A chaque jour sa manifestation au Burkina. Force est cependant de reconnaître que la majorité des manifestations, qu’elles soient ponctuelles ou organisées, pacifiques ou violentes, dénoncent la gestion des affaires par le pouvoir de la IVe République. Le meeting de la CCVC (coalition contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés), de ce samedi 20 juillet, vient renforcer le camp des mécontents. A la différence des marches organisées par l’opposition et le CDP (congrès pour la démocratie et le progrès), la grand-messe de la CCVC a la particularité de ne pas être partisane. Elle s’élève au-dessus des considérations politiques. C’est dire que la CCVC est le creuset de toutes les sensibilités du Burkina. Rien que par les valeurs qu’elle défend, la CCVC devrait en principe fédérer autour d’elle les préoccupations de tous les Burkinabè. En tout cas, la manifestation de ce samedi est un challenge pour les organisations membres de la CCVC. Une forte mobilisation sera le signe de l’adhésion des populations à leur plateforme revendicative et de la légitimité de leur lutte. Par ailleurs, cela aura pour effet d’amener le gouvernement à avoir une écoute plus attentive à leurs doléances. « Le renchérissement continu du coût » de la vie dénoncé par la Coalition contre la vie chère touche chaque burkinabè, indépendamment de son bord politique. La seule différence, c’est la façon que chacun ressent les contrecoups de cette vie chère. La majorité de la population croupit dans la misère pendant qu’une minorité bien repue ignore même jusqu’au prix du litre d’essence. C’est ce Burkina à deux vitesses, où le fossé abyssal entre très riches et très pauvres continue de se creuser, que la CCVC dénonce à travers sa manifestation. Le pouvoir devrait en principe prendre cela comme une invite à mieux faire dans la redistribution des richesses nationale et l’amélioration du pouvoir d’achat des plus démunis.
Mais que nenni ! Les vieilles méthodes sont ressuscitées. Il s’agit de manœuvres diverses, allant de pressions amicales aux menaces directes en passant par l’amadouement, pour arriver à décourager certains candidats à la marche. Ces derniers temps, d’autres techniques ont été observées : il s’agit l’installation de caméras de surveillance, ou le déploiement disproportionné des forces de l’ordre, y compris l’armée. S’il s’agissait uniquement d’assurer la sécurité des biens et des personnes, on ne trouverait rien à redire. Mais à l’évidence, cette démonstration de force vise à démoraliser les manifestants. Ce n’est pas de cette façon qu’on résoudra la crise sociopolitique grandissante au Burkina. Au lieu de chercher à faire capoter une manifestation, en déployant des moyens inimaginables, il serait plus simple d’écouter la voix des mécontents. Le pouvoir doit cesser de vouloir à la dernière minute étouffer la grogne sociale comme on le voit par rapport à la marche contre la vie chère de ce samedi. Le CDP n’a rien trouvé de mieux à faire que de réunir les commerçants, dans une sorte de messe noire, pour les dissuader de prendre part à la marche. C’est de bonne guerre. Mais l’approche est maladroite. Par sa mauvaise gestion du monde économique, le CDP oublie qu’il n’a plus d’emprise totale sur les commerçants, surtout ceux du secteur informel. Jadis indéfectibles soutiens du pouvoir, les petits commerçants expriment de plus en plus leur indépendance. Ils ont compris que leur destin ne peut se dissocier de celui des salariés qu’ils huaient auparavant lors des marches du Collectif. Les mentalités ont donc beaucoup évolué et le CDP devrait en tenir compte. La seule façon pour le pouvoir de se faire respecter, c’est d’accorder une plus grande attention à la demande sociale .