution numérique des différentes classes d’âge conduit à maximiser la proportion d’actifs, source de richesses, et à minimiser corrélativement celle des inactifs, source de dépenses».
«SI RIEN N’EST FAIT…»
Cette question de maîtrise de la démographie pour impulser une dynamique de croissance a du reste fait l’objet, en juillet dernier à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, d’une réunion de haut niveau qui a regroupé près de 300 parlementaires et techniciens des quinze pays de la Communauté économique des Etats l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), ainsi que de la Mauritanie et du Tchad. Une occasion qui aura permis à Salifou Diallo, le défunt président de l’Assemblée nationale du «pays des Hommes intègres» — décédé le 19 août 2017 — de professer que «si rien n’est fait, nous allons lentement et sûrement vers une catastrophe», car «la démographie galopante pèsera sur les ressources naturelles, aggravera les problèmes de santé, d’éducation et sera porteur à terme de conflits futurs à connotations économiques et sociales».
Bien que la recommandation des parlementaires de la Cedeao, à l’issue de cette réunion, de réduire la taille de nos familles ait choqué dans les chaumières africaines, l’instant est indiscutablement indiqué pour cerner cette situation avec hauteur, sans passion et sans amalgame. Il s’agira donc, ainsi que le suggère si justement Thierry Hot, de «prendre en compte toutes les données pertinentes ainsi que tous les avis sur cette problématique cruciale, éminemment économique et profondément sociopolitique, sans chercher à répondre à quelque injonction d’où qu’elle vienne».
Les participants à cette quatrième édition du Rebranding Africa Forum — personnalités et compétences les plus éminentes dans les domaines financier, économique, politique et scientifique — auront ainsi à cœur de questionner, sans complaisance ni faiblesse, les faits et les chiffres afin de conclure des synergies et partenariats efficaces en la matière. Avec une population estimée à plus de quatre milliards d’âmes à l’horizon 2100, l’Afrique doit en effet se préparer à mieux gérer son avenir démographique afin d’en tirer les meilleurs effets possibles pour son développement.
«La population totale de l’Afrique, qui s’élevait à 1 milliard de personnes en 2010, va passer à 1,6 milliard en 2030 et 3 milliards en 2065, composée à 30% de 15-24 ans», prévient d’ailleurs Mabingué Ngom, directeur régional du Fonds des Nations unies pour les activités de population (Fnuap) pour les 23 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Qui plus est, «un quart de la population mondiale vivra sur notre continent, la population âgée de 65 ans et plus va doubler, passant de 3,4% à 7,7% du total, tandis que l’espérance de vie passera de 58 ans en 2010 à 72 ans en 2065»!
Une implacable réalité avec laquelle il faut forcément compter dès maintenant, une problématique à appréhender avec responsabilité et efficacité. «Si des politiques ne sont pas menées au niveau de chaque Etat et dans l’espace communautaire pour maîtriser la fécondité qui est de l’ordre de six enfants par femme, la croissance économique de nos Etats (entre 5% et 8%) ne sera pas à même d’endiguer les problèmes sociaux récurrents que sont la santé, l’éducation, le chômage des jeunes», avait du reste indiqué feu Salifou Diallo en juillet dernier à Ouagadougou.
VOCATION
Après avoir posé les jalons de l’émergence du continent en 2014, tracé les pistes pour «investir en Afrique et entreprendre pour l’Afrique» en 2015, puis exploré les solutions susceptibles de «relever le défi de l’industrialisation de l’Afrique» en 2016, le Rebranding Africa Forum s’inscrit cette année dans la dynamique du dividende démographique du continent. Confirmant ainsi sa vocation d’être «le rendez-vous où se pensent les profondes transformations dont l’Afrique a aujourd’hui besoin afin de faire peau neuve et attirer les partenaires indispensables pour relever le défi du développement».
Mais aussi et surtout de fédérer les énergies pour continuer à féconder la nouvelle pensée stratégique du 21e siècle en réussissant, selon le mot de son fondateur, «l’alliage entre l’intelligence sociétale et démocratique au service des libertés, d’une part, et l’intelligence économique au service du progrès des peuples, d’autre part». Car, pour Thierry Hot, «l’Afrique a besoin d’une pensée susceptible d’éclairer ses choix, mais également d’une praxis effective».
A l’aune de cette pratique, qui devrait être rigoureuse, le RAF’2017 convoque trois panels pour faire l’état des lieux des «Enjeux et défis des systèmes financiers africains face au dividende démographique». Le premier — Investir dans le capital humain — permettra de «clarifier le débat sur la nécessité ou non pour l’Afrique de viser un dividende démographique afin de doter le continent d’un capital humain à la mesure de son désir d’émergence.
Ensuite, les experts, consultants et participants s’attèleront, dans le deuxième panel — Le pari agro-industriel —, à «déterminer les modalités concrètes à travers lesquelles les systèmes financiers africains peuvent prendre toute leur part dans l’essor agro-industriel d’un continent appelé à nourrir trois milliards d’habitants dans les 20 à 30 prochaines années». Un défi immense s’il en est, et que l’on pourrait peut-être relever grâce aux «opportunités du marché des services» — thème du troisième et dernier panel —, et qui devrait aborder «la question du financement de services adaptés au pouvoir d’achat et aux réalités culturelles de la population africaine».
INNOVATION
Mais le RAF, c’est aussi la célébration de l’innovation africaine. Depuis son lancement en 2014, plusieurs projets novateurs — qui mettent en lumière le génie africain à inventer des solutions technologiques simples aux problèmes quotidiens des populations —, ont été primés. Ainsi de la formidable initiative du Kényan Evans Wadongo, jeune ingénieur en informatique, qui a étrenné le Rebranding Innovation Award en 2014. En concevant des milliers de lampes solaires pour remplacer le kérosène, plus coûteux, il a en effet «révolutionné la vie de milliers de ruraux dans son pays». Ce prix a ensuite été attribué, en 2015, à la Sénégalaise Awa Caba, notamment pour son e-project Sooretul, «un espace en ligne pour les femmes engagées dans la transformation de fruits et céréales locaux, destiné à booster la vente de leur production».
D’ailleurs, pour la lauréate de l’Innovation Award 2015, «le Rebranding Africa Forum est une tribune internationale qui, au cœur de l’Europe, dévoile les talents et innovations de jeunes africains. Au moment où tous les médias ne parlent que des maux du continent, c’est une initiative qui montre une Afrique positive, pleine d’espoir et d’innovations». Ce n’est certainement pas le Burkinabè Cédric Christian Toé qui la démentirait, lui qui a soulevé le précieux trophée en 2016 pour son «Laafi bag», équipement portable pour la conservation des vaccins, des échantillons de laboratoire et des denrées périssables. Une belle trouvaille qui contribue avec pertinence à la construction d’«une Afrique débarrassée des maladies évitables par la vaccination».
C’est donc aussi cette Afrique belle, innovante et pleine d’espérance que donne à voir le RAF chaque année depuis 2014. Et l’édition de cette année ne dérogera pas à la règle puisque trois projets seront à nouveau soumis à l’arbitrage d’un jury indépendant, qui sacrera, au soir du 6 octobre, un nouveau lauréat du Rebranding Innovation Award, aux côtés des autres personnalités qui seront distinguées au cours d’un gala haut en couleurs et en émotions.
Le Rebranding Africa Forum, c’est tout cela: un véritable laboratoire pour réformer l’image de l’Afrique, mais aussi un creuset extraordinaire pour poser les vraies questions de développement et tracer les sillons d’un meilleur devenir commun, puis une célébration pour sublimer les innovations de ce continent décidément étonnant…