Nouvelle fin de non-recevoir pour l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo. Conformément à l’injonction de la Cour d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) en date du 19 juillet 2017, la Chambre de première instance a examiné une nouvelle fois la demande de mise en liberté provisoire, avec ou sans condition, de Gbagbo, poursuivi, on le sait, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtres, viols, tentatives de meurtre et persécution.
Nouvelle demande de liberté provisoire, nouveau rejet donc.
Combien de fois cette requête lui a-t-elle été refusée depuis maintenant six ans que l’ex-locataire du palais de Cocody croupit dans les geôles de Scheveningen ?
On ne les compte même plus tant les refus semblent systématiques en l’espèce, aussi bien sous le magistère du procureur Luis Moreno-Ocampo que sous celui de sa remplaçante, Fatou Bensouda.
Dans un communiqué publié hier mardi 26 septembre 2017, l’instance judiciaire de La Haye a estimé que le maintien du prévenu en détention était la « seule mesure qui garantisse la participation de Laurent Gbagbo au procès, et qu’elle est donc raisonnable, appropriée et nécessaire ». Elle a aussi invoqué « l’existence d’un réseau de partisans qui pourrait l’aider à échapper à la justice ».
Il n’y aurait donc aucune raison qu’on élargisse l’ancien chef de l’Etat ivoirien.
L’ « Enfant terrible » de Mama doit désormais se rendre à l’évidence : son sort semble scellé depuis le 11 avril 2011, date où il a été transféré de sa prison de Korogho (Nord ivoirien) à La Haye pour un aller simple.
Six ans d’une procédure dont on n’est pas près de voir le bout du tunnel.
Presque autant de temps d’instruction marquée par un bâclage du dossier qui a dû obliger Fatou Bensouda à reprendre l’instruction pour insuffisance de preuves, avant la confirmation des charges qui n’interviendra qu’en 2014.
Ce nouveau refus intervient, ne l’oublions pas, après la déposition du général Mangou, témoin à charge et chef d’état-major général des armées de Laurent Gbagbo lors de la guerre civile, lequel a ouvert le feu sur son chef.
Mais quel crédit accorder à la parole d’un tel témoin qui semble avoir été retourné par les vainqueurs ? Tout patron de l’armée loyaliste, n’a-t-il pas curieusement été nommé ambassadeur de son pays auprès du Gabon ? C’est peut-être ce qui explique que Mangou, la « balance », soit l’un des rares hauts gradés au moment des faits à n’être inquiété ni par la justice de son pays ni par la CPI.
Dans un tel procès à forte coloration politique, que peut valoir la version de Gbagbo face à des juges dont la religion est déjà faite et qui l’ont déjà condamné sous réserve tout juste du tarif à lui appliquer ?
Maigre consolation s’il en est, le bagnard, du fond de sa cellule, doit rire sous cape des guerres intestines qui minent aujourd’hui ceux-là mêmes qui l’ont chassé du pouvoir et expédié à La Haye.
En effet, entre le président ADO et celui qui l’a fait roi, Guillaume Soro, plus rien ne va pour des raisons non avouées de succession au trône.
Comble de crime de lèse-majesté contre le premier, le second, dans un acte de contrition généralisée, a fait son mea culpa au pire ennemi de son allié d’hier. L’ennemi de mon ennemi est mon…
On n’est peut-être pas au bout de nos surprises, car si les mésententes entre les vainqueurs devaient perdurer et s’accentuer, qui sait si des révélations accablantes contre l’un ou l’autre ne viendraient pas changer le cours du procès Gbagbo ?
Alors, rien ne dit que le sort judiciaire de l’illustre prisonnier de Scheveningen ne se jouera pas finalement sur les bords de la lagune Ebrié.
Alain Saint Robespierre